Section 4 : Les droits d’enregistrement et de timbre  

Sommaire

§ 1. Le domaine d’application de l’enregistrement

§ 2. Les différents régimes de l’enregistrement

§ 3. Les effets juridiques de la formalité d’enregistrement

§ 1. Principe d’interprétation

§ 2. Influence de l’existence d’une condition sur l’exigibilité des droits dus

§ 3. Théorie des nullités

§ 4. Dispositions dépendantes, dispositions indépendantes

§ 5. Théorie de la propriété apparente

§ 6. La règle «non bis In Idem»

§ 7. La théorie de la mutation conditionnelle

§ 8. Valeur de la nue-propriété et de l’usufruit

§ 9. La règle de solidarité pour le paiement des droits

§ 10. L’obligation faite aux receveurs d’accomplir la formalité de l’enregistrement

§ 1. Les droits fixes

§ 2. Tarif et assiette des droits d’enregistrement proportionnels

§ 3. Les droits progressifs et variables

§ 4. Les exonérations

§ 1. Les différents types d’imposition

§ 2. Champ d’application, tarifs et redevables du droit de timbre

§ 3. Les exonérations du timbre

§ 4. Les modalités et délais de paiement du timbre

§ 1. Principe

§ 2. Assiette de la taxe

§ 3. Fait générateur de la taxe

§ 4. Taux de la taxe unique sur les assurances

 

Section 4 : Les droits d’enregistrement et de timbre

Les droits d’enregistrement sont des impôts spécifiques qui frappent certaines mutations et actes juridiques. Ils sont généralement perçus lors de la présentation de l’acte qui sert de titre à l’opération lors de l’accomplissement de la formalité d’enregistrement. Néanmoins, à défaut d’acte, certaines opérations sont soumises à l’enregistrement sur la base de la souscription d’une déclaration au receveur chargé de l’enregistrement.

Sous-section 1. Domaine et caractéristiques de l’enregistrement

§ 1. Le domaine d’application de l’enregistrement

L’enregistrement frappe tantôt l’acte, tantôt la mutation même lorsqu’elle prend une forme verbale ou non écrite, auquel cas la formalité de l’enregistrement s’effectue par le biais d’une déclaration.

1) L’acte

Dans la terminologie de l’enregistrement, l’acte désigne l’écrit constatant et prouvant une opération juridique créatrice de droits et d’obligations. Pour qu’un écrit soit considéré comme un acte, il faut qu’il exprime l’accord et la volonté d’une ou de plusieurs parties établis par la signature en bas de l’acte.

2) Les mutations

Constitue une mutation, toute transmission d’un patrimoine à un autre par vente, donation, succession ou cession d’usufruit d’un droit réel ou d’un droit de jouissance (location ou bail de biens meubles ou immeubles).

On distingue entre les mutations de propriété, d’usufruit, de jouissance, les mutations à titre onéreux et les mutations à titre gratuit, les mutations entre vifs et les mutations par décès :

Mutation de propriété : Passage de propriété d’une personne à une autre.

Mutation d’usufruit : Passage de l’usufruit d’une personne à une autre à la suite d’un démembrement de la propriété en nue-propriété et usufruit.

Mutation de jouissance : Octroi de jouir du bien sans acquérir de droit réel (bail, sous-bail, cession bail).

Mutation à titre onéreux : Il s’agit de contrat synallagmatique dans lequel chacune des parties est tenue d’une obligation tout en recevant un avantage équivalent.

Mutation à titre gratuit : Tel le cas d’une donation. Dans une mutation à titre gratuit, celui qui abandonne un bien ne reçoit rien en contrepartie.

Mutation entre vifs : Ou transfert d’un droit réel ou de jouissance entre deux personnes en vie.

Mutation par décès dite aussi dévolution successorale qui entraîne un transfert des biens hérités au profit des héritiers ou légataires.

3) Les conventions verbales

Certaines conventions sont obligatoirement soumises à l’enregistrement même à défaut d’acte ou si l’acte rédigé est tenu secret :

(1) Les transmissions de propriété, de nue-propriété ou d’usufruit d’immeubles, de fonds de commerce ou de clientèle ou cession de droit à un bail ou au bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un immeuble.

(2) Les mutations de jouissance de biens immeubles.

(3) Les successions ou mutations par décès.

Dans les deux premiers cas, il est suppléé au défaut de l’acte par une déclaration estimative des biens ou droits soumis à l’enregistrement. Quant à la succession, le mode déclaratif est dans la nature des choses.

§ 2. Les différents régimes de l’enregistrement

1) Les actes obligatoirement soumis à la formalité de l’enregistrement

Les actes sont obligatoirement soumis à la formalité soit en raison de la qualité de la personne qui les rédige ou du fait de leur objet. Certaines conventions sont passibles d’enregistrement même en l’absence d’un acte sur la base d’une déclaration verbale.

a) Actes soumis obligatoirement à l’enregistrement en raison de la personne qui les rédige et quelle que soit la convention qu’ils contiennent :

(1) Les huissiers-notaires.

(2) Les notaires.

(3) Les marchands de biens.

(4) Les décisions judiciaires.

b) Les actes soumis obligatoirement à l’enregistrement en raison de leur objet :

(1) Les ventes publiques de meubles.

(2) Les actes portant sur les immeubles.

(3) Les actes portant sur le fonds de commerce ou le droit au bail.

(4) Mutation gratuite de meubles entre vifs.

(5) Hypothèque ou nantissement.

(6) Les successions.

(7) Les testaments.

(8) Les sociétés :

(i) les actes sous seing privé constatant la formation, la prorogation, la transformation ou la dissolution d’une société, l’augmentation, l’amortissement ou la réduction de son capital, ainsi que les actes sous seing privé portant cession de parts dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions ;

(ii) les actes sous seing privé constatant un partage de biens meubles faisant partie de l’actif d’une société.

(9) Marchés.

(10) Leasing, ouverture de crédit et prêt.

(11) Cautionnement de valeurs.

c) Opérations soumises à l’enregistrement même en l’absence d’un acte

Mutations entre vifs : A défaut d’acte présenté à la formalité, sont présentées à l’enregistrement dans les 60 jours de l’entrée en possession ou en jouissance sur la base d’une déclaration estimative les conventions dites verbales suivantes:

(1) La transmission de propriété, de nue-propriété ou d’usufruit d’immeubles, de fonds de commerce ou de clientèle ou cession de droit à un bail ou au bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un immeuble.

(2) Toute mutation de jouissance (location) de biens immeubles.

Mutations par décès : Les héritiers ou légataires doivent, dans un délai d’un an à compter du décès, déposer et enregistrer les déclarations des biens qui leur sont échus ou transmis par décès.

2) Enregistrement facultatif

Les actes non soumis obligatoirement à l’enregistrement se trouvent en dehors du champ d’application du droit d’enregistrement. Ils peuvent néanmoins faire l’objet d’un enregistrement à l’initiative de la partie la plus diligente au tarif des actes innomés soit 10 D par page :

1- Les actes non soumis expressément.

2- Les contrats d’abonnement à certains services publics.

3- Certaines décisions de justice :

(i) Procédure de faillite : Sont non soumis obligatoirement à l’enregistrement les actes rédigés en exécution des dispositions du livre IV du code de commerce relatif à la faillite tels les ordonnances du juge commissaire, l’état des créances, l’inventaire, les procès-verbaux des assemblées des créanciers, etc...

(ii) Les autres décisions de justice : Sont non soumis obligatoirement à l’enregistrement :

- Les jugements rendus en matière pénale lorsqu’il n’y a pas constitution de partie civile ;

- Les ordonnances de référé ;

- Les jugements et arrêts préparatoires et interlocutoires ;

- Les ordonnances sur requêtes ;

- Les actes de poursuites et les jugements relatifs à la procédure pour l’obtention de l’assistance judiciaire ;

- Les jugements du tribunal immobilier ;

- Les jugements rendus en matière prud’homale ;

- Les jugements rendus dans le cadre du régime de réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles ;

- Les jugements rendus en matière électorale ;

- Les jugements et arrêts prononçant le paiement d’une pension alimentaire ;

- Les arrêts du Tribunal Administratif rendus en matière de recours pour excès de pouvoir ;

- Les arrêts du Tribunal Administratif lorsque les droits d’enregistrement exigibles sont légalement à la charge de l’Etat, des collectivités publiques locales ou des établissements publics à caractère administratif.

4- Les actes de poursuites fiscales.

5- Procédure d’arbitrage : Sont non soumis obligatoirement à l’enregistrement les conventions d’arbitrage, les sentences arbitrales ainsi que les jugements et arrêts prononçant leur exécution ou les recours contre ces sentences.

6- Sociétés à capital variable, les coopératives et les mutuelles : Sont non soumis obligatoirement à l’enregistrement, les actes d’augmentation ou de réduction du capital des sociétés à capital variable, des coopératives et des mutuelles qui ne contiennent pas de transmission de biens meubles ou immeubles.

7- Les prêts sur gage : Sont non soumis obligatoirement à l’enregistrement, les contrats de prêts sur gages consentis par le trésor public en vertu de la législation en vigueur.  

8- Les contrats de prêts universitaires.

3) Caractères de la formalité de l’enregistrement

Le professeur REFALO attribue 3 caractères à la formalité de l’enregistrement [1] :

(1) La formalité est indivisible : Les parties ne peuvent pas demander qu’elle soit restreinte à une partie des dispositions d’un acte à l’exclusion des autres. Toutes les dispositions contenues dans un acte doivent être taxées.

(2) La formalité n’est donnée qu’une fois au même acte : Elle n’est donnée qu’une fois au même acte. Lorsque celui-ci est rédigé en plusieurs originaux, les droits ne sont perçus que sur l’un d’eux et la mention du paiement est inscrite sur les autres.

(3) La formalité doit être donnée aussitôt que les droits exigibles ont été versés au receveur.

4) L’acquittement des droits préalablement à l’accomplissement de la formalité de l’enregistrement

Le receveur de l’enregistrement effectue à la fois le calcul des droits (la liquidation) et le recouvrement des droits ainsi déterminés.

En règle générale, le paiement des droits d’enregistrement s’effectue avant l’accomplissement de la formalité de l’enregistrement.

Le professeur REFALO précise qu’en matière de succession, une tolérance administrative autorise que les droits peuvent être  payés en acomptes successifs mais la formalité n’est alors donnée qu’après le paiement du dernier acompte.

5) Actes enregistrés gratis

Divers actes sont soumis à la formalité de l’enregistrement mais ne donnent lieu à l’exigibilité d’aucun droit : ils sont enregistrés gratis. C’est notamment le cas des actes accomplis par les entreprises totalement exportatrices dans le cadre de leurs activités en Tunisie.

Le professeur REFALO précise : «la formalité n’en reste pas moins obligatoire en raison, notamment, de l’intérêt qu’elle peut présenter pour les parties et surtout pour le contrôle».

6) L’enregistrement initial des jugements et arrêts au droit minimum au profit des parties non condamnées aux dépens

Les jugements et arrêts présentés à l’enregistrement par les parties non condamnées aux dépens s’enregistre initialement au droit minimum de :  

 

Jugements et arrêts

Montant du droit  

- Jugement des tribunaux cantonaux 

  5 dinars  

- Jugements des tribunaux de première instance

10 dinars  

- Arrêts des cours d’appel et de la cour de cassation ainsi que les arrêts rendus par le tribunal administratif dans les recours en appel ou en cassation des décisions rendus par les tribunaux de l’ordre judiciaire 

20 dinars

 

Les parties non condamnées aux dépens et ayant bénéficié de l’enregistrement des jugements et arrêts au droit minimum sont tenues à payer le droit proportionnel exigible sur les sommes qu’ils ont recouvrées au titre de l’exécution du jugement ou arrêt dans le délai de trente jours à compter de la date du recouvrement sur la base d’une déclaration du modèle établi par l’administration comportant notamment le numéro du jugement ou de l’arrêt, sa date, le montant de la condamnation, le montant recouvré accompagné d’une copie de la pièce justifiant l’exécution du jugement ou arrêt.

7) Jugements et arrêts rendus en matière fiscale 

Les Jugements et arrêts rendus en matière de contentieux fiscal ne sont pas soumis obligatoirement à la formalité d'enregistrement.

§ 3. Les effets juridiques de la formalité d’enregistrement

L’enregistrement est généralement une formalité qui donne date certaine aux actes sous seing privé (SSP).

Il constitue une condition d’opposabilité aux tiers pour certains actes.

Il est exceptionnellement une condition de validité de l’acte. Il est aussi pour certains actes une simple formalité fiscale et de publicité légale.

1) Principe général :

La formalité de l’enregistrement répond principalement à une obligation fiscale. Dans ce sens, elle sert avant tout à la perception d’un impôt. Néanmoins, accessoirement, elle produit des effets juridiques dans l’intérêt des parties contractantes et des tiers.

2) L’enregistrement confère date certaine aux actes SSP à l’égard des tiers :

Ainsi, aux termes de l’article 450 du code des obligations et des contrats, les actes sous seing privé font foi de leur date, entre les parties, leurs héritiers et leurs ayant cause à titre particulier, agissant au nom de leur débiteur.

Ils n’ont de date contre les tiers que :

(1) Du jour où ils ont été enregistrés, soit en Tunisie, soit à l’étranger ;

(2) Du jour où l’acte a été déposé dans les mains d’un officier public ;

(3) Si l’acte est souscrit, soit comme partie, soit comme témoin, par une personne décédée ou réduite à l’impossibilité physique d’écrire, du jour du décès ou de l’impossibilité          reconnue ;

(4) De la date du visa ou de la légalisation apposée sur l’acte par un officier à ce autorisé ou par un magistrat, soit en Tunisie, soit à l’étranger ;

(5) Lorsque la date résulte d’autres preuves équivalentes et absolument certaines.

A cet égard, les ayants cause et successeurs à titre particulier sont considérés comme tiers, lorsqu’ils n’agissent pas au nom de leur débiteur.

3) L’enregistrement, condition d’opposabilité aux tiers pour certains actes :

La formalité d’enregistrement constitue une condition d’opposabilité à l’égard des tiers (c’est-à-dire le point de départ à partir duquel sont décomptés les délais de déchéance éventuels) notamment dans les cas suivants :

(1) Actes de ventes d’immeubles : Lorsque la vente a pour objet des immeubles, des droits immobiliers ou autres choses susceptibles d’hypothèques, elle doit être faite par écrit ayant date certaine d’après la loi et elle n’a d’effet, au regard des tiers, que si elle est enregistrée à la recette des finances, sous réserve des dispositions spéciales aux immeubles immatriculés.

(2) Les baux d’immeubles : Les baux d’immeubles et de droits immobiliers doivent être constatés par écrit s’ils sont faits pour plus d’une année. A défaut d’acte écrit, le bail est censé fait pour un temps indéterminé.

Les baux d’immeubles excédant une année n’ont d’effet au regard des tiers que s’ils sont enregistrés dans les conditions déterminées par la loi.

(3) Loyers payés d’avance : Tout acte portant libération ou quittance de loyers ou baux non échus pour une période excédant une année, ne peut être opposé aux tiers, s’il n’a été enregistré en la forme prescrite par la loi.

(4) Transaction portant sur des immeubles : Lorsque la transaction comprend la constitution, le transfert ou la modification des droits sur les immeubles ou autres objets susceptibles d’hypothèques, elle doit être faite par écrit, et elle n’a d’effet, au regard des tiers, que si elle est enregistrée en la même forme que la vente.

(5) Déchéance du droit de retrait : Le droit de retrait doit, à peine de déchéance, être exercé dans le délai d’un mois à compter de la notification faite au retrayant par l’acquéreur de son acquisition avec l’indication du prix.

A défaut d’une telle notification, il se prescrit par six mois à partir du jour de l’inscription de l’acte sur le livre foncier, pour les immeubles immatriculés, et du jour de l’enregistrement de l’acte à la recette des finances pour les immeubles non immatriculés.

4) L’enregistrement, condition de validité de certains actes :

L’enregistrement constitue une condition de validité de l’acte dans les cas suivants :

(1) Constitution de sociétés ayant pour objet des immeubles : La société est parfaite par le consentement des parties sur la constitution de la société et sur les autres clauses du contrat, sauf les cas dans lesquels la loi exige une forme spéciale. Cependant, lorsque la société a pour objet des immeubles ou autres biens susceptibles d’hypothèques, et qu’elle doit durer plus de trois ans, le contrat doit être fait par écrit et enregistré en la forme déterminée par la loi.

(2) Contrat de nantissement de fonds de commerce : Le contrat de nantissement est constitué par un acte authentique ou par un acte sous seing privé dûment enregistré.

Le privilège résultant du contrat de nantissement s’établit par le seul fait de l’inscription sur un registre public, tenu au greffe du tribunal dans le ressort duquel le fonds est exploité.

La même formalité devra être remplie au greffe du Tribunal dans le ressort duquel est située chacune des succursales du fonds comprises dans le nantissement.

5) L’enregistrement, condition nécessaire pour l’accomplissement des formalités de publicité légale

C’est le cas de la plupart des formalités de publicité légale requise en matière de sociétés commerciales et de cession de fonds de commerce.

6) L’enregistrement, condition exigée par les tribunaux

Les juges ne doivent rendre aucun jugement sur la base d’actes non enregistrés. Cette obligation ne s’applique pas aux actes revêtus par le Receveur des Finances compétent de la mention selon laquelle ces actes ne sont pas soumis à l’enregistrement dans un délai déterminé.

En cas de production devant le tribunal des actes ou des pièces non enregistrés et ne portant pas la mention du Receveur des Finances qu’ils sont exonérés des droits d’enregistrement, le juge chargé de l’affaire ordonne soit sur réquisition du Ministère Public, soit même d’office, le dépôt de ces actes et pièces au greffe pour être immédiatement communiqués au Receveur des Finances compétent aux fins d’enregistrement.

7) L’enregistrement, moyen de conservation de l’acte

Les contribuables peuvent demander et obtenir la délivrance de renseignements ou copies de leurs dossiers détenus par les agents de l’administration chargés de l’enregistrement.

Toute autre partie intéressée peut être autorisée par la justice pour obtenir communication des pièces détenues par les agents de l’administration.

Sous-section 2. Principes et théorie applicables au droit d’enregistrement

§ 1. Principe d’interprétation

L’interprétation des actes par l’administration repose sur leurs caractères apparents sans qu’elle ait à rechercher ni leur validité juridique, ni les intentions secrètes des parties. Néanmoins, l’administration n’est pas tenue par la qualification que donne les parties au contrat (principe de réalisme du droit fiscal) ; Elle peut donc requalifier un acte ou refixer sa date de conclusion.

De même, un contrat apparemment imparfait au sens fiscal n’est pas traité comme contrat passible du droit de mutation, il s’enregistre au droit fixe des actes innomés.

L’administration est fondée à établir :

 (1) qu’une vente déguise une donation, ou qu’une donation déguise une vente,

 (2) que le contrat de gérance d’un fonds de commerce dissimule une vente de fonds de commerce.

L’acte imparfait :

Lorsqu’un acte ne constitue pas le titre apparent d’une opération juridique, il est dit en droit fiscal «imparfait». Il ne peut alors être assujetti à aucun droit déterminé et supporte seulement le droit fixe des actes innomés. L’acte imparfait est celui auquel manque soit le consentement des parties soit l’une des formalités exigées par la loi :

- Consentement des parties : constituent par exemple des actes imparfaits la donation non acceptée par le donataire, ou la vente ne réalisant pas l’accord des parties.

- Formalités exigées par la loi : doivent être considérés comme actes imparfaits :

 (1) les actes administratifs sujets à approbation et non approuvés ;

 (2) l’acte sous seing privé non signé par tous les contractants. Mais il suffit qu’il porte les signatures des parties autres que celles entre les mains desquelles il se trouve pour qu’il soit traité comme un acte parfait à l’égard de l’enregistrement.

§ 2. Influence de l’existence d’une condition sur l’exigibilité des droits dus

Certaines conventions sont conditionnelles. Une obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain. Elle est dite suspensive lorsque l’obligation est suspendue jusqu’à ce que l’événement arrive. Elle est résolutoire lorsque l’obligation est résiliée si l’événement résolutoire arrive.

a) Condition suspensive : Les actes affectés d’une condition suspensive n’entraînent mutation que lorsque la condition se réalise. Ils sont par conséquent passibles initialement au tarif des actes innomés.

b) Condition résolutoire : En matière fiscale, la condition résolutoire est sans influence sur l’impôt puisqu’elle ne suspend pas l’effet de la convention mais la rend simplement annulable.

La condition résolutoire est sans influence sur la perception des droits lesquels ne peuvent être restitués si la condition résolutoire se réalise.

Si l’enregistrement de la résiliation n’intervient pas dans les 3 jours qui suivent la date de l’acte notarié ou dans le cas d’un acte sous seing privé depuis qu’il ait acquis date certaine, la résiliation pure et simple (c’est-à-dire non judiciaire) est considérée, selon la doctrine de l’administration fiscale (BODI, Texte DGI 96/58, note commune n° 33) comme une opération de revente soumise par sa nature de nouveau au droit d’enregistrement dû sur les ventes.

§ 3. Théorie des nullités [2]

Selon REFALO, «l’administration n’est point juge de la validité des actes. Dès lors, il importe peu que l’opération juridique constatée dans un acte soit entachée de nullité ; le droit édicté pour cette opération juridique est exigible comme si elle était valable. A cet égard, il n’y a aucune distinction à faire suivant qu’il s’agit d’actes nuls de plein droit ou d’actes simplement annulables».

Ainsi, contrairement à l’acte imparfait passible du seul droit fixe de 10 D par page, l’acte nul est passible du droit selon le tarif applicable à l’opération.

REFALO donne le critère de distinction suivant entre l’acte imparfait et l’acte nul : «l’acte imparfait est celui auquel il manque un élément qui y fait défaut ; l’acte nul au contraire, est un acte qui est complet par lui-même et qui serait susceptible de porter tous ses effets, si la nullité n’était pas invoquée».

§ 4. Dispositions dépendantes, dispositions indépendantes

a) Dispositions corrélées : lorsqu’un acte renferme plusieurs dispositions tarifées différemment, mais qui, en raison de leur corrélation, ne sont pas de nature à donner ouverture à la pluralité des droits, le droit d’enregistrement est liquidé sur la base de la disposition soumise au tarif le plus élevé.

Les dispositions corrélées ou corrélatives sont des dispositions dépendantes dont la réunion constitue le contrat dans son ensemble, par exemple, la vente et l’obligation de payer le prix.

b) Dispositions indépendantes : lorsqu’un acte renferme des dispositions indépendantes ou ne dérivant pas nécessairement les unes des autres, le droit d’enregistrement est liquidé au tarif correspondant à chacune d’elles.

A titre d’exemple de dispositions indépendantes dans un même acte, la vente d’un immeuble et la location de cet immeuble. Dans cet exemple, les droits d’enregistrement se cumulent au tarif de chacune des deux dispositions.

c) Non cumul des droits fixes sur le même acte : il ne peut être perçu cumulativement sur un même acte plusieurs droits fixes.

Lorsqu’un acte contient plusieurs dispositions susceptibles d’être tarifées aux droits fixes, il y a lieu de percevoir celui de ces droits qui est le plus élevé.

§ 5. Théorie de la propriété apparente

La théorie de la propriété apparente s’applique aux mutations.

Cette théorie permet à l’administration de considérer comme véritable propriétaire d’un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers en vertu des clauses formelles contenues dans un acte translatif de propriété en dépit des conventions secrètes pouvant exister entre les parties ou les causes de nullité dont l’acte pourrait être entaché.

Tout acte qui opère un changement dans la propriété apparente donne ouverture au droit de mutation sans qu’il y ait à se préoccuper du point de savoir si ce changement correspond à une transmission réelle de propriété, les contractants ne pouvant être admis à prétendre que le contenu formel des actes ne traduit pas leur véritable intention.

§ 6. La règle «non bis In Idem»

La règle «non bis in idem» est définie par la doctrine administrative comme un principe qui consiste à ne taxer qu’une seule fois une même somme à un même impôt au profit de la même collectivité.

En application de la règle générale «non bis in idem» selon laquelle on ne peut asseoir doublement les droits d’enregistrement sur le même acte ou la même opération, la législation en vigueur permet aux contractants d’enregistrer les actes refaits au minima de perception (10 dinars par page de chaque copie présentée à la formalité) si les conditions suivantes sont remplies :

- obligation de rédiger un premier acte et de l’enregistrer à la recette des finances ;

- ne pas toucher aux éléments essentiels du contrat original (les parties, le prix, l’objet...) et à la nature de l’opération ;

- le premier acte ne doit pas avoir cessé d’exister et ne doit pas être annulé.

§ 7. La théorie de la mutation conditionnelle

Lorsque les biens sont apportés à titre pur et simple à une société lors de sa constitution ou par voie d’augmentation de capital, la transmission qui s’opère du patrimoine de l’apporteur dans celui de la personne morale est réputé n’opérer la mutation du bien apporté que sous la condition suspensive de son attribution à un associé autre que l’apporteur (ou ses héritiers) lors du partage de la société.

Si le bien est attribué à un associé autre que l’apporteur, les droits de mutation à titre onéreux deviennent exigibles sur la base du tarif en vigueur et sur la valeur de cet apport le jour du partage.

Si au contraire, le bien apporté est repris par l’apporteur, celui-ci est réputé n’avoir jamais cessé d’en être propriétaire au point de vue fiscal et cette attribution ne donne ouverture ni au droit de mutation, ni au droit de partage.

La théorie de la mutation conditionnelle ne s’applique qu’aux apports purs et simples qui constituent des corps certains et non aux choses fongibles qui sont assimilées à des acquêts sociaux.

§ 8. Valeur de la nue-propriété et de l’usufruit

En cas de transmission de droits de propriété (lors du démembrement ou lors d’une mutation) à titre gratuit (donation ou succession), la valeur respective de l’usufruit et celle de la nue-propriété est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière conformément au barème suivant :  

 

Age de l’usufruitier

Valeur de l’usufruit 

Valeur de la nue propriété

Moins de 20 ans révolus

7/10

3/10

Moins de 30 ans révolus

6/10

4/10

Moins de 40 ans révolus

5/10

5/10  

Moins de 50 ans révolus

4/10

6/10

Moins de 60 ans révolus

3/10

7/10

Moins de 70 ans révolus

2/10

 8/10

Plus de 70 ans révolus 

1/10

 9/10  

Bien entendu, les démembrements de la propriété à titre onéreux sont enregistrés sur la base du prix dans les conditions de droit commun.

§ 9. La règle de solidarité pour le paiement des droits

Le droit d’enregistrement se caractérise par la recherche d’une multitude de dispositifs de sécurité pour assurer le recouvrement de l’impôt.

Le code des droits d’enregistrement institue souvent une responsabilisation de certains intervenants et une solidarité entre les différentes parties intervenantes à l’opération assujettie.

§ 10. L’obligation faite aux receveurs d’accomplir la formalité de l’enregistrement

Les receveurs des finances ne peuvent, sous aucun motif que ce soit, différer l’enregistrement des actes et mutations dont les droits ont été payés conformément à la loi, et ce même dans le cas d’un éventuel recours à la procédure de l’expertise.

Sous-section 3. Liquidation des droits d’enregistrement

Les droits sont fixes, proportionnels ou progressifs selon la nature des actes et mutations qui y sont assujettis.

§ 1. Les droits fixes

On distingue entre le droit fixe à la page, le droit fixe à l’acte et le minima de perception. En outre, il est dû un droit progressif de souscription et de versement sur les opérations portant augmentation du capital souscrit des sociétés anonymes et une redevance de recherche.

§ 2. Tarif et assiette des droits d’enregistrement proportionnels

1) Les mutations d’immeubles à titre onéreux

a) Tarif de base :

S’enregistrent au droit proportionnel de 5% :

- Les ventes, cessions, rétrocessions, adjudications, adjudications à la folle enchère ou sur surenchère, acquisitions par voie de licitation et tous autres actes civils et judiciaires translatifs à titre onéreux de propriété, d’usufruit, de nue-propriété de biens immeubles et de servitude.

La rétrocession est une revente faite par l’acheteur au vendeur. Elle constitue une nouvelle mutation donnant ouverture à un nouveau droit proportionnel.

- Les cessions d’actions ou de parts conférant à leurs possesseurs le droit à la jouissance ou à la propriété d’immeubles ou de fractions d’immeubles : les cessions d’actions ou de parts conférant à leurs possesseurs un droit de jouissance ou de propriété d’immeubles ou fractions d’immeubles sont réputées avoir pour objet les cessions des biens représentés par ces titres et il est fait application, pour la perception du droit d’enregistrement sur lesdites cessions, de toutes les règles relatives à la vente d’immeubles.

b) Conditions d’exigibilité du droit proportionnel :

Selon REFALO, «trois conditions sont nécessaires pour l’application immédiate du droit proportionnel de 5% :

- Il faut que la vente réunisse tous les éléments de perfection prévus par l’article 580 du C.O.C ;

- Qu’elle porte sur des biens ayant réellement le caractère d’immeubles ;

- Qu’elle ne soit pas affectée d’une clause suspensive qui empêche l’exigibilité du droit proportionnel».

c) Assiette :

Sauf dispositions spéciales relatives à certaines mutations d’immeubles, le droit d’enregistrement dû sur les ventes des immeubles et opérations assimilées est liquidé sur le prix exprimé majoré des charges en capital. Il semblerait qu’il s’agisse du prix TVA comprise lorsque la cession est soumise à la TVA.

d) Droit complémentaire pour défaut de mention de l’origine de propriété :

Un droit complémentaire de 3% est dû sur les actes notariés ou sous seing privé emportant mutation entre vifs de propriété, de nue-propriété ou d’usufruit de biens immeubles ou touchant à la situation juridique des immeubles qui ne font pas mention de l’origine de propriété et s’il y a lieu de la justification du paiement des droits d’enregistrement afférents à la précédente transmission.

La mention de l’origine qu’il convient de préciser dans l’acte pour qu’il ne soit pas passible du droit complémentaire de 3% est constituée par les références de l’enregistrement de la précédente mutation et non pas seulement l’origine de propriété au sens du droit civil.

Néanmoins, le droit pour défaut de mention d’origine de propriété est restitué aux parties si celles-ci produisent les justifications requises, dans les délais réglementaires.

Toute inscription sur le livre foncier d’une mutation d’un droit réel immobilier donne lieu au paiement d’un droit proportionnel de 1% au titre du droit de la conservation de la propriété foncière.

Il en est de même, sauf exceptions légales, de toute immatriculation d’un immeuble, de l’inscription d’hypothèque ou d’un privilège sur cet immeuble.

Par dérogation au tarif de 1%, le droit de la conservation foncière dû à la constitution et à la radiation d’hypothèque ou de privilège pour garantir un prêt bancaire est réduit à 0,2% du montant en principal dudit prêt.

2) L’échange d’immeubles :

L’échange d’immeubles donne lieu à un droit d’enregistrement unique de base de 2,5% calculé sur la valeur de l’un des immeubles si l’échange s’effectue sans soulte ni plus-value ou sur la valeur du lot le plus faible en cas de soulte ou de plus-value.

Pour le surplus constitué par la soulte ou la plus-value correspondant à la différence de valeur entre les deux immeubles échangés, le droit d’enregistrement est dû au taux de 5% par celui qui paie la soulte ou bénéficie de la plus-value.

3) La mutation de fonds de commerce, de clientèle et de droit au bail à titre onéreux :

S’enregistrent au taux proportionnel de 2,5%, les ventes de fonds de commerce, de clientèle et de droit au bail.

Le droit d’enregistrement dû sur les ventes de fonds de commerce ou de la clientèle est liquidé sur le prix de vente de la clientèle, de l’achalandage, de la cession du droit au bail et des objets mobiliers ou autres, servant à l’exploitation du fonds de commerce majoré éventuellement des dépenses en capital.

L’assiette passible du droit proportionnel est constituée par le prix global du fonds de commerce cédé qui doit obligatoirement inclure l’achalandage ou la clientèle.

Lorsqu’un élément faisant partie du fonds est vendu isolément, il est soumis à son régime spécifique d’enregistrement.

A titre d’exemple, le brevet vendu avec le fonds est soumis au droit proportionnel de 2,5%. En revanche, un brevet cédé séparément n’est pas soumis en raison de sa nature à l’enregistrement obligatoire. Il en est de même des biens mobiliers ou des marchandises.

Bien entendu, toute mutation comprenant la clientèle constitue une mutation soumise au droit proportionnel de 2,5%.

4) Le droit de partage :

a) Tarif : S’enregistrent au droit proportionnel de 0,5%, les partages d’immeubles entre co-propriétaires à quelque titre que ce soit ainsi que le partage de biens meubles faisant partie d’une succession ou de l’actif d’une société.

Néanmoins, la reprise par un apporteur en nature des éléments constitutifs de corps certains ne donne pas ouverture au droit de partage. En revanche, l’attribution d’immeuble apporté par un associé à un autre associé donne lieu au droit de mutation des immeubles. De même, les soultes ou plus-values résultant d’un partage d’immeuble sont soumises au droit proportionnel de base de 5%.

Quant au droit de la conservation foncière au taux de 1%, il est toujours dû sur les mutations consécutives au partage.

b) Assiette : Le droit d’enregistrement dû sur les partages de biens meubles et immeubles est liquidé, à la condition que la copropriété soit justifiée, sur le montant de l’actif net partagé, déduction faite des valeurs soumises au droit d’enregistrement dû sur les soultes et plus-values portant sur des immeubles.

5) La location d’immeubles et de fonds de commerce :

S’enregistrent au droit proportionnel de 1%, les baux de biens immeubles autres que ceux destinés à l’habitation et leur tacite reconduction, ainsi que les sous-locations, subrogations, cessions et rétrocessions des baux de biens immeubles, ainsi que les locations de fonds de commerce.

Le droit d’enregistrement dû sur la mutation de jouissance des immeubles ou de fonds de commerce est liquidé sur le prix annuel (soit une somme correspondant au loyer d’une année) exprimé dans l’acte ou la déclaration augmenté des charges imposées au preneur.

6) Les ventes publiques de biens meubles :

S’enregistrent au droit proportionnel de 2,5% les ventes publiques de biens meubles à l’exception des ventes publiques liées à l’agriculture qui sont enregistrées au droit fixe de    10 dinars par page.

Lorsqu’un acte a pour objet la mutation simultanée de propriété de biens meubles et immeubles, le droit d’enregistrement est perçu sur la totalité du prix au taux applicable aux ventes d’immeubles, à moins qu’il ne soit stipulé dans l’acte un prix particulier pour les meubles et que ces meubles ne soient estimés et clairement désignés au contrat.

7) Les jugements et arrêts :

Sauf exceptions prévues par la loi, les jugements et arrêts s’enregistrent au droit proportionnel de 5%.

Le droit d’enregistrement dû sur les jugements et arrêts est liquidé sur le montant des condamnations ou liquidations prononcées.

Lorsque le droit proportionnel a été acquitté sur un jugement rendu en première instance, la perception du droit sur les jugements ou arrêts qui peuvent intervenir en appel n’a lieu, le cas échéant, que sur le supplément des condamnations ou liquidations prononcées.

Lorsqu’un jugement ou un arrêt rendu en appel fixe un montant de condamnation ou liquidation inférieur à celui prononcé au premier degré, le trop perçu est restituable jusqu’à la fin du délai de trois ans à compter du jour où les droits sont devenus restituables suite à un jugement ou un arrêt.

Le droit proportionnel sur les jugements n’est pas exigible lorsque le jugement ou l’arrêt forme le titre d’une mutation à titre onéreux ou à titre gratuit d’immeubles, de fonds de commerce ou de clientèle.

Lorsqu’ils ne donnent pas ouverture au droit proportionnel, les jugements et arrêts sont passibles du minimum de perception.

Les parties non condamnées aux dépens enregistrent les jugements ou arrêts moyennant le paiement du droit minimum à charge pour elles d’acquitter le surplus des droits proportionnels sur les sommes recouvrées comme en matière de retenues à la source.

La décision ainsi enregistrée au droit minimum est réputée non enregistrée à l’égard des parties condamnées aux dépens.

Le droit fixe acquitté est imputé sur les droits proportionnels.

§ 3. Les droits progressifs et variables

Sont soumises aux droits d’enregistrement progressifs et variables :

- Les acquisitions de terrains destinés à la construction d’immeubles individuels à usage d’habitation ;

- Les donations et successions.

1) Les acquisitions de terrains destinés à la construction d’immeubles individuels à usage d’habitation :

Les acquisitions de terrains destinés à la construction d’immeubles individuels à usage d’habitation s’enregistrent au droit d’enregistrement aux tarifs progressifs suivants :

         - jusqu’à 120 m2            1%

         - de 120,001 à 300 m2    2%

         - de 300,001 à 600 m2    3%

         - au delà de 600 m2        5%

2) Les donations et les successions :

Les donations et les successions s’enregistrent aux droits variables suivants :

- Entre ascendants et descendants et entre époux                                           2,5%

- Entre frères et sœurs                                                                                     5%

- Entre oncles ou tantes, neveux et nièces, grands oncles et grandes tantes

et petits neveux ou petites nièces et entre cousins                                            25%

- Entre parents au delà du quatrième degré et entre personnes non parentes       35%

§ 4. Les exonérations

Les exonérations du droit d’enregistrement résultent de dispositions de droit commun et de dispositions spéciales instituées par différents régimes d’avantages fiscaux. Mais tout d’abord, il convient de distinguer entre le régime d’exonération et le régime des actes non soumis à l’obligation d’enregistrement.

1) Distinction entre exonération et défaut d’obligation d’enregistrement :

Alors qu’un acte exonéré du droit d’enregistrement est un acte soumis obligatoirement à l’enregistrement mais qui reçoit la formalité GRATIS, la présentation à l’enregistrement d’un acte dont l’enregistrement est facultatif est passible du droit fixe au tarif de 10 dinars par page.

2) Les exonérations de droit commun :

- Les contrats de mariage.

- Exonération de l’incorporation au capital de la réserve de réévaluation légale.

3) Les exonérations en vertu des régimes d’avantages fiscaux :

Les avantages fiscaux peuvent soit modérer les droits d’enregistrement, soit instituer une exonération pure et simple soit permettre le remboursement des droits payés.

Les exonérations instituées en vertu des régimes d’avantages fiscaux sont nombreuses. Au nombre des actes et opérations exonérés du droit d’enregistrement, on peut citer :

- Exonération des droits d’enregistrement des entreprises totalement exportatrices régies par le code des incitations aux investissements.

- Exonération des droits d’enregistrement des entreprises établies dans les parcs d'activités économiques.

- Exonération des droits d’enregistrement et de timbre fiscal des actes de mutation à titre onéreux entre non résidents portant sur des résidences touristiques réalisées dans le cadre d’un projet touristique et acquises en devises convertibles par des non résidents tels que définis par l’article 5 du code des changes et du commerce extérieur.

Sous-section 4. La restitution des droits d’enregistrement

La restitution des droits d’enregistrement est possible en cas d’erreur dans la liquidation des droits, en cas d’annulation d’un contrat par voie de justice, en cas de production des justifications requises pour les dettes grevant une succession, en cas de jugement en appel infirmant un jugement précédent, en cas de retour d’un absent déclaré décédé, en cas d’identification a posteriori de l’origine de propriété, en cas de justification a posteriori de la date de naissance d’un usufruitier né à l’étranger, ou dans le cadre des avantages fiscaux accordés aux investissements agricoles.

Délai pour la restitution : Sauf délais spéciaux, l’action en restitution des sommes perçues en trop droit intervenir dans un délai maximum de trois ans à compter de la date à laquelle l’impôt est devenu restituable et au plus tard dans un délai de cinq ans à compter du paiement de l’impôt. Ce butoir de cinq ans ne s’applique pas aux restitutions nées d’un jugement ou d’un arrêt de justice.

1) Restitution à la suite d’une erreur des parties ou de l’administration :

Sont restituables les droits indûment ou irrégulièrement perçus par suite d’une erreur des parties ou de l’administration.

La restitution est accordée après déduction du droit fixe qui constitue dans ce cas un minima de perception.

2) Restitution à la suite d’une annulation judiciaire de la vente :

En cas de rescision d’un contrat pour cause de lésion ou d’annulation d’une vente pour cause de vices cachés et, dans tous les autres cas où il y a lieu à annulation, les droits perçus sur l’acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l’annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée.

En revanche, ne sont pas restituables les droits régulièrement perçus sur les actes ou contrats révoqués ou résolus par l’effet d’une condition résolutoire ou conventionnelle, expresse ou tacite.

L’annulation, la révocation, la résolution ou la rescision prononcée, pour quelque cause que ce soit, par jugement ou arrêt, ne donne pas lieu à la perception des droits d’enregistrement sur les mutations.

3) Restitution pour production des justifications requises de dettes grevant une succession :

Lorsqu’une dette grevant l’actif successoral au jour de l’ouverture de la succession n’a pas été déduite faute de production des justifications requises, les droits correspondants liquidés en trop peuvent faire l’objet d’une restitution sur production des justifications requises pour les dettes grevant la succession.

4) Restitution à la suite de l’infirmation d’un jugement (révision en baisse ou annulation pure et simple du montant de la condamnation initiale) :

Les décisions judiciaires qui confirment purement et simplement une condamnation en premier ressort s’enregistrent au minima de perception sur les jugements et arrêts.

Quant aux décisions infirmatives des jugements de débouté, elles s’enregistrent au droit proportionnel de 5% sur le montant de la condamnation.

En revanche, les décisions infirmatives de jugements de condamnation sont passibles du minima de perception mais le droit proportionnel perçu en trop par rapport au jugement intervenu en premier ressort devient restituable.

5) Restitution des droits de succession à la suite du retour d’un absent déclaré décédé :

La succession des absents (personnes disparues) est ouverte à compter de la date du prononcé du jugement de disparition. Elle s’enregistre dans le délai d’un an de la date de prononcé dudit jugement.

En cas de retour de l’absent, les droits d’enregistrement payés sur sa succession sont restituables dans deux limites :

(1) Limite de montant : La restitution des droits d’enregistrement s’effectue sous la déduction des droits liquidés sur le montant des sommes et valeurs dont ont jouit les ayants droit.

(2) La limite du délai de restitution.

6) Restitution pour justification a posteriori de l’origine de propriété (référence de l’enregistrement de la précédente mutation) :

Le droit d’origine de propriété des immeubles de 3% est restituable si les parties produisent les justifications requises dans les délais impartis.

7) Restitution partielle des droits payés sur la base de l’assiette maximale des contrats d’usufruit :

Les mutations à titre gratuit d’usufruit ou de nue-propriété sont liquidées sur la base d’un barème de ventilation de la valeur de la propriété applicable selon l’âge de l’usufruitier.

Il en découle que les actes et déclarations emportant mutation à titre gratuit d’usufruit ou de nue-propriété doivent comporter la date et le lieu de naissance de l’usufruitier. Si la naissance est survenue hors de Tunisie, l’âge de l’usufruitier doit être justifié lors de la formalité d’enregistrement. A défaut de justification, les droits sont liquidés sur la base de l’assiette la plus élevée.

Néanmoins, le trop perçu est restituable, si l’acte de naissance, au cas où cette dernière a eu lieu hors de Tunisie, est présenté dans un délai de deux ans.

8) Restitution des droits d’enregistrement payés pour l’acquisition d’un terrain agricole destiné à un investissement agricole :

Aux termes du § 4 de l’article 30 du code des incitations aux investissements, les investissements réalisés dans le cadre dudit code ouvrent droit au remboursement du droit de mutation des terres agricoles destinées à l’investissement sur demande de l’acheteur.

La demande de restitution doit, à peine de forclusion, être présentée au plus tard un an après la déclaration de l’investissement.

Sous-section 5. Le droit de timbre

Le droit de timbre est un impôt applicable à certains actes ou écrits. Il constitue également un mode de paiement du coût de certaines formalités et de certains documents fournis par les administrations publiques.

§ 1. Les différents types d’imposition

On distingue entre :

- Les timbres dits de dimension ;

- Les timbres des effets de commerce ;

- Les timbres des contrats de transport international ;

- Les timbres de quittance ;

- Les timbres afférents à la délivrance de certains documents administratifs ;

- Les timbres d’avocat ;

- Le timbre spécial de voyage.

1) Timbre de dimension :

Un certain nombre d’actes sont assujettis à un timbre dit de dimension.

Le timbre est dit de dimension en raison de la limitation de la dimension du papier sur lequel est rédigé l’acte. Cette limitation définie par la doctrine administrative fixe la dimension de la feuille à 29 centimètres de longueur et 21 centimètres de largeur. Tel est le cas du timbre dû à raison de 2 D par feuille d’actes et écrits soumis à un droit d’enregistrement proportionnel ou progressif ainsi que les expéditions de ces actes et écrits et les expéditions des actes notariés.

La désignation timbre de dimension ne présente en fait qu’un intérêt historique en droit fiscal tunisien.

2) Les timbres des effets de commerce :

Les effets de commerce sont passibles d’un droit de timbre obligatoire avant leur tirage.

Il est interdit, à toute personne, à toute société, et à tout établissement public, d’encaisser ou de faire encaisser pour son compte ou pour le compte d’autrui, même sans son acquit, des effets de commerce non timbrés ou non visés pour timbre.

Sont aussi soumis au droit de timbre sur état les lettres de change électroniques.

3) Les timbres des contrats de transport international :

Les contrats de transport international aérien et maritime des personnes et marchandises sont passibles d’un droit de timbre de 2 D par copie.

4) Les timbres de quittance :

Certaines quittances de sommes, décharges ou reçus sont passibles d’un timbre de 0,2 D par effet ou acte.

5) Les timbres afférents à la délivrance de certains documents administratifs :

De nombreux documents administratifs ainsi que certains services et certaines formalités supportent le droit de timbre à l’occasion de leur délivrance.

6) Les timbres d’avocat :

Un timbre d’avocat de 5 dinars est institué au profit de la caisse de prévoyance et de retraite des avocats.

7) Le timbre de voyage :

La taxe sur les voyages à l’étranger par voie maritime ou aérienne est payée sous la forme d’un timbre spécial de 45 dinars par voyage.

§ 2. Champ d’application, tarifs et redevables du droit de timbre

1) Champ d’application :

Les droits de timbre s’appliquent aux actes, écrits et formules administratives expressément taxés par la loi.

2) Tarifs applicables :

Les tarifs du timbre sont fixés selon le cas à 0,2D, 0,3D, 1D, 1,5D, 2D, 3D, 5D, 10D, 15D, 20D, 25D, 30D, 45D et 100D.

3) Redevables du timbre :

Le code des droits d’enregistrement et de timbre institue la règle de la solidarité des intervenants sauf pour les actes conclus par les particuliers avec l’Etat.

§ 3. Les exonérations du timbre

Les exonérations du timbre résultent des dispositions du code des droits d’enregistrement, des dispositions du code de travail et de différents régimes d’avantages fiscaux.

§ 4. Les modalités et délais de paiement du timbre

Le paiement du droit de timbre s’effectue selon l’un des procédés suivants :

(1) par l’apposition de timbres mobiles ;

(2) par l’utilisation de papier timbré ou de papier ayant une valeur déterminée ;

(3) sur état ;

(4) au moyen du visa du Receveur des Finances.

(5) Sur déclaration en cas d’utilisation d’une machine à timbrer.

Sous-section 6. La taxe unique sur les assurances

La taxe unique sur les assurances relève des droits d’enregistrement. En sus de la taxe unique, il est dû une contribution sur les primes d’assurance au profit de la régie administrative de la protection civile.

§ 1. Principe

La taxe unique sur les assurances s’applique, sauf exonérations légales, à tous les contrats d’assurance, de rentes viagères et de capitalisation conclus avec des entreprises d’assurances quels que soient la nature des risques assurés et le lieu de conclusion de ces contrats.

§ 2. Assiette de la taxe

L’assiette de la taxe est constituée par le montant des primes ou cotisations émises et de tous accessoires tels que les frais de contrat stipulés au profit de l’assureur.

§ 3. Fait générateur de la taxe

Le fait générateur est constitué par la date d’émission des primes ou cotisations, quelle que soit la date de conclusion du contrat ou celle du recouvrement effectif.

§ 4. Taux de la taxe unique sur les assurances

La taxe unique sur les assurances est due aux taux suivants :

(1) Le taux de 5% applicable aux contrats d’assurance des risques de la navigation maritime et aérienne et les contrats d'assurance relatifs aux risques agricoles et de pêche.

(2) Le taux de 10% applicable aux contrats d’assurance des risques en toutes autres matières d’assurance.

Il s’agit notamment de :

- l’assurance automobile pour la couverture de la responsabilité civile du conducteur et des dommages liés aux véhicules (collusion, vol, incendie, tous risques…) ;

- l’assurance de responsabilité qui couvre les dommages de toute nature causés aux tierces personnes ;

- l’assurance des dommages de toute nature causés par conflagration, embrasement ou combustion ;

l’assurance groupe maladie pour la couverture des risques de maladie ou des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne assurée ou liés à la maternité.

 


[1] REFALO, cours d'enregistrement, page 22.

[2] REFALO, cours d'enregistrement, pages 50 et 51.