Le droit de communication  dans le cadre du 

code des droits  et procédures fiscaux  

Sofiane GUERMAZI

 Par Sofiane GUERMAZI  

Conseil fiscal  

 

Introduction

Le code des droits et procédures fiscaux dont l’entrée en vigueur est fixée pour le premier janvier 2002 (exception faite de l’application anticipée de certaines dispositions relatives aux pénalités de retard) s’inscrit dans le cadre de la réforme qu’a connue la législation fiscale tunisienne. Les principaux objectifs de ce code sont :

  • l’unification des textes régissant le contrôle et le contentieux fiscal,

  • la définition des droits et obligations aussi bien du contribuable que de l’administration fiscale dans le cadre de leurs différents rapports (information/investigation, contrôle et contentieux),

  • l’institution de sanctions administratives et pénales plus lourdes et l’extension des sanctions pénales à la plupart des infractions fiscales afin de persuader le contribuable de la nécessité de l’accomplissement de son devoir fiscal et de permettre à l’administration de disposer de moyens redoutables de répression de l’évasion et de la fraude fiscales.

Le code des droits et procédures fiscaux a apporté certains changements par rapport à l’ancienne législation régissant le contrôle et le contentieux fiscal, il s’agit notamment de l’institution du double degré de juridiction, l’unification des délais de prescription et l’institution d’une procédure de restitution des sommes perçues en trop dont le défaut de respect peut entraîner la déchéance du droit au remboursement pour le contribuable.

Dans cet état de réflexion, le code des droits et procédures fiscaux a apporté certains changements au droit de communication de l’administration, que nous essayons d’étudier dans le cadre de cet article.

I- Présentation du droit de communication

Prévu aussi bien par l’ancienne réglementation (code de l’IRPP et de l’IS et autres textes fiscaux) que par le nouveau code (CDPF), le droit de communication s’inscrit dans le cadre des droits d’investigation dont l’administration fiscale est investie et qui comportent en plus du droit de communication, le droit de visite, de perquisition et de saisie.

Le droit de communication dans son acception la plus large est défini comme étant le droit qui autorise l’administration à obtenir communication de tous les documents détenus par le contribuable et les tiers afin d’établir ou de contrôler l’impôt.

La typologie classique classifie les droits de communication en droit de communication à l’égard du contribuable et droit de communication à l’égard des tiers.

Dans cette étude, nous retenons une classification différente. Ainsi, nous envisageons d’étudier le droit général de communication prévu par l’article 16 du code des droits et procédures fiscaux dans un premier paragraphe (A) et d’aborder les droits spécifiques de communication qui concernent des institutions précises prévues par les articles 17 et 18 du même code dans un second paragraphe (B). Cette approche n’exclut pas la typologie classique puisqu’il découle de la définition de chaque droit de communication présenté que l’obligation est mise à la charge soit du contribuable, soit des tiers.

Toutefois, les articles 6 à 9 du C.D.P.F ont traité du droit de communication dans le cadre de la définition des droits dont dispose l’administration à savoir : le droit de communication, le droit de visite, le droit de perquisition et de saisie et le droit de vérification. Les énonciations de ces articles, que nous intégrons dans notre étude sont très importantes et font parfois double emploi avec la section III du C.D.P.F réservée au droit de communication.

A - Le droit général de communication

Le principe du droit de communication accordé à l’administration a été énoncé par l’article 16 du C.D.P.F. Ce droit est exercé auprès des services de l’Etat et des collectivités publiques, des établissements et entreprises publics ou privés et des personnes physiques.

Il permet à l’administration d’obtenir, suite à une demande écrite, communication de tout document "comptable".

La communication des documents se fait, comme le précise l’article 16 du C.D.P.F, "pour consultation sur place" ; ce qui exclut la possibilité pour les agents de l’administration d’emporter les documents même contre décharge. Toutefois, rien n’interdit à ces derniers d’obtenir des photocopies de ces documents.

Les documents comptables dont il s’agit ne sont pas limitativement définis. En effet, l’article 16 parle de communication de : "les registres, la comptabilité, les factures et les documents qu’ils détiennent dans le cadre de leurs attributions ou dont la tenue leur est prescrite par la législation fiscale". D’autre part, l’article 8 cite parmi les documents qui doivent être communiqués "les quittances, documents et factures relatifs au paiement des impôts", l’article 9 prévoit pour les personnes soumises à la tenue de comptabilité l’obligation de communiquer "tous registres, titres et documents, ainsi que les programmes, logiciels et applications informatiques utilisés pour l’arrêt de leurs comptes ou pour l’établissement de leurs déclarations fiscales". Cette énumération large permet, à notre avis et en l’absence de jurisprudence restrictive à ce propos, à l’administration de demander communication de tout document même ceux qui n’ont pas une nature financière ou comptable en arguant du fait que ces documents peuvent contenir des indications sur des situations de dissimulation fiscale.

Le même article 16 du C.D.P.F prévoit deux formes précises de communication :

1- La première forme concerne toutes les personnes auxquelles s’applique l’obligation de communication (les services de l’Etat et des collectivités locales, les établissements et entreprises publics, les sociétés et organismes contrôlés par l’Etat ou par les collectivités locales ainsi que les établissements, entreprises et autres personnes morales du secteur privé et les personnes physiques), et consiste en la communication à l’administration fiscale dans un délai ne dépassant pas trente jours à partir de la date de la notification de la demande, des listes nominatives des clients et fournisseurs comportant les montants des achats et des ventes effectués avec chacun d’eux ;

2- La deuxième forme incombe aux services de l’Etat et des collectivités locales, les établissements et entreprises publics ainsi que les sociétés dans le capital desquelles l’Etat détient directement ou indirectement une participation. Ces entités et services doivent communiquer à l’administration fiscale dans un délai ne dépassant pas trente jours à compter de la date de leur passation, tous les renseignements relatifs aux marchés pour construction, réparation, entretien, fourniture, services et autres objets mobiliers qu’ils passent avec les tiers.

A ces droits de communication nous pouvons ajouter celui prévu par l’article 7 du C.D.P.F et qui concerne la communication des états détaillés du patrimoine et des éléments de train de vie des personnes physiques. Ce procédé est envisageable dans le cadre de l’application de l’évaluation forfaitaire du revenu imposable basée sur les éléments de train de vie ou sur les dépenses personnelles ostensibles et notoires et selon l’accroissement du patrimoine prévus par les articles 42 et 43 du code de l’I.R.P.P et de l’I.S.

Enfin, l’article 16 reprend dans des termes similaires, les dispositions du paragraphe II de l’article 78 du code des droits d’enregistrement en mettant à la charge des officiers publics et des dépositaires d’archives l’obligation de communiquer sur place et de délivrer des copies et extraits aux agents de l’administration fiscale, des actes, écrits, registres et pièces des dossiers détenus ou conservés par eux dans le cadre de leurs fonctions.

Pour clôturer ce paragraphe, quelques remarques sont à signaler : d’abord, le droit général de communication comporte des droits de communication exercés sans demande préalable de l’administration tels que les renseignements relatifs aux marchés pour construction, réparation, entretien, fourniture, services et autres objets mobiliers passés par les entreprises publiques et d’autres droits mis en œuvre sur demande de l’administration et qui constituent le cas général. Ensuite, il est important de noter que l’administration peut, en cas d’opposition par un tiers à l’obligation de communiquer des informations relatives à un contribuable (informations relatives à un fournisseur par exemple ou à un client d’une banque), s’adresser au contribuable directement pour demander et obtenir communication des informations recherchées, ceci sans tenir compte des sanctions que peut encourir la personne qui fait obstacle au droit de communication.

B- Les droits spécifiques de communication

Ces droits spécifiques prévus par les articles 17 et 18 du CDPF, ont été mis à la charge des établissements bancaires et postaux et du ministère public.

Il s’agit pour les établissements bancaires de l’obligation de communiquer, en cas de contrôle, à l’administration fiscale des listes comportant les numéros des comptes du contribuable contrôlé.

Concernant le ministère public, il a une obligation de communiquer aux services de l’administration fiscale, tous les renseignements et documents présumant une fraude fiscale ou tout autre agissement ayant pour but de frauder l’impôt ou de compromettre son paiement.

Force est de préciser que ces droits spécifiques qui constituent une nouveauté du C.D.P.F, existent en droit comparé et notamment le droit français qui prévoit dans les articles L97 à L102 du livre des procédures fiscales l’obligation pour certains organismes et institutions de communiquer à l’administration sans demande préalable de sa part des informations. Ainsi, l’article L97 met à la charge de la caisse de sécurité sociale, des organismes chargés de la gestion des risques maladie etc... l’obligation d’adresser chaque année à l’administration des impôts un relevé récapitulatif par médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, auxiliaire médical et laboratoire d’analyses médicales des feuilles de maladie et notes de frais remises par les assurés. L’article L101 met à la charge de l’autorité judiciaire de "communiquer à l’administration des finances toute indication qu’elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu’il s’agisse d’une instance civile ou commerciale ou d’une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non lieu". Concernant les banques, les articles L96 et L96A prévoient l’obligation pour elles de communiquer à l’administration sur sa demande l’identité des personnes auxquelles sont délivrés des chèques non barrés… d’une part et les dates et montants transférés à l’étranger ainsi que l’identification de l’auteur et du bénéficiaire du transfert et les références des comptes en France et à l’étranger. Quant à la déclaration des comptes financiers, l’article 1949A du code général des impôts dispose "les administrations publiques et établissements ou organismes soumis au contrôle de l’autorité administrative et toutes personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces doivent déclarer à l’administration des impôts l’ouverture et la clôture des comptes de toute nature.

II- Formalités d’exercice du droit de communication

Le code des procédures ne prévoit pas de formalisme particulier pour l’exercice du droit de communication, ainsi l’administration n’est pas tenue d’envoyer une notification avant l’exercice de ce droit pour préciser la date de son intervention ou la période couverte. La loi ne précise pas le grade des agents habilités à exercer ce droit. D’autre part, la période que peut couvrir ce droit n’est pas non plus spécifiée et on peut penser que l’administration peut aller jusqu’à examiner des périodes touchées par la prescription tant que le délai de dix ans prévu par le C.D.P.F n’est pas prescrit. Néanmoins, la seule formalité que peut comporter le droit de communication est la demande par écrit des documents, prévue par l’article 16 du C.D.P.F.

III- L’opposition du secret professionnel

Quand on parle de droit de communication, il est essentiel d’évoquer la règle du secret professionnel et les cas de non opposabilité du secret professionnel. La question essentielle est de savoir si les personnes tenues au secret professionnel peuvent s’opposer aux demandes de communication faites par l’administration (concernant leurs activités) en arguant du fait que la divulgation d’informations concernant leurs clients les expose aux peines prévues par l’article 254 du code pénal.

Il importe à ce propos de rappeler les principaux termes de l’article 254 du code pénal qui dispose : "les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession de secret qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 500 francs……" ; ce même article autorise ces personnes à fournir leur témoignage à la justice concernant les affaires d’avortement illégal dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leur profession sans s’exposer à aucune peine.

L’article 16 du code des droits et procédures fiscaux énonce la règle selon laquelle les services et les personnes physiques ou morales, visés audit article ne peuvent, en l’absence de dispositions légales contraires, opposer l’obligation du respect du secret professionnel aux agents de l’administration fiscale habilités à exercer le droit de communication. Faut-il entendre par là que cet article pose une règle d’inopposabilité absolue du secret professionnel aux agents de l’administration ou bien tout simplement considérer l’article 254 du code pénal comme disposition légale contraire au sens de l’article 16 du CDPF alors que c’est cet article même (article 254 du code pénal) qui a institué le secret professionnel. Nous pensons que cette question mérite d’être amplement étudiée.

En l’absence de littérature Tunisienne riche sur ce sujet, il serait intéressant de se référer au droit comparé. A ce titre, le droit français prévoit des exceptions au principe de non opposabilité du secret professionnel aux agents de l’administration. Dès lors, certaines professions non commerciales tels que les conseils juridiques, les comptables, les notaires etc..., bénéficient d’un traitement spécial. Il en est de même des administrations qui sont dépositaires de renseignements recueillis lors d’enquêtes statistiques. A titre d’exemple, l’article L86 du livre des procédures fiscales prévoit pour les professions citées que le droit de communication ne porte que sur "l’identité du client, le montant, la date et la forme du versement ainsi que les pièces annexes de ce versement" ce qui exclut la possibilité de communiquer la nature de la prestation effectuée. Dans le même esprit, le conseil d’Etat a considéré qu’est régulière la comptabilité d’un médecin qui mentionne dans son livre journal les recettes encaissées et les actes auxquels elles correspondent, sans indiquer en face le nom des clients [1]. Il est à noter à ce propos que les professions médicales ne sont pas soumises au droit de communication [2]. Bien plus, le code pénal Français dans son article 226-13 interdit aux avocats de faire figurer le nom de leurs clients sur les documents comptables. Ils doivent mentionner les services dispensés et préciser si les sommes encaissées correspondent à des acomptes ou à des paiements pour solde ainsi que le mode de versement. C’est ainsi que la cour d’appel de Marseille a considéré dans son arrêt du 1-2-99 que le fait qu’un agent vérificateur procède à la reconstitution de l’activité d’un contribuable à partir des fiches clients contenant tant le nom des clients que la nature des actes accomplis rend la procédure irrégulière et justifie la décharge des impositions [3].

Concernant les banques, l’article L83 du livre des procédures fiscales autorise l’administration à obtenir communication des documents de service que détiennent les entreprises concédées ou contrôlées par l’Etat (les banques sont considérées comme entreprises contrôlées par l’Etat). Le conseil d’Etat a décidé que l’administration fiscale est en droit de détenir, sans l’accord du contribuable, des bordereaux de comptes bancaires personnels qui lui ont été communiqués par une banque [4]. Aussi, il a été jugé que "la disposition de l’article 1737 du code général des impôts prévoyant une amende dans le cas d’opposition à un contrôle fiscal est applicable lorsque le secret bancaire est opposé à tort pour mettre obstacle à l’exercice du droit de communication des agents de l’administration fiscale [5].

Enfin, les administrations qui sont dépositaires de renseignements recueillis lors d’enquêtes statistiques sont tenues par un secret absolu en vertu des dispositions de l’article L84 du livre des procédures fiscales : "les renseignements individuels, portant sur l’identité ou l’adresse des personnes ou l’ordre économique ou financier, recueillis au cours des enquêtes statistiques visées à l’article 2 de la loi n°  51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques ne peuvent en aucun cas être utilisés à des fins de contrôle fiscal. Les administrations dépositaires de renseignements de cette nature ne sont pas tenues par l’obligation découlant de l’article L83".

En guise de conclusion, nous pensons que l’étendue du droit de communication en Tunisie vis-à-vis de certaines professions et institutions mérite d’être examinée davantage afin de sauvegarder la confidentialité des informations strictement personnelles ou dont la divulgation risque de nuire à la personne ou à l’entreprise concernée par l’information.

IV- Distinction entre droit de communication et contrôle approfondi 

L’intérêt de la distinction entre ces deux moyens alloués à l’administration est d’une grande importance aussi bien pour le contribuable qui a besoin de faire valoir les droits que lui confère la réglementation fiscale, que pour l’administration qui risque en confondant les deux procédés de vicier la procédure légale et de perdre ses droits envers le contribuable. En effet, si l’administration peut dissimuler un contrôle approfondi sous prétexte de l’exercice du droit de communication, cette situation est de nature à priver le contribuable des garanties données par le législateur (notifications, respect des délais, assistance par un conseil). En revanche, le contribuable, en apportant la preuve que l’administration a violé les conditions de l’exercice du droit de vérification, peut mettre en cause la "régularité" de la procédure et obtenir décharge de la taxation.

Les points de discordance entre le droit de communication et le contrôle approfondi sont les suivants :

- absence de limitation de durée pour l’exercice du droit de communication alors que le contrôle approfondi doit être fait dans le strict respect des délais de vérification (six mois ou un an et prise en compte des interruptions justifiées),

- absence de formalisme pour l’exercice du droit de communication alors que le contrôle approfondi est caractérisé par un formalisme qui commence avec la notification de l’avis de vérification et se poursuit jusqu’à la clôture de l’opération de vérification,

- unicité de la procédure de contrôle approfondi (sauf exception prévue par le texte), alors que le droit de communication peut être répété sans limitation dans le temps,

- absence de contrôle critique de la comptabilité alors que le contrôle approfondi est essentiellement un contrôle critique de la comptabilité,

- absence d’une procédure contradictoire. Cette distinction est de taille car la procédure contradictoire constitue, pour le contribuable, un droit primordial et une garantie essentielle aussi bien dans une procédure de contrôle que de contentieux fiscal. En effet, alors que la procédure contradictoire n’est pas prévue pour l’exercice du droit de communication puisqu’il s’agit d’une simple collecte d’informations, elle constitue pour le cas de contrôle approfondi une condition de fond. Cette règle est confirmée par le deuxième alinéa de l’article 39 du C.D.P.F "l’avis de vérification approfondie doit comporter, en sus des indications relatives au service chargé de la vérification et de son cachet, la mention expresse du droit du contribuable de se faire assister durant le déroulement de la vérification et la discussion de ses résultats par une personne de son choix…". Cette règle est aussi assurée dans le régime antérieur au code des droits et procédures fiscaux ; ainsi, la charte du contribuable énonce dans son chapitre II, paragraphe 3, que "tout au long de la vérification, la procédure orale constitue la règle … si des difficultés apparaissent au cours de la vérification, vous pouvez vous adresser au supérieur hiérarchique direct du vérificateur". En réalité, le législateur vise à travers ces dispositions à assurer le maximum de sécurité au contribuable lors du déroulement de la procédure et à éviter que le vérificateur, sans se renseigner suffisamment, se livre à des conclusions erronées faute d’avoir respecté la règle de l’examen contradictoire de la comptabilité.

L’interférence et la confusion qui peuvent exister entre ces deux prérogatives de l’administration ont donné lieu en France à une jurisprudence assez riche tendant à donner des critères de distinction entre les deux droits. Ainsi, dans son arrêt du 9 juillet 1982, le conseil d’Etat a qualifié l’intervention sur place d’un agent des impôts, de vérification approfondie en retenant comme éléments d’appréciation : la durée, l’étendue, les modalités et surtout l’examen critique contradictoirement avec le contribuable de la comptabilité [6]. Cette jurisprudence est venue consolider une jurisprudence ancienne de 1967 qui concluait que le droit de communication a pour but d’obtenir de façon unilatérale des renseignements utiles en vue de l’établissement de l’impôt ; alors que la vérification de comptabilité a pour objet de contrôler après examen de la comptabilité, l’exactitude et la sincérité des déclarations souscrites par un contribuable et d’assurer éventuellement à l’issue de ce contrôle l’établissement de l’impôt ou taxes indûment éludés [7].

Enfin, la jurisprudence considère que le contrôle matériel tel que le contrôle des stocks se rattache au droit de vérification et doit bénéficier à ce titre de toutes les garanties attachées à cette procédure [8].

V- Sanction du défaut de communication

L’article 100 du C.D.P.F inflige une sanction fiscale pénale correspondant à une amende de 100 à 1000 dinars majorée d’une amende de 10 dinars par renseignement non communiqué ou communiqué d’une manière inexacte ou incomplète aux cas de manquement aux dispositions des articles 16 et 17 relatifs au droit de communication, le droit de communication à la charge du ministère public prévu par l’article 18 n’est pas concerné par ces dispositions. Cette infraction peut être constatée par intervalle de quatre-vingt-dix jours à compter de la précédente constatation et donne lieu à l’application de la même amende.

Il est à préciser que la législation antérieure au code des droits et procédures fiscaux comportait des sanctions similaires s’appliquant notamment au défaut de communication de livres légaux, il s’agit de l'article 80 du code de l’I.R.P.P et de l’I.S et de l’article 107-II du code des droits d’enregistrement et de timbre qui prévoyaient des amendes de 50 dinars, de 500 dinars et de 1000 dinars. D’autre part, l’article 76 du code de l’I.R.P.P et de l’I.S prévoyait une amende fiscale de 100 dinars majorée de 50 dinars pour chaque élément de train de vie ou de patrimoine non déclaré. En sus de ces sanctions, une amende de 25 dinars s’appliquait pour le cas général de contravention au droit de communication et ce, en vertu du troisième alinéa de  l’article 76 du code de l’IRPP et de l’IS et de l’article 107-II du code des droits d’enregistrement et de timbre.

Enfin, l’article 97 du C.D.P.F prévoit une amende de 100 dinars à 10.000 dinars pour défaut de tenue ou de communication de comptabilité, de registres ou répertoires prescrits par la législation fiscale. Cette sanction est portée en cas de récidive à un emprisonnement de 16 jours à 3 ans et à une amende de 10.000 à 50.000 dinars. Ces sanctions quoi que portant sur le droit de communication, visent à notre avis à lutter contre les situations de défaut total de tenue de comptabilité plutôt qu’à la répression des contraventions au droit de communication. En effet, l’administration dispose en dehors du droit de communication de moyens plus opérants pour accéder aux documents comptables ; il s’agit de l’exercice du droit de contrôle de comptabilité (vérification approfondie), qui lui donne accès à tout document comptable. Ainsi, on imagine mal que le législateur ait instauré une sanction aussi sévère pour une simple contravention au droit de communication qui peut être réparée dans le cadre d’un contrôle approfondi.

Conclusion

Comparées aux dispositions des textes fiscaux antérieurs, en l’occurrence le code de l’IRPP et de l’IS, les nouvelles dispositions relatives au droit général de communication ont un caractère plus large et plus explicite. C’est ainsi que les institutions privées (sociétés et personnes physiques) sont concernées par l’obligation de communiquer aux agents de l’administration tout document comptable ainsi que les listes de leurs clients et fournisseurs comportant les montants des achats et des ventes. D’autre part, la nouveauté de grande importance consiste en l’obligation de communication spécifique mise à la charge des institutions financières et du ministère public. En l’absence de formalisme strict pour l’exercice du droit de communication, nous pensons que les nuances entre droit de communication et contrôle approfondi gagnent à être élucidées davantage et que les cas d’opposition de secret professionnel méritent d’être réexaminés en tenant compte de l’expérience des pays dont la législation fiscale est proche de la notre.



[1] (CE, Ass .,21 juill. 1972, n° 72508, Dr. fisc,1973, comm. 721) voir aussi J.Groscaude et Philippe Marchessou - Procédures Fiscales – Dalloz Ed 1998, p 107.

[2] Voir Mémento fiscal Francis Lefebvre,  Ed 1999, p 1048.

[3] (Bulletin n° 49 de l’A.R.A.P.L. 1999 -Spécial contrôle fiscal-  p13) Voir aussi -code de procédure Fiscale- Dalloz, Ed 2001, annotations par Jean Lamarque, p 506.

[4] (CE 11 juin 1982, req.n° 23.941, RJF 1982, p 417 ; Dr fisc.1982, c2359) Voir aussi -code de procédure Fiscale- Dalloz, Ed 2001, annotations par Jean Lamarque, p 490.

[5] (Crim. 4 oct. 1982 : Bull. Crim, p 553, n° 203). Voir aussi -code de procédure Fiscale- Dalloz, Ed 2001, annotations par Jean Lamarque, p 490.

[6] (Dr.Fisc 1983, n° 14, comm. 701, concl. Léger) voir aussi J.Groscaude et Philippe Marchessou - Procédures Fiscales – Dalloz Ed 1998, p 100.

[7] (Dr. Fisc. 1967, comm. 45, concl. Lavondés, AJDA, 1969, p. 49 note J.Lamarque) voir aussi J.Groscaude et Philippe Marchessou - Procédures Fiscales - Dalloz, Ed 1998, p 99.

[8] Voir Habib Ayadi, Droit fiscal - Taxe sur la valeur ajoutée, Droit de consommation et contentieux fiscal - C.E.R.P.U, 1996, p 179.