Introduction Le code des droits et procédures
fiscaux dont l’entrée en vigueur est fixée pour le premier janvier
2002 (exception faite de l’application anticipée de certaines
dispositions relatives aux pénalités de retard) s’inscrit dans le
cadre de la réforme qu’a connue la législation fiscale tunisienne.
Les principaux objectifs de ce code sont :
Le code des droits et procédures
fiscaux a apporté certains changements par rapport à l’ancienne législation
régissant le contrôle et le contentieux fiscal, il s’agit notamment
de l’institution du double degré de juridiction, l’unification des
délais de prescription et l’institution d’une procédure de
restitution des sommes perçues en trop dont le défaut de respect peut
entraîner la déchéance du droit au remboursement pour le
contribuable. Dans cet état de réflexion, le
code des droits et procédures fiscaux a apporté certains changements
au droit de communication de l’administration, que nous essayons d’étudier
dans le cadre de cet article. I-
Présentation du droit de communication Prévu aussi bien par l’ancienne
réglementation (code de l’IRPP et de l’IS et autres textes fiscaux)
que par le nouveau code (CDPF), le droit de communication s’inscrit
dans le cadre des droits d’investigation dont l’administration
fiscale est investie et qui comportent en plus du droit de
communication, le droit de visite, de perquisition et de saisie. Le droit de communication dans son
acception la plus large est défini comme étant le droit qui autorise
l’administration à obtenir communication de tous les documents détenus
par le contribuable et les tiers afin d’établir ou de contrôler
l’impôt. La typologie classique classifie
les droits de communication en droit de communication à l’égard du
contribuable et droit de communication à l’égard des tiers. Dans cette étude, nous retenons
une classification différente. Ainsi, nous envisageons d’étudier le
droit général de communication prévu par l’article 16 du code des
droits et procédures fiscaux dans un premier paragraphe (A) et
d’aborder les droits spécifiques de communication qui concernent des
institutions précises prévues par les articles 17 et 18 du même code
dans un second paragraphe (B). Cette approche n’exclut pas la
typologie classique puisqu’il découle de la définition de chaque
droit de communication présenté que l’obligation est mise à la
charge soit du contribuable, soit des tiers. Toutefois, les articles 6 à 9 du
C.D.P.F ont traité du droit de communication dans le cadre de la définition
des droits dont dispose l’administration à savoir : le droit de
communication, le droit de visite, le droit de perquisition et de saisie
et le droit de vérification. Les énonciations de ces articles, que
nous intégrons dans notre étude sont très importantes et font parfois
double emploi avec la section III du C.D.P.F réservée au droit de
communication. A
- Le droit général de communication Le principe du droit de
communication accordé à l’administration a été énoncé par
l’article 16 du C.D.P.F. Ce droit est exercé auprès des services de
l’Etat et des collectivités publiques, des établissements et
entreprises publics ou privés et des personnes physiques. Il permet à l’administration
d’obtenir, suite à une demande écrite, communication de tout
document "comptable". La communication des documents se
fait, comme le précise l’article 16 du C.D.P.F, "pour
consultation sur place" ; ce qui exclut la possibilité pour
les agents de l’administration d’emporter les documents même contre
décharge. Toutefois, rien n’interdit à ces derniers d’obtenir des
photocopies de ces documents. Les documents comptables dont il
s’agit ne sont pas limitativement définis. En effet, l’article 16
parle de communication de : "les registres, la
comptabilité, les factures et les documents qu’ils détiennent dans
le cadre de leurs attributions ou dont la tenue leur est prescrite par
la législation fiscale". D’autre part, l’article 8 cite parmi
les documents qui doivent être communiqués "les quittances,
documents et factures relatifs au paiement des impôts",
l’article 9 prévoit pour les personnes soumises à la tenue de
comptabilité l’obligation de communiquer "tous registres, titres
et documents, ainsi que les programmes, logiciels et applications
informatiques utilisés pour l’arrêt de leurs comptes ou pour l’établissement
de leurs déclarations fiscales". Cette énumération large permet,
à notre avis et en l’absence de jurisprudence restrictive à ce
propos, à l’administration de demander communication de tout document
même ceux qui n’ont pas une nature financière ou comptable en
arguant du fait que ces documents peuvent contenir des indications sur
des situations de dissimulation fiscale. Le même article 16 du C.D.P.F prévoit
deux formes précises de communication : 1- La première forme
concerne toutes les personnes auxquelles s’applique l’obligation de
communication (les services de l’Etat et des collectivités locales,
les établissements et entreprises publics, les sociétés et organismes
contrôlés par l’Etat ou par les collectivités locales ainsi que les
établissements, entreprises et autres personnes morales du secteur privé
et les personnes physiques), et consiste en la communication à
l’administration fiscale dans un délai ne dépassant pas trente jours
à partir de la date de la notification de la demande, des listes
nominatives des clients et fournisseurs comportant les montants des
achats et des ventes effectués avec chacun d’eux ; 2- La deuxième forme
incombe aux services de l’Etat et des collectivités locales, les établissements
et entreprises publics ainsi que les sociétés dans le capital
desquelles l’Etat détient directement ou indirectement une
participation. Ces entités et services doivent communiquer à
l’administration fiscale dans un délai ne dépassant pas trente jours
à compter de la date de leur passation, tous les renseignements
relatifs aux marchés pour construction, réparation, entretien,
fourniture, services et autres objets mobiliers qu’ils passent avec
les tiers. A ces droits de communication nous
pouvons ajouter celui prévu par l’article 7 du C.D.P.F et qui
concerne la communication des états détaillés du patrimoine et des éléments
de train de vie des personnes physiques. Ce procédé est envisageable
dans le cadre de l’application de l’évaluation forfaitaire du
revenu imposable basée sur les éléments de train de vie ou sur les dépenses
personnelles ostensibles et notoires et selon l’accroissement du
patrimoine prévus par les articles 42 et 43 du code de l’I.R.P.P et
de l’I.S. Enfin, l’article 16 reprend dans
des termes similaires, les dispositions du paragraphe II de l’article
78 du code des droits d’enregistrement en mettant à la charge des
officiers publics et des dépositaires d’archives l’obligation de
communiquer sur place et de délivrer des copies et extraits aux agents
de l’administration fiscale, des actes, écrits, registres et pièces
des dossiers détenus ou conservés par eux dans le cadre de leurs
fonctions. Pour clôturer ce paragraphe,
quelques remarques sont à signaler : d’abord, le droit général
de communication comporte des droits de communication exercés sans
demande préalable de l’administration tels que les renseignements
relatifs aux marchés pour construction, réparation, entretien,
fourniture, services et autres objets mobiliers passés par les
entreprises publiques et d’autres droits mis en œuvre sur demande de
l’administration et qui constituent le cas général. Ensuite, il est
important de noter que l’administration peut, en cas d’opposition
par un tiers à l’obligation de communiquer des informations relatives
à un contribuable (informations relatives à un fournisseur par exemple
ou à un client d’une banque), s’adresser au contribuable
directement pour demander et obtenir communication des informations
recherchées, ceci sans tenir compte des sanctions que peut encourir la
personne qui fait obstacle au droit de communication. B-
Les droits spécifiques de communication Ces droits spécifiques prévus par
les articles 17 et 18 du CDPF, ont été mis à la charge des établissements
bancaires et postaux et du ministère public. Il s’agit pour les établissements
bancaires de l’obligation de communiquer, en cas de contrôle, à
l’administration fiscale des listes comportant les numéros des
comptes du contribuable contrôlé. Concernant le ministère public, il
a une obligation de communiquer aux services de l’administration
fiscale, tous les renseignements et documents présumant une fraude
fiscale ou tout autre agissement ayant pour but de frauder l’impôt ou
de compromettre son paiement. Force est de préciser que ces
droits spécifiques qui constituent une nouveauté du C.D.P.F, existent
en droit comparé et notamment le droit français qui prévoit dans les
articles L97 à L102 du livre des procédures fiscales l’obligation
pour certains organismes et institutions de communiquer à
l’administration sans demande préalable de sa part des informations.
Ainsi, l’article L97 met à la
charge de la caisse de sécurité sociale, des organismes chargés de la
gestion des risques maladie etc... l’obligation d’adresser chaque
année à l’administration des impôts un relevé récapitulatif par médecin,
chirurgien-dentiste, sage-femme, auxiliaire médical et laboratoire
d’analyses médicales des feuilles de maladie et notes de frais
remises par les assurés. L’article L101 met à la charge de
l’autorité judiciaire de "communiquer à l’administration des
finances toute indication qu’elle peut recueillir, de nature à faire
présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre
quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de
compromettre un impôt, qu’il s’agisse d’une instance civile ou
commerciale ou d’une information criminelle ou correctionnelle même
terminée par un non lieu". Concernant les banques, les articles
L96 et L96A prévoient l’obligation pour elles de communiquer à
l’administration sur sa demande l’identité des personnes auxquelles
sont délivrés des chèques non barrés… d’une part et les dates et
montants transférés à l’étranger ainsi que l’identification de
l’auteur et du bénéficiaire du transfert et les références des
comptes en France et à l’étranger. Quant à la déclaration des
comptes financiers, l’article 1949A du code général des impôts
dispose "les administrations publiques et établissements ou
organismes soumis au contrôle de l’autorité administrative et toutes
personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières,
titres ou espèces doivent déclarer à l’administration des impôts
l’ouverture et la clôture des comptes de toute nature. II-
Formalités d’exercice du droit de communication Le code des procédures ne prévoit
pas de formalisme particulier pour l’exercice du droit de
communication, ainsi l’administration n’est pas tenue d’envoyer
une notification avant l’exercice de ce droit pour préciser la date
de son intervention ou la période couverte. La loi ne précise pas le
grade des agents habilités à exercer ce droit. D’autre part, la période
que peut couvrir ce droit n’est pas non plus spécifiée et on peut
penser que l’administration peut aller jusqu’à examiner des périodes
touchées par la prescription tant que le délai de dix ans prévu par
le C.D.P.F n’est pas prescrit. Néanmoins, la seule formalité que
peut comporter le droit de communication est la demande par écrit des
documents, prévue par l’article 16 du C.D.P.F. III-
L’opposition du secret professionnel Quand on parle de droit de
communication, il est essentiel d’évoquer la règle du secret
professionnel et les cas de non opposabilité du secret professionnel.
La question essentielle est de savoir si les personnes tenues au secret
professionnel peuvent s’opposer aux demandes de communication faites
par l’administration (concernant leurs activités) en arguant du fait
que la divulgation d’informations concernant leurs clients les expose
aux peines prévues par l’article 254 du code pénal. Il importe à ce propos de rappeler
les principaux termes de l’article 254 du code pénal qui dispose :
"les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé ainsi que
les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires,
par état ou profession de secret qu’on leur confie, qui, hors le cas
où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs,
auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement de 6
mois et d’une amende de 500 francs……" ; ce même article
autorise ces personnes à fournir leur témoignage à la justice
concernant les affaires d’avortement illégal dont ils ont eu
connaissance dans le cadre de leur profession sans s’exposer à aucune
peine. L’article 16 du code des droits
et procédures fiscaux énonce la règle selon laquelle les services et
les personnes physiques ou morales, visés audit article ne peuvent, en
l’absence de dispositions légales contraires, opposer l’obligation
du respect du secret professionnel aux agents de l’administration
fiscale habilités à exercer le droit de communication. Faut-il
entendre par là que cet article pose une règle d’inopposabilité
absolue du secret professionnel aux agents de l’administration ou bien
tout simplement considérer l’article 254 du code pénal comme
disposition légale contraire au sens de l’article 16 du CDPF alors
que c’est cet article même (article 254 du code pénal) qui a institué
le secret professionnel. Nous pensons que cette question mérite d’être
amplement étudiée. En l’absence de littérature
Tunisienne riche sur ce sujet, il serait intéressant de se référer au
droit comparé. A ce titre, le
droit français prévoit des exceptions au principe de non opposabilité
du secret professionnel aux agents de l’administration. Dès lors,
certaines professions non commerciales tels que les conseils juridiques,
les comptables, les notaires etc..., bénéficient d’un traitement spécial.
Il en est de même des administrations qui sont dépositaires de
renseignements recueillis lors d’enquêtes statistiques. A titre
d’exemple, l’article L86 du livre des procédures fiscales prévoit
pour les professions citées que le droit de communication ne porte que
sur "l’identité du client, le montant, la date et la forme du
versement ainsi que les pièces annexes de ce versement" ce qui
exclut la possibilité de communiquer la nature de la prestation effectuée.
Dans le même esprit, le conseil d’Etat a considéré qu’est régulière
la comptabilité d’un médecin qui mentionne dans son livre journal
les recettes encaissées et les actes auxquels elles correspondent, sans
indiquer en face le nom des clients [1]. Il est à noter à ce
propos que les professions médicales ne sont pas soumises au droit de
communication [2]. Bien plus, le code pénal
Français dans son article 226-13 interdit aux avocats de faire figurer
le nom de leurs clients sur les documents comptables. Ils doivent
mentionner les services dispensés et préciser si les sommes encaissées
correspondent à des acomptes ou à des paiements pour solde ainsi que
le mode de versement. C’est ainsi que la cour d’appel de Marseille a
considéré dans son arrêt du 1-2-99 que le fait qu’un agent vérificateur
procède à la reconstitution de l’activité d’un contribuable à
partir des fiches clients contenant tant le nom des clients que la
nature des actes accomplis rend la procédure irrégulière et justifie
la décharge des impositions [3].
Concernant les banques, l’article
L83 du livre des procédures fiscales autorise l’administration à
obtenir communication des documents de service que détiennent les
entreprises concédées ou contrôlées par l’Etat (les banques sont
considérées comme entreprises contrôlées par l’Etat). Le conseil
d’Etat a décidé que l’administration fiscale est en droit de détenir,
sans l’accord du contribuable, des bordereaux de comptes bancaires
personnels qui lui ont été communiqués par une banque [4].
Aussi, il a été jugé que "la disposition de l’article 1737 du
code général des impôts prévoyant une amende dans le cas
d’opposition à un contrôle fiscal est applicable lorsque le secret
bancaire est opposé à tort pour mettre obstacle à l’exercice du
droit de communication des agents de l’administration fiscale [5]. Enfin, les administrations qui sont
dépositaires de renseignements recueillis lors d’enquêtes
statistiques sont tenues par un secret absolu en vertu des dispositions
de l’article L84 du livre des procédures fiscales : "les
renseignements individuels, portant sur l’identité ou l’adresse des
personnes ou l’ordre économique ou financier, recueillis au cours des
enquêtes statistiques visées à l’article 2 de la loi n°
51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le
secret en matière de statistiques ne peuvent en aucun cas être utilisés
à des fins de contrôle fiscal. Les administrations dépositaires de
renseignements de cette nature ne sont pas tenues par l’obligation découlant
de l’article L83". En guise de conclusion, nous
pensons que l’étendue du droit de communication en Tunisie vis-à-vis
de certaines professions et institutions mérite d’être examinée
davantage afin de sauvegarder la confidentialité des informations
strictement personnelles ou dont la divulgation risque de nuire à la
personne ou à l’entreprise concernée par l’information. IV-
Distinction entre droit de communication et contrôle approfondi L’intérêt de la distinction
entre ces deux moyens alloués à l’administration est d’une grande
importance aussi bien pour le contribuable qui a besoin de faire valoir
les droits que lui confère la réglementation fiscale, que pour
l’administration qui risque en confondant les deux procédés de
vicier la procédure légale et de perdre ses droits envers le
contribuable. En effet, si l’administration peut dissimuler un contrôle
approfondi sous prétexte de l’exercice du droit de communication,
cette situation est de nature à priver le contribuable des garanties
données par le législateur (notifications, respect des délais,
assistance par un conseil). En revanche, le contribuable, en apportant
la preuve que l’administration a violé les conditions de l’exercice
du droit de vérification, peut mettre en cause la "régularité"
de la procédure et obtenir décharge de la taxation. Les points de discordance entre le
droit de communication et le contrôle approfondi sont les suivants : - absence de limitation de durée
pour l’exercice du droit de communication alors que le contrôle
approfondi doit être fait dans le strict respect des délais de vérification
(six mois ou un an et prise en compte des interruptions justifiées), - absence de formalisme pour
l’exercice du droit de communication alors que le contrôle approfondi
est caractérisé par un formalisme qui commence avec la notification de
l’avis de vérification et se poursuit jusqu’à la clôture de
l’opération de vérification, - unicité de la procédure de
contrôle approfondi (sauf exception prévue par le texte), alors que le
droit de communication peut être répété sans limitation dans le
temps, - absence de contrôle critique de
la comptabilité alors que le contrôle approfondi est essentiellement
un contrôle critique de la comptabilité, - absence d’une procédure
contradictoire. Cette distinction est de taille car la procédure
contradictoire constitue, pour le contribuable, un droit primordial et
une garantie essentielle aussi bien dans une procédure de contrôle que
de contentieux fiscal. En effet, alors que la procédure contradictoire
n’est pas prévue pour l’exercice du droit de communication
puisqu’il s’agit d’une simple collecte d’informations, elle
constitue pour le cas de contrôle approfondi une condition de fond.
Cette règle est confirmée par le deuxième alinéa de l’article 39
du C.D.P.F "l’avis de vérification approfondie doit comporter,
en sus des indications relatives au service chargé de la vérification
et de son cachet, la mention expresse du droit du contribuable de se
faire assister durant le déroulement de la vérification et la
discussion de ses résultats par une personne de son choix…".
Cette règle est aussi assurée dans le régime antérieur au code des
droits et procédures fiscaux ; ainsi, la charte du contribuable énonce
dans son chapitre II, paragraphe 3, que "tout au long de la vérification,
la procédure orale constitue la règle … si des difficultés
apparaissent au cours de la vérification, vous pouvez vous adresser au
supérieur hiérarchique direct du vérificateur". En réalité,
le législateur vise à travers ces dispositions à assurer le maximum
de sécurité au contribuable lors du déroulement de la procédure et
à éviter que le vérificateur, sans se renseigner suffisamment, se
livre à des conclusions erronées faute d’avoir respecté la règle
de l’examen contradictoire de la comptabilité. L’interférence et la confusion
qui peuvent exister entre ces deux prérogatives de l’administration
ont donné lieu en France à une jurisprudence assez riche tendant à
donner des critères de distinction entre les deux droits. Ainsi, dans
son arrêt du 9 juillet 1982, le conseil d’Etat a qualifié
l’intervention sur place d’un agent des impôts, de vérification
approfondie en retenant comme éléments d’appréciation : la durée,
l’étendue, les modalités et surtout l’examen critique
contradictoirement avec le contribuable de la comptabilité [6].
Cette jurisprudence est venue consolider une jurisprudence ancienne de
1967 qui concluait que le droit de communication a pour but d’obtenir
de façon unilatérale des renseignements utiles en vue de l’établissement
de l’impôt ; alors que la vérification de comptabilité a pour
objet de contrôler après examen de la comptabilité, l’exactitude et
la sincérité des déclarations souscrites par un contribuable et
d’assurer éventuellement à l’issue de ce contrôle l’établissement
de l’impôt ou taxes indûment éludés [7]. Enfin, la jurisprudence considère
que le contrôle matériel tel que le contrôle des stocks se rattache
au droit de vérification et doit bénéficier à ce titre de toutes les
garanties attachées à cette procédure [8]. V-
Sanction du défaut de communication L’article 100 du C.D.P.F inflige
une sanction fiscale pénale correspondant à une amende de 100 à 1000
dinars majorée d’une amende de 10 dinars par renseignement non
communiqué ou communiqué d’une manière inexacte ou incomplète aux
cas de manquement aux dispositions des articles 16 et 17 relatifs au
droit de communication, le droit de communication à la charge du ministère
public prévu par l’article 18 n’est pas concerné par ces
dispositions. Cette infraction peut être constatée par intervalle de
quatre-vingt-dix jours à compter de la précédente constatation et
donne lieu à l’application de la même amende. Il est à préciser que la législation
antérieure au code des droits et procédures fiscaux comportait des
sanctions similaires s’appliquant notamment au défaut de
communication de livres légaux, il s’agit de l'article 80 du code de
l’I.R.P.P et de l’I.S et de l’article 107-II du code des droits
d’enregistrement et de timbre qui prévoyaient des amendes de 50
dinars, de 500 dinars et de 1000 dinars. D’autre part, l’article 76
du code de l’I.R.P.P et de l’I.S prévoyait une amende fiscale de
100 dinars majorée de 50 dinars pour chaque élément de train de vie
ou de patrimoine non déclaré. En sus de ces sanctions, une amende de
25 dinars s’appliquait pour le cas général de contravention au droit
de communication et ce, en vertu du troisième alinéa de
l’article 76 du code de l’IRPP et de l’IS et de l’article
107-II du code des droits d’enregistrement et de timbre. Enfin, l’article 97 du C.D.P.F prévoit
une amende de 100 dinars à 10.000 dinars pour défaut de tenue ou de
communication de comptabilité, de registres ou répertoires prescrits
par la législation fiscale. Cette sanction est portée en cas de récidive
à un emprisonnement de 16 jours à 3 ans et à une amende de 10.000 à
50.000 dinars. Ces sanctions quoi que portant sur le droit de
communication, visent à notre avis à lutter contre les situations de défaut
total de tenue de comptabilité plutôt qu’à la répression des
contraventions au droit de communication. En effet, l’administration
dispose en dehors du droit de communication de moyens plus opérants
pour accéder aux documents comptables ; il s’agit de
l’exercice du droit de contrôle de comptabilité (vérification
approfondie), qui lui donne accès à tout document comptable. Ainsi, on
imagine mal que le législateur ait instauré une sanction aussi sévère
pour une simple contravention au droit de communication qui peut être réparée
dans le cadre d’un contrôle approfondi. Conclusion Comparées aux dispositions des
textes fiscaux antérieurs, en l’occurrence le code de l’IRPP et de
l’IS, les nouvelles dispositions relatives au droit général de
communication ont un caractère plus large et plus explicite. C’est
ainsi que les institutions privées (sociétés et personnes physiques)
sont concernées par l’obligation de communiquer aux agents de
l’administration tout document comptable ainsi que les listes de leurs
clients et fournisseurs comportant les montants des achats et des
ventes. D’autre part, la nouveauté de grande importance consiste en
l’obligation de communication spécifique mise à la charge des
institutions financières et du ministère public. En l’absence de
formalisme strict pour l’exercice du droit de communication, nous
pensons que les nuances entre droit de communication et contrôle
approfondi gagnent à être élucidées davantage et que les cas
d’opposition de secret professionnel méritent d’être réexaminés
en tenant compte de l’expérience des pays dont la législation
fiscale est proche de la notre. [1]
(CE, Ass .,21 juill. 1972, n° 72508, Dr. fisc,1973, comm. 721)
voir aussi J.Groscaude et Philippe Marchessou - Procédures Fiscales
– Dalloz Ed 1998, p 107. [2]
Voir Mémento fiscal Francis Lefebvre,
Ed 1999, p 1048. [3]
(Bulletin n° 49 de l’A.R.A.P.L. 1999 -Spécial contrôle fiscal- p13) Voir aussi -code de procédure Fiscale- Dalloz, Ed 2001,
annotations par Jean Lamarque, p 506. [4]
(CE 11 juin 1982, req.n° 23.941, RJF 1982, p 417 ; Dr
fisc.1982, c2359) Voir aussi -code de procédure Fiscale- Dalloz, Ed
2001, annotations par Jean Lamarque, p 490. [5]
(Crim. 4 oct. 1982 : Bull. Crim, p 553, n° 203). Voir
aussi -code de procédure Fiscale- Dalloz, Ed 2001, annotations par
Jean Lamarque, p 490. [6]
(Dr.Fisc 1983, n° 14, comm. 701, concl. Léger) voir aussi
J.Groscaude et Philippe Marchessou - Procédures Fiscales – Dalloz
Ed 1998, p 100. [7]
(Dr. Fisc. 1967, comm. 45, concl. Lavondés, AJDA, 1969, p. 49 note
J.Lamarque) voir aussi J.Groscaude et Philippe Marchessou - Procédures
Fiscales - Dalloz, Ed 1998, p 99. [8]
Voir Habib Ayadi, Droit fiscal - Taxe sur la valeur ajoutée, Droit
de consommation et contentieux fiscal - C.E.R.P.U, 1996, p 179. |