UNIVERSITÉ DU SUD
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE
COMMERCE DE SFAX
Mémoire de fin
d’études pour l’obtention
d’une
maîtrise en sciences comptables
Sujet
De quelques
incohérences en matière
de taxe sur la valeur
ajoutée
Elaboré par :
Najoua CHAÂBEN
Sous la direction
de : Abderraouf
YAICH
Date de soutenance :
Août 2002
Sommaire
Introduction générale
Première partie : Incohérences entre textes
Introduction
Chapitre 1 : Incohérences dans le corps des textes
Section 1 : Contradictions qui touchent le contribuable
Section 2 : Incohérences qui touchent l’opération imposable
Section 3 : Absence de mise à jour du CII pour les dispositions
modifiées par les articles 18 et 19 de la loi n°96-113 du 30
décembre 1996
Chapitre 2 : Incohérences dans l’esprit des textes
Section 1 : Les textes imprécis
Section 2 : Illogisme de la règle
Conclusion de la première partie
Deuxième partie : Les atteintes aux principes généraux du droit
fiscal
Introduction
Chapitre 1: Les entorses à la neutralité de la TVA
Section 1: Le principe d'égalité devant l'impôt
Section 2 : Le principe d'équité
Chapitre 2 : Les entorses à la sécurité juridique du contribuable
Section 1 : Le principe de légalité
Section 2 : Le principe d'intelligibilité
Conclusion
Bibliographie
M.G.Egret qualifiait
la TVA comme « la plus grande innovation fiscale du XXème
siècle »,
en effet, elle offre actuellement dans plus de 67 pays dans le monde, le
rassurant profil d’un impôt réussi1.
Elle représente, parmi
les impositions sur le CA, « la part du lion » (soit 1,762 milliards de
dinars représentants 32% du total des recettes fiscales prévisionnelles
de l’Etat tunisien pour l’année budgétaire 2000.
Dans ce cas, elle
représenterait l’incontestable avantage d’être l’impôt indolore par
excellence que chacun paye insensiblement 1.
« Bien plus, la TVA
n’est pas sans procurer quelques avantages au plan des relations
internationales : conformément aux règles de commerce international
adoptées par le GATT et les accords de l’OMC en matière d’impôt
indirects, les importations sont taxées (sauf les exceptions prévus par
le tableau « A » annexé au code de TVA) et les exportations sont
exonérées tout en permettant aux exportateurs de récupérer la taxe ayant
grevé leurs coûts, plaçant ainsi les produits nationaux dans une
situation de parfaite concurrence avec les produits étrangers. » 1.
Néanmoins, « Simple en
apparence avec un code composé uniquement de 21 articles (dont 4 sont
abrogés récemment), la TVA tunisienne comporte des volets complexes qui
suscitent des incertitudes difficiles à arbitrer. » 2.
Cette complexité
s’explique par certaines incohérences et par la technicité intrinsèque
du droit fiscal.
Chaque année, une
dizaine de dispositions nouvelles viennent s’ajouter à l’arsenal de la
législation fiscale régissant la TVA auxquelles s’ajoute la production
de doctrine administrative. Le productivisme juridique se porte bien
dans le domaine fiscal.
En plus du
productivisme juridique, le droit fiscal régissant la TVA est d’une
technicité qui reflète une réalité socio-économique très hétérogène.
Dans son désir de
cerner et d’appréhender au plus prés cette réalité dans toute sa
diversité, le législateur multiplie les dispositions spéciales qui
assujettissent des situations ou des activités nouvelles. L’ensemble se
caractérise par une grande complexité et plonge l’usager dans
l’incertitude1. L’adoption successive de dispositions
obscures voir des fois contradictoires rende la matière difficile à
appréhender. La difficulté d’appréhension est aggravée par l’incohérence
entre les textes fiscaux qui fait l’objet et l’intérêt de notre
recherche.
Dores et déjà, nous
pouvons nous demander jusqu’à quel niveau ces incohérences se sont-elles
enracinées dans notre législation fiscale ?
Nous mènerons cette
recherche à travers une classification des incohérences entre les textes
auxquelles nous consacrons la première partie et les atteintes aux
principes généraux du droit fiscal qui feront l’objet de la deuxième
partie du mémoire. Cette recherche sera réalisée sur la base d’une revue
de littérature fiscale et d’une analyse des textes.
En
apparence, la TVA, en Tunisie, constitue l’impôt le plus simple (le code
de TVA n’est composé que de 17 articles). Toutefois l’étude de cet impôt
fait ressortir certaines incohérences qui participent à la complexité
de cet impôt.
Ces incohérences
résultent, dans la majorité des cas, d’une absence d’harmonisation des
textes nouvellement promulgués et les textes déjà existants.
Parmi les incohérences
relevées, il y a celles qui touchent strictement les lettres des textes
fiscaux. D’autres incohérences peuvent être relevés aussi bien dans le
corps que l’esprit des textes régissant la TVA.
Chapitre 1 : Incohérences dans le corps des textes
En plus du code de la
TVA promulgué par la loi n° 88-61 du 2 Juin 1988, cette taxe est régie
par d’autres textes soit non codifiés, soit émanant d’autres codes
(l’IRPP et l’IS, CII…).
Les incohérences dans
la lettre des textes désignent les contradictions stricto sensu
c’est-à-dire les contradictions apparentes et claires qui peuvent être
relevées. Ces contradictions peuvent être classées en deux types :
contradictions relatives aux contribuables et contradictions relatives
aux
Les contradictions
touchent le contribuable selon :
-
son statut
juridique ;
-
son
activité.
Sous-section 1 : Selon le statut juridique du contribuable
On entend par statut
juridique du contribuable, le régime applicable à la personne
intervenante : personne physique ou personne morale, de droit public ou
privé, tunisienne ou étrangère, résidente ou non résidente.
1. Personne physique et personne morale
A compter du premier
Janvier 1994, les opérations de location d’immeubles, à usage
professionnel, administratif et commercial, effectuées par les personnes
physiques non soumises à la TVA au titre d’une autre activité
professionnelle se trouvent exonérées de la TVA. Cette exonération est
instituée par le point 30 du tableau A annexé au code de TVA.
La discrimination
retenue en matière d’imposition des loyers à la TVA est en contradiction
avec le §II alinéa 1 de l’article premier du code de la TVA du fait que
l’exonération est accordée suivant la personne du contribuable.
2. Personne publique et personne privée
Le point 48 du tableau
A annexé au code de la TVA exonère les services de radio télédiffusion
rendus par les réseaux publics. Cette exonération ne concerne que les
services rendus par les réseaux publics. Ceux rendus par les
intervenants privés demeurent soumis à la TVA au taux de 18%. Cette
discrimination a été affirmée par la doctrine administrative par la
note commune n° 95-26 (n°19) qui précise que : « L’exonération de la TVA
concerne les services de radio télédiffusion réalisés par l’office
national de télédiffusion au profit des stations radio et de
télévision. »
Cette exonération est
incohérente avec le §II de l’alinéa 1 de l’article premier du code de
TVA en tant qu’elle ne concerne que les services rendus par les réseaux
publics. Néanmoins, faisant l’objet d’un monopole de l’état, la
discrimination relative à l’exonération des services de radio
télédiffusion reste actuellement sans conséquence sur la qualité de la
concurrence.
3. Personnes économiquement dépendantes
D’après le §II de
l’article 2 du code, les entreprises dépendantes d’entreprises
assujetties sont assujetties obligatoirement et à ce titre soumises de
plein droit à la TVA.
Par opposition à cette
disposition, l’alinéa 6-b du §VI de l’article 6 dudit code relatif à la
détermination de l’assiette imposable laisse entendre que deux
entreprises dont l’une dépend de l’autre peuvent avoir deux statuts
différents : l’une assujettie à la TVA et l’autre non assujettie.
Le professeur Habib AYADI
précise qu’« Il existe une contradiction entre la notion de dépendance
telle qu’elle se dégage de l’article 2 §II du code de TVA et celle qui
résulte des dispositions du même code. En effet, alors que l’article 2
traitant des assujettis a soumis à la TVA toute entreprise dépendante
d’une autre entreprise assujettie, quelque soit sa forme, l’article 6
semble considérer que la dépendance n’implique pas de plein droit
l’assujettissement à la TVA. » 1.
Sous-section 2 : Selon l’activité du contribuable
On désigne par
activité du contribuable, le métier que ce dernier exerce. Dans ce
cadre, l’incohérence peut affecter les activités industrielles et
commerciales et les prestations de services.
1. Activités industrielles et commerciales
Cette catégorie
d’activité englobe une multitude d’activités qui ont le caractère soit
industriel soit commercial.
A-
Les commerçants détaillants
L’art 43 de la loi
n°95-109 du 25 Décembre 1995 portant loi de finances pour la gestion
1996 a prévu l’extension du champ d’application de la TVA au commerce de
détail à partir du 1 Juillet 1996 pour les commerçants détaillants
réalisant un chiffre d’affaire annuel égal ou supérieur à 100 000
Dinars.
Normalement,
l’extension du champ d’application de la TVA au commerce de détail, rend
les commerçants détaillants qui dépassent le seuil de 100 000 Dinars
assujettis à titre obligatoire ce qui n’est pas en harmonie avec le §I
alinéa 1 de l’article 2 du code de la TVA, relatif à l’énumération des
assujettis qui dispose que : « sont considérées comme assujetties et
sont à ce titre, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes
physiques et morales qui réalisent les opérations visées au paragraphe I
et II alinéas 2 à 8 de l’article premier ci-dessus. ». Dans ce
cas Mr Raouf YAÏCH s’interroge : « Les commerçants
détaillants échappent-ils de ce fait à l’assujettissement? La réponse
est bien entendue négative, s’agissant d’un simple oubli d’harmonisation
du code par inadvertance ».
B-
Les forfaitaires
Le plus grand nombre
de personnes physiques relevant des BIC (Bénéfices industriels et
commerciaux) sont soumis au régime forfaitaire. Ce régime constitue pour
ceux qui l’adoptent l’avantage de les libérer de la TVA au titre de
leur activité. Le régime du forfait décèle plusieurs incohérences.
a.
Le
caractère libératoire de la TVA du forfait BIC
Selon Mr
Raouf YAÏCH « La qualification du statut des forfaitaires est toujours
mal aisé : sont-ils véritablement hors champ ? Dans le sens propre du
concept, les forfaitaires prestataires, fabricants et artisans sont dans
le champ d’application de la TVA mais ils en sont libérés par une
disposition du code de l’IRPP et l’IS (article 44 §IV du code l’IRPP et
l’IS). » 1.
La confusion relative
à la qualification du statut des forfaitaires est aggravée par les
incohérences de certains textes. Il en est ainsi de l’article 1er
du code de la TVA qui généralise l’application de la TVA quelque soit la
situation au regard de tout autre impôt, ce qui se contredit avec les
termes de l’article 44 §IV du CIRPP et l’IS faisant échapper les
forfaitaires de la TVA.
Dans le même contexte
Mr Raouf YAÏCH ajoute que : « La contradiction est aussi plus
claire à travers le §IV de l’article 18 dudit code. Ainsi, alors que
les forfaitaires ne sont pas, en pratique, classés parmi les assujettis,
le §IV de l’article 18 du code de la TVA dispose que : « les
assujettis à la TVA autre que ceux soumis au régime forfaitaire »,
ce qui classe implicitement les forfaitaires parmi les assujettis. Si
d’un point de vue théorique la formulation de l’article 18 est correcte,
elle demeure incohérente avec le statut réel des forfaitaires. ».
b.
Les forfaitaires importateurs
Le §II l’alinéa 2 de
l’article 6 dispose qu’à l’importation, la valeur imposable est
constituée : « s’il s’agit d’une importation réalisée par un non
assujetti ou par les forfaitaires visés au §IV de l’article 44 du code
de l’IRPP et l’IS, par la valeur déterminée au §I ci-dessus majorée
de 25% » alors que le §IV de l’article 44 du code de l’IRPP et l’IS
fixe parmi les conditions d’éligibilité au régime forfaitaire que ledit
forfaitaire soit : « Non importateur, non exportateur. ».
« La disposition
relative au régime d’importation applicable aux forfaitaires semble donc
incohérente avec les conditions du bénéfice du régime forfaitaire. »:
La loi interdit au forfaitaire d’être importateur en même temps qu’elle
définit un régime fiscal pour les forfaitaires importateurs !
2. La prestation des services
En fixant le champ
d’application de la TVA, le législateur a énuméré dansle §II alinéas 9
et 10 article premier du code de TVA les livraisons à soi-même soumises
à la TVA. De ce fait, le législateur a exclu les services livrés à
soi-même de la soumission à la TVA.
« Toutefois, le code
de la TVA comporte une dérogation à la règle de l’exclusion des services
du domaine de l’imposition des livraisons à soi-même. Selon l’alinéa 1-1
de l’article 6 du code de la TVA : « Pour la vente de titre de transport
de personnes vers l’étranger, la taxe est liquidée sur la base d’une
quote-part égale à 6% du montant brut du titre de transport, que ce
titre soit vendu par le transporteur pour son propre compte ou
pour le compte d’autrui. En effet, les titres vendus par le transporteur
pour son propre compte ne constituent pas une opération soumise à la TVA
aux termes de l’article premier dudit code puisqu’elle ressemble à une
livraison à soi-même d’un service. ».
Il aurait été approprié que l’article 6 indique une exception de
l’article 1er en utilisant par exemple l’expression
« Nonobstant les dispositions des alinéas 9 et 10 du §II de l’article
premier ».
L’imposition à la TVA
tunisienne est conçue soit par produit soit par opération réalisée sur
le produit. On se limite dans le cadre de cette recherche à l’étude des
incohérences affectant les opérations imposables selon qu’elles sont
exonérées ou imposables.
Sous-section 1 : Opérations exonérées
« Il existe deux types
d’exonération à la vente :
i.
L’exonération à l’export qui, pour les produits et opérations taxables
et moyennant la formalité de l’option pour les opérations exonérées
(telles celles du tableau A), devient assimilé à une opération taxable.
ii.
L’exonération en régime local qui prive du droit à déduction et
n’équivaut de ce fait pas à une véritable détaxation. »
Ces exonérations sont
prévues dans le code de TVA soit par le tableau « A », soit par le point
11 du § II de l’article premier dudit code relatif à certains produits
au stade du commerce de détail.
1. Incohérences relatives aux
exonérations figurant dans le tableau «A»
« Certaines
opérations, normalement passibles de la TVA, sont exonérées en raison de
dispositions expresses de la loi (article 4 de ce code, tableau
« A »)…L’exonération est impérative. »,
ces exonérations soulèvent plusieurs problèmes d’interprétation :
A-
L’exonération des éléments servant à la fabrication des stations
d’irrigation par goutte à goutte:
Le point N°11-b du
tableau « A » annexé au code de TVA exonère l’importation, la
fabrication et la vente des éléments suivants entrant dans la
fabrication des stations d’irrigation par goutte à goutte :
- Ex 39-17 goutteurs
microjets et accessoires de raccordements.
- Ex 84-21 Filtres et
cartouches pour irrigation par goutte à goutte.
- Ex 90-28 compteurs
d’eau pour irrigation par goutte à goutte.
Le bénéfice de cette
exonération est conditionné :
« Pour leurs achats
locaux, les bénéficiaires doivent adresser au centre de contrôle des
impôt de leur circonscription, préalablement à l’achat, une demande
d’achat en exonération, accompagnée des documents visés ci-dessus.
Une attestation
d’achat en suspension est délivrée à l’intéressé, lors de chaque
acquisition, un engagement de non cession des articles acquis en
exonération et acquitter immédiatement les droits et taxes dus sur les
produits de l’espèce qui serait détournée de leur destination
privilégiée, sans préjudice des sanctions prévues par la législation en
vigueur. »
Eu égard aux
conditions énoncées ci-dessus, l’exonération se trouve conditionnée par
l’obtention d’une autorisation « ce qui rend confus la distinction entre
le régime d’exonération et de suspension»1. Mr
Raouf YAÏCH note que : « Ce point du tableau « A » comporte une
ambiguïté relative à la nature de l’attestation délivrée par le centre
de contrôle des impôts en réponse à la demande d’achat en exonération.
Le texte dispose qu’une attestation d’achat en suspension est
délivrée à l’intéressé. S’agit-il réellement d’un achat en suspension ou
plutôt d’un achat en exonération. ».
La réponse est,
évidemment, que le législateur utilise indifféremment les termes
exonération et suspension. En fait, « lorsqu’une exonération nécessite
une autorisation, elle devrait relever plutôt du régime suspensif »1.
B-
L’exonération des articles culturels
Afin de préciser la
liste des instruments de musique, leurs parties et articles servant à
leur fabrication ; le matériel « son et lumière » et de théâtre destiné
au Ministre des Affaires Culturelles, aux théâtres municipaux ou aux
troupes de théâtre agrées ainsi que le matériel d’équipement et produits
nécessaires à la production cinématographique et aux salles de
projection de films pour le public et les produits utilisés dans les
arts plastiques, le décret n° 88-1609 du 7 Septembre 1988 pris en
application du point 24 du tableau « A » annexé au code de TVA fait
bénéficier les produits et articles culturels importés de la réduction
des taux de droit de douane au minimum légal de perception et de la
suspension de la taxe sur la valeur ajoutée et du droit de
consommation. Or le tableau « A » est relatif aux exonérations et non au
régime suspensif. Cette incohérence est due essentiellement à la
confusion persistante du législateur entre les régimes de suspension et
d’exonération.
2. Incohérences relatives aux
exonérations prévues par le point 11 du §II de l’article 1er du code de
TVA
Aux termes de
l’article 4 du code de la TVA relatif aux exonérations : « sont
exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les opérations reprises au
tableau « A » figurant en annexe. »
Réellement,
l’exonération prévu par le code de la TVA n’est pas limitée aux
dispositions énumérées dans le tableau « A », le point 11 du §II de
l’article 1er dudit code exonère de la TVA au stade de
détail, les ventes de produits alimentaires, des produits
pharmaceutiques, de médicaments et de produits soumis au régime de
l’homologation administrative des prix.
Sous-section 2 : Opérations situées hors champ d’application de la
TVA
Le professeur Bernard
PLAGNET note que « Les exonérations sont des opérations normalement
imposables en vertu des principes généraux mais qui sont expressément
dispensées du paiement de la TVA, tandis que les opérations placées hors
du champ d’application échappent à la TVA en vertu des principes
généraux ».
1- Exonération des opérations qui se
trouvent hors champ d’application de la TVA :
Afin d’illustrer
cette confusion, on cite à titre d’exemple : l’exonération de la
location d’immeubles bâtis d’habitation (le N°30 du tableau « A ») et la
promotion immobilière (N°50 du tableau « A »).
A-
La
location d’immeuble d’habitation non meublé
Avant 1994, il
existait d’un côté, l’article 1er dudit code qui définit le
champ d’application de la TVA; et d’un autre côté, le tableau « A »
(N°30) annexé à ce code qui exonère de la TVA, la location des immeubles
à usage d’habitation.
L’interprétation de
ces dispositions a posé quelques problèmes de signification pour tracer
avec certitude la frontière entre les locations soumises et celles qui
échappent à l’application de la TVA2. En effet, une opération
de location, censée être de nature civile, ne peut être soumise à la TVA
que ci elle revêt le caractère commercial, c’est à dire si elle est
effectuée d’une manière professionnelle ou habituelle, ou
lorsque elle est l’accessoire d’une opération commerciale plus vaste.
Pour maintenir la
cohérence entre les textes, l’exonération aurait dû être formulée
ainsi : « la location des locaux d’habitation non meublés à titre
professionnel … » pour se situer exactement dans le champ
d’application de la TVA.
B-
La
promotion immobilière
Le code de la TVA a
implicitement exclu de son champ d’application l’activité de la
promotion immobilière. L’article premier du code de la TVA n’a
explicitement soumis à la TVA que la vente de lots de terrain par les
lotisseurs. Dans le même sens la note commune n°63/1988 a précisé
que : « les ventes de locaux réalisées par les promoteurs immobiliers
dans le cadre de la promotion immobilière, ne sont pas soumises à la
TVA ». (note commune n°63/1988)
La loi de finances
pour l’année 2001 a prévu dans son article 65 que « Est ajouté au
tableau « A » annexé au code de la taxe sur la valeur ajoutée un numéro
50 ainsi libellé : la vente des immeubles bâtis à usage exclusif
d’habitation, réalisée par les promoteurs immobiliers. », or l’article 1er
§II -5 ne prévoit expressément la soumission à la TVA qu’un seul aspect
de la promotion immobilière (les ventes de lots). Cette disposition ne
peut avoir de justification, sur le plan juridique, que si le
législateur a voulu placer le reste des activités de la promotion
immobilière en dehors du champ de la TVA.
Selon cette analyse
que ne partage pas la doctrine administrative, le n° 50 du tableau
« A » exonère la vente des immeubles bâtis à titre d’habitation
effectuée par les promoteurs immobiliers alors qu’elle se situe déjà,
selon certains auteurs, en dehors du champ de la TVA.
2. Imposition des opérations qui se
trouvent hors champ d’application :
L’article 31 de la loi
de finance n°99-101 du 31 décembre 1999 a rendu exigible la TVA sur les
droits d’entrée aux musées (le n°12 du tableau B). Or, étant donné que
ces droits relèvent des activités culturelles, l’article 1er
du code de la TVA ne les inclut pas dans le champ d’application de la
TVA. Cette activité n’entre ni dans le domaine commercial ni dans le
domaine libéral ou encore moins artisanal.
On peut considérer que
la soumission à la TVA des droits d’entrée aux musées s’écarte des
termes de l’article premier dudit code.
Sous-section 3 : La destination des opérations imposables:
La TVA est un impôt
neutre qui soumet l’opération imposable sans discrimination ni entre la
nationalité des contractants; ni par le lieu de passation du contrat; ni
par la nature de la personne qui réalise la transaction, ni encore plus
par la destination de l’opération imposable.
Ce principe de
neutralité de la taxe par rapport à la destination de l’opération est
écarté par l’exonération de quelques opérations dépendantes d’un domaine
bien déterminé tel que : l’importation, la production et la vente des
papiers pour machines de bureau et similaires en bandes aux bobines,
destinés à l’Agence Tunis Afrique Presse (le n°20-c du tableau « A ») et
l’eau destiné à l’agriculture (le N° 15 du tableau « A »). On rencontre
le même problème au tableau B qui soumet les matières premières
destinées au secteur de l’artisanat (le n°12-2 du tableau B) au taux
réduit de 6%.
Sous-section 4 : Le lieu d’imposition de l’opération imposable :
Selon le §I de
l’article 3 du code, le lieu d’imposition d’une prestation de service
est fixé au lieu d’utilisation ou d’exploitation du service rendu, du
droit rendu, du droit cédé ou de l’objet loué. « En cas d’utilisation ou
d’exploitation faite, soit hors de Tunisie, soit pour partie hors du
Tunisie, le redevable doit apporter la preuve de l’utilisation ou de
l’exploitation effective hors de Tunisie en totalité ou en partie du
service considéré ; à défaut, les opérations sont considérées comme
effectuées en Tunisie ».
Le §II de l’article 15
du code a exigé pour les réalisateurs du service à l’étranger d’être
accompagnés d’une copie des certificats de sortie des biens ou d’une
attestation de la réalisation du service à l’étranger. Cette
formulation « attestation de la réalisation du service à l’étranger »
introduit une contradiction car le régime de TVA applicable aux services
est déterminé, d’après les termes de l’article 3 du code, par le lieu
d’utilisation et non par le lieu de réalisation du service.
Dans l’objectif
d’inciter les investissements engagés au sein des activités prévues par
l’article 9, 41, le§II de l’article 51 et l’article 56 du CII, la loi de
finances n°96-113 du 30 décembre 1996 a exonéré des droits de douane et
tous droits et taxes équivalents, à travers son article 18, les
équipements n’ayant pas de similaires fabriqués localement relatifs à
ces activités. Cette exonération est remplacée, à travers l’article 19
de la même loi, par la soumission de ces équipements à la TVA au taux de
10%.
On rappelle que le
régime de ces équipements, d’après le code des incitations aux
investissements, est l’inverse de celui prévu par la loi de finances
n°96-113. Ces équipements bénéficient de la réduction des droits de
douane au taux de 10% et de la suspension des taxes d’effet équivalent
et de la suspension de la taxe sur la valeur ajoutée. Néanmoins, le
texte du code d’incitations aux investissements modifié par la loi
n°96-113 du 30 décembre 1996 n’est toujours pas mis en harmonie avec le
régime fiscale actuellement en vigueur.
Chapitre 2 : Incohérences dans l’esprit des textes
« Ce n’est point le
corps des textes que je cherche mais leur âme ». Tel était le dessin de
Charles Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu en
écrivant « l’esprit des lois ».
Parfois l’incohérence
des textes ne relève pas d’une simple contradiction entre les textes.
Elle est due alors au manque d’harmonie entre les textes, plus
précisément une imprécision sémantique née de la combinaison de deux ou
plusieurs textes (paragraphe I), et l’absence de raison d’être
lorsqu’on confronte un texte à un autre (paragraphe II)
La rédaction
incertaine se déduit, dans ce sens, d’une lecture combinée de deux ou
plusieurs textes, alors qu’a priori la lecture isolée de l’un de ces
textes n’entraîne aucun problème. C’est donc la lecture binaire
nécessitée par le contexte qui provoque des doutes de compréhension.
Dans son incertitude,
la rédaction peut méconnaître l’intention réelle du législateur comme
elle peut voiler sa volonté.
Sous-section 1 : Rédaction qui méconnaît l’intention réelle du
législateur
L’obscurité des textes
méconnaît, dans certains cas, l’intention réelle du législateur. Dans
certaines situations, on peut, par une analyse juridique, atteindre
l’intention du législateur. On cite à titre d’exemple : l’imprécision de
l’assiette imposable, l’exonération de la location à titre d’habitation
et la simplification des obligations comptables.
1. L’imprécision de l’assiette
imposable
Certaines
imprécisions peuvent être relevées dans les textes régissant l’assiette
imposable de cas particuliers.
Le §I alinéa 2 de
l’art 6 du code de la TVA fixe l’assiette de la vente d’immeubles ou de
fonds de commerce. Aussi, la taxe est liquidée sur la base de la
différence entre le prix de vente et le prix d’achat, tous frais, droits
et taxes inclus, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée.
Dans d’autres situations, il fixe une assiette dont l’interprétation
suscite des difficultés d’application. L’ambiguïté qui contourne la
fixation de l’assiette imposable concerne les exemples suivants :
- L’assiette de la
vente des titres de transport de personnes vers l’étranger : la taxe est
liquidée sur la base d’une quote-part égale à 6% du montant brut
du titre de transport. Normalement le montant brut signifie le montant
toute taxe comprise.
Dans une première
vision, cette disposition laisse entendre que le législateur soumet
cette catégorie, toutes taxes comprises y compris la TVA. D’ailleurs, si
le législateur a l’intention d’exclure le montant de la taxe, il aurait
du prévoir l’expression suivante « à l’exclusion de la taxe sur la
valeur ajoutée» (le cas de la définition des autres assiettes), mais à
partir d’une vision plus pénétrante on peut conclure que ce texte
méconnaît l’intention du législateur d’imposer les titres de transport
sur la base du montant brut à l’exclusion de la TVA.
- Lorsque l’assiette
n’est pas définie autrement, elle est déterminée par le montant brut
(§I-8 de l’article 6). Qu’entend le législateur par le montant brut ?
- L’assiette des
ventes réalisées par les commerçants assujettis à la TVA et portant sur
des produits acquis auprès des forfaitaires : la taxe sur la valeur
ajoutée est liquidée sur la différance entre le prix de vente et le prix
d’achat (§I-8 de l’article 6). L’imprécision de la base imposable se
manifeste par l’inclusion ou l’exclusion de la TVA grevant la différence
entre le prix de vente et le prix d’achat.
La note commune n°5
Texte DGI n°91/06 précise que : « Cette méthode de calcul d’assiette a
pour objectif de supprimer la rémanence due à la non déduction de la TVA
supportée aussi bien sur les intrants utilisés par les forfaitaires que
sur le chiffre d’affaire de ces mêmes forfaitaires ».
D’après la note
commune n°5/1991, on peut affirmer que l’objectif du législateur est
notamment la suppression de la rémanence, ce qui exclut l’idée d’imposer
la vente prévue par le §I-9 du code sur la base de la différence entre
le prix de vente et le prix d’achat en considérant ladite différence
comme étant la base soumise à la TVA. Normalement le législateur doit
préciser que la différence entre le montant brut de la vente et le prix
d’achat constitue le montant TVA comprise.
2. Le régime des loyers
Le régime de
l’imposition à la TVA de la location d’immeubles pose l’une des
questions les plus délicates pour l’application de la TVA. L’enjeu est
d’importance puisqu’il s’agit de tracer la ligne de partage entre les
locations assujetties et celles qui échappent à l’application de la
taxe. L’obscurité des textes portant exonération de certaines catégories
de locations d’immeubles, a amené le professeur Habib AYADI à parler
d’un « savant brouillard qui caractérise le statut fiscal de la TVA, des
locations d’immeubles »,.
D’une part, l’art 1er
fixe le champ d’application de la TVA et d’autre part le n°30 du
tableau « A » annexé à ce code exonère de la TVA la location des
immeubles à usage d’habitation.
La combinaison de ces
dispositions pose un problème d’interprétation. En effet,
l’administration a conclu, face à cette ambiguïté, qu’en excluant dans
le tableau « A » (n°30) annexé au code la location de locaux à usage
d’habitation non meublé du champ d’application de la TVA, le législateur
a entendu soumettre les autres formes de la location d’immeuble à cette
taxe (DGI n°90/13 n°90/130 la note commune n°8). Cette interprétation
méconnaît, cependant selon certains auteurs, les principes posés par
l’article premier du code de la TVA, notamment la notion d’opérations
autres que les ventes. En effet, une opération de location est censée
être de nature civile. Alors qu’une opération, elle ne peut être
soumise à la TVA que si elle revêt le caractère commercial.
Pour résumer, le
législateur semble vouloir contourner un champ précis de location qui
est la location des immeubles non meublés à titre d’habitation par une
protection anti-imposition. La lecture à contrario semble, donc,
méconnaître l’intention réelle du législateur qui ne peut être tirée que
par l’article premier qui exclut les opérations civiles du champ
d’imposition.
3. La simplification des obligations
comptables
Aux termes du §I ,
alinéa 2-c de l’article 9 du code de la TVA, pour bénéficier des
déductions, les assujettis doivent, si leur comptabilité n'est pas tenue
conformément aux prescrits de l’article 18 dudit code, « tenir, sur un
livre spécial coté et paraphé par les centres ou bureaux de contrôles
des impôts dont dépend leur activité, un compte des achats locaux auprès
des assujettis, ainsi que des importations et des prestations de service
ayant supporté la TVA. »
Cet article ajoute
dans le paragraphe ci-après, que la déduction sur la base du livre
fiscal coté et paraphé « Ne s’applique pas aux biens soumis aux
amortissements qui restent régis par les dispositions du code de
commerce » ce qui signifie que la déduction sur immobilisations
amortissables nécessite la tenue d’une comptabilité.
D’une part, le texte
permet la non tenue d’une comptabilité et son remplacement par un
registre coté et paraphé, et d’autre part il exige la tenue d’une
comptabilité pour ceux qui détiennent des biens soumis à
amortissement. Le législateur paraît donc reprendre avec la main gauche
ce qu’il a accordé par la main droite.
Sous-section 2 : La promotion immobilière un cas de validation
législative
Le cas du §I et §II-5
de l’article premier et le n° 50 du tableau « A » a déclenché un autre
problème touchant la cohérence dans l’esprit des textes.
La note commune n°
19/2000, annonce que : « les opérations de vente d’immeubles bâtis à
usage commercial, administratif ou professionnel effectuées par les
promoteurs immobiliers constituent des opérations commerciales autres
que les ventes et sont soumises à la TVA. ».
L’expression
« opérations commerciales autres que les ventes » désigne, selon
l’interprétation administrative, les opérations commerciales autres que
l’achat pour la vente. L’activité des promoteurs immobiliers est une
activité commerciale par application du code de commerce, selon la même
interprétation administrative. Elle n’est donc ni l’achat et la vente
des immeubles en l’état (l’activité des marchands des biens), ni une
opération industrielle, ni une opération artisanale ou encore moins une
profession libérale.
Cette doctrine a été validée par l’ajout du n° 50 au tableau « A » de
sorte que les deux mécanismes aboutissent au même régime d’imposition.
L’article 63 de la loi des finances 2001 constitue un cas de
validation législative des solutions avancées par la note commune n°
19/2000.
En outre, on peut dire
que la solution législative n’a pas été d’une grande rigueur. Pour plus
de cohérence, le législateur aurait dû soit supprimer l’alinéa 5 §II si
toute l’activité de la promotion immobilière est soumise à la TVA et se
contenter alors d’une exonération, soit ajouter un autre sous
paragraphe dans l’article premier pour soumettre explicitement à la TVA
la vente des locaux à usage professionnel.
Sous-section 3 : la règle de prorata et le principe d’affectation
Une interprétation
stricte de l’article 9 relatif aux règles de déduction pose un problème
de détermination du montant de la TVA déductible pour les entreprises
partiellement assujetties.
Le §I alinéa 1 de
l’article 9 exige implicitement l’application de la règle d’affectation,
c’est-à-dire que le montant de la taxe déductible est déterminée par
application de cette règle. Dans ce cas, on tient compte de
l’affectation effective du bien ou du service. Cette règle entraîne les
conséquences suivantes. Si les biens ou services concourent
exclusivement à la réalisation d’opérations soumises à la TVA, la taxe
qui les a grevée est déductible intégralement. S’ils concourent à la
réalisation d’opérations non soumises à la TVA et n’ouvrant pas droit à
déduction, la taxe qui les a grevée n’est pas déductible. S’ils
concourent à la réalisation d’opérations du secteur commun, la déduction
se fait selon le prorata
.
L’administration s’est
basée sur le même texte pour justifier l’application de la règle
d’affectation lorsqu’un assujetti commercialise en l’état des biens
individualisés les uns soumis à la TVA et les autres ne l’étant pas.
Elle admet l’application de la règle d’affectation pour la
détermination du crédit de TVA afférent aux stocks de biens détenus par
un commerçant détaillant soumis partiellement à la TVA à la date de son
assujettissement (DGI 96/35 Note commune n°19/96). Il s’ensuit que pour
le stock de marchandises qui supportent la TVA au stade de détail, le
crédit de départ est constitué par le montant intégral de la TVA ayant
grevé ces marchandises. Pour le stock de marchandises exonérées de la
TVA au stade de détail, aucun crédit de TVA ne peut être accordé même si
les marchandises ont supporté la TVA à l’achat par le commerçant
détaillant.
Le §II-2 de l’article
9 du code de la TVA définit une règle de prorata générale. Cette
règle applicable au cours d’une année civile résulte des opérations de
l’année civile précédente même si l’exercice social de la société ne
coïncide pas avec celle-ci. Il ne peut donc être déterminé qu’au début
de l’année pendant laquelle il est utilisé. Concrètement, le prorata
à utiliser pour l’année 2002 pour la récupération des taxes grevant les
biens et services utilisés concurremment pour la réalisation
d’opérations soumises et exonérées acquises en 2002 est celui dégagé
début 2002 à partir des résultats de 2001, et ce, quelle que soit
l’importance de la variation des données en 2002. Pour les nouveaux
assujettis de droit ou sur option, le prorata est déterminé en
fonction des recettes prévisionnelles de leur première année d’activité
(article 9-II-2 du code de TVA). Le pourcentage théorique de déduction
ne s’applique que pour la période restant à courir de l’année de
démarrage ou de l’option.
La lecture de
l’article 9-II-1 laisse croire que la règle de prorata s’applique
à l’ensemble des déductions d’un assujetti partiel. Dans ce contexte, la
règle d’affectation qui trouve pleinement son application en se basant
sur le §I de l’article 9 du code de TVA se trouve mise en doute par le
§II-1 du même article. Cette situation est à l’origine de prises de
positions administratives contradictoires sur la question.
Dans certains cas,
l’illogisme est justifié par des raisons bien déterminées, mais lorsque
ce dernier n’a pas de raison d’être on parle de méandre à la logique
fiscale.
Sous-section 1 : Absence d’harmonie de traitement lors de la sortie
de l’assujettissement
L’article 2 du code
réglemente l’option à l’assujettissement à la TVA. C’est un acte
accompli par le contribuable d’une manière volontaire qui lui permet de
déduire et de collecter la TVA.
Les entreprises
nouvellement assujetties bénéficient d’un crédit de départ. Le bénéfice
du crédit de départ est accordé quelle que soit la source
d’approvisionnement c’est-à-dire que les achats aient été réalisés
auprès des assujettis ou non et qu’ils aient été réalisés en régime
local ou à l’importation. Le nouvel assujetti récupère la TVA donc à
l’instar des autres assujettis.
On sait déjà que le
non assujetti est traité différemment de l’assujetti par l’article 6 §I
alinéa 10 et le §II alinéa 2 qui dispose que :
«- pour les ventes
réalisées par les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée à des non
assujettis, la TVA est liquidée sur la base de la valeur ajoutée
indiquée au §I ci-dessus majorée de 25%.
- l’importation, la
valeur imposable est constituée, s’il s’agit d’une importation réalisée
par un non assujettis ou par les forfaitaires (BIC), par la valeur
déterminée au §I ci-dessus majorée de 25%. »
En analysant ces
textes, on constate que le statut non assujetti suppose la majoration de
25% (sauf exceptions édictées par la loi). De ce fait, et comme
l’abandon du régime d’assujetti rend le contribuable non assujetti, ce
dernier doit supporter la majoration comme s’il avait acquis ses achats
sous le statut non assujetti.
Cependant, la
législation n’a pas suivi la même démarche retenue lors de l’option à
l’assujettissement au moment de l’abandon de ce régime. En effet,
l’abandon de la qualité d’assujetti est subordonné aux trois conditions
suivantes : D’abord, le payement de la TVA sur la valeur des achats des
biens détenus en stock est effectué tous droits et taxes inclus, à
l’exclusion de la TVA, pour les biens acquis localement auprès des
assujettis. Ensuite, au payement de la TVA sur les biens importés
détenus en stock, la valeur à prendre en compte dans ce cas est celle
constituée par la valeur en douane tous droits et taxes compris, à
l’exclusion de la TVA majorée de 25%. Enfin, au versement d’une fraction
de la TVA ayant été récupérée initialement en ce qui concerne les biens
d’équipement et les bâtiments. Il fallait donc soumettre les stocks
d’origine locale au même régime que celui applicable aux stocks importés
soumis à la majoration de 25% afin de préserver une certaine logique
relative à l’option.
Il aurait fallu aussi,
fixer un régime pour les autres immobilisations incorporelles et les
terrains lors du reversement de la TVA.
Sous-section 2 : Les dérogations
Plusieurs dispositions
représentent des dérogations. On cite par exemple :
- L’acte anormal de
gestion,
- le régime accordé au
maïs et au jus d’ananas.
1. L’acte anormal de gestion
« L’acte anormal de
gestion est celui qui met une dépense ou une perte à la charge de
l’entreprise ou qui prive cette dernière d’une recette sans qu’il ne
soit justifié par les intérêts de l’exploitation commerciale. »
« En matière de TVA,
seules les recettes réelles peuvent être soumises à la TVA et il ne peut
être dû de TVA sur des recettes fictives. Ainsi, sauf exception, la
théorie de l’acte anormal de gestion ne s’applique pas au domaine de la
TVA ».
« Une dérogation qui
applique, néanmoins, la théorie de l’acte anormale de gestion à la TVA
est instituée par le dernier alinéa du §I-6 de l’article du code de la
TVA qui dispose que même en l’absence de lien de dépendance entre le
vendeur et le revendeur( à notre avis non assujetti ), l’assiette chez
le vendeur assujetti est constituée par le prix de vente du revendeur(
non assujetti), lorsque l’assujetti n’apporte pas la preuve qu’il agit
dans l’intérêt de son entreprise ».
2. Le régime d’imposition accordé aux
maïs et au jus d’ananas
Certains produits ont
des régimes spéciaux dérogatoires par rapport aux régimes accordés aux
produits similaires. Les exemples les plus étonnants sont les régimes
réservés aux maïs et au jus d’ananas.
Le maïs qui est un
produit agricole est normalement hors du champ d’application de la TVA
lorsqu’il est produit localement. Cependant, ce produit se trouve
imposable au taux de 6% d’après le §II-11 du tableau « B » sans
distinction entre produit local et importation.
Pour le jus d’ananas,
c’est un produit qui relève de l’activité industrielle. Alors que tous
les jus de fruits sont soumis au taux de 18%, le jus d’ananas est soumis
au taux de 29% d’après le tableau « C » (N° tarif de douane Ex : 20.09).
La question qui se
pose : quel est l’intérêt de ces dérogations qui paraissent sans apport?
Conclusion de la
première partie
Les
exemples énumérés ont permis d’illustrer l’existence de nombreuses
incohérences relatives au régime de la TVA. Outre ces incohérences de
forme et de fonds, de nombreuses dispositions fiscales constituent des
entorses aux principaux fondamentaux du droit fiscal.
Introduction
L’incohérence de
certaines dispositions peut constituer une entorse à certains principes
généraux du droit fiscal.
« Les principes
généraux du droit fiscal sont l’une des sources du droit fiscal. Il
s’agit de l’ensemble des règles non écrites qui s’imposent aux autorités
administratives tant qu’elles n’ont pas été contredites par une
disposition législative. ».
Parmi ces principes il
existe les grands principes à valeur constitutionnelle du droit fiscal
tel que : le principe de légalité de l’impôt, le principe d’égalité
devant l’impôt, le principe d’équité selon la faculté contributive, le
principe d’intelligibilité du droit…
L’empiètement des
principes généraux en matière de TVA génère des effets tant économiques
que juridiques.
Sur le plan
économique, les effets des atteintes à ces principes affectent
essentiellement la neutralité de la TVA. Cette dernière, qui constitue
le principe directeur de la TVA, a des conséquences majeures sur la
conjoncture économique du pays. Elle émane du non respect des deux
principes constitutionnels : l’égalité entre les contribuables et
l’équité selon la faculté contributive.
Sur le plan juridique,
il arrive qu’une disposition fiscale paraisse contraire à la
constitution ou qu’une nouvelle doctrine pose un problème de sécurité
juridique des contribuables.
Qu’elle pose un
problème d’équité ou d’égalité ou qu’elle pose un problème de sécurité,
la disposition constatée risque d’influencer négativement la
productivité économique et d’avoir effet nuisible sur la croissance.
Chapitre 1: Les entorses à la neutralité de la TVA
Le principe de
neutralité de la TVA fait partie des principes directeurs de la TVA.
La neutralité se définit comme étant la non modification des rapports
existants entre les différents éléments qui composent le milieu
économique.
Ce principe tire sa
propre justification d'autres principes de la TVA à savoir le principe
d'égalité devant l'impôt et le principe d'équité.
Sous-section 1 : Définition
Le principe d'égalité
impose que les personnes se livrant aux mêmes opérations soient traitées
de la même façon. En effet, le bénéfice d'une exonération ne doit pas
être accordé en fonction de la situation juridique de l'assujetti1.
Ce principe représente une importance particulière dans le domaine de la
TVA et en matière fiscale en général.
Dans une société
hétérogène et fortement imprégnée par les intérêts individuels
contradictoires, le principe d'égalité est fondamental.
Sous-section 2 : L'inégalité entre les contribuables
Entre proclamer
l'égalité devant l'impôt et la réaliser, il existe un grand fossé, «ce
principe ne saurait, cependant, être absolue».
Les entorses à ce principe affectent les contribuables qui se trouvent
dans la même situation juridique ainsi que ceux qui exercent la même
activité.
1- Les contribuables se trouvant dans la même situation juridique
Il arrive dans
certains cas, que deux contribuables se trouvant dans la même situation
juridique (assujettis, non assujettis…) soient traités d'une manière
différente lors de la réalisation d'une même opération. Dans ce cadre,
on peut citer quelques exemples de discrimination.
a.
Le
phénomène optionnel
Prenons comme exemple
le phénomène optionnel qui est doublement générateur d'inégalité. Dans
ce sens, deux contribuables se trouvant dans une même situation
juridique précisée par la loi fiscale pourraient se voir appliquer deux
régimes fiscaux distincts d'une part, et d'autre part il se pourrait
même qu'il n'y ait pas d'égalité entre les citoyens devant la faculté
d'opter .
Lorsque deux
contribuables ont les mêmes situations juridiques où l'un opte à
l'assujettissement et l'autre n'opte pas, l'égalité devant l'impôt sera
affectée du fait qu'ils sont traités par deux régimes fiscaux différents
bien que cela résulte de leurs choix.
La situation est
source de plus d’inégalité lorsque les contribuables doivent remplir
certaines conditions pour être éligible à l'option.
b.
Le
régime suspensif
Le régime suspensif
est une autre mesure discriminatoire qui méconnaît les impératifs du
principe d'égalité. La simple lecture de l'article 11 du code de TVA
n'engendre pas de problème d'inégalité mais son interprétation par
l'administration fiscale la provoque.
D'après l'article 11du
code: «les assujettis dont l'activité s'exerce à titre exclusif ou à
titre principal en vue de l'exportation ou de vente en suspension,
peuvent bénéficier du régime suspensif de la taxe sur la valeur ajoutée
pour leur acquisitions de biens et services donnant droit à la
déduction».
Lors de
l'interprétation de cette disposition, le BODI-Texte DGI n°88/374
précise qu' «il est entendu par vente à l'exportation ou en suspension à
titre principal, le fait pour une entreprise de réaliser au titre des
3 dernières années au moins 50% de son chiffre d'affaire à
l'exportation ou en suspension de taxe.».
Il s'ensuit que pour
les entreprises qui commencent leurs activités au cours d'une année
considérée, l'accord de l'administration au titre des opérations
d'exportations ou de vente en suspension réalisées au cours de cette
même année, ne peut être général. Dans ce cas, une décision partielle
d'achat en suspension peut être accordée lorsque l’entreprise est régie
par le code d’incitations aux investissements.
Dans le même sens «la
prise de position (318) du 31/5/2000 de, la direction générale du
Contrôle Fiscal précise que l'octroi du régime suspensif pour les achats
sur la base de l'article 11 du code de TVA pour les entreprises qui
justifient de l'exportation ou des ventes en suspension de plus de 50%
de leur chiffre d'affaire suppose cette condition remplie durant
l'exercice précédent.».
Selon la doctrine
administrative, les nouvelles entreprises ne peuvent pas bénéficier du
régime suspensif. Il en résulte qu'une nouvelle entreprise n'ayant pas
d'exercice précédent est dans l'impossibilité de prétendre au bénéfice
du régime suspensif de l'article 11 des entreprises assujetties qui
réalisent leurs ventes à l'exportation ou en suspension de TVA dés la
première année d'activité. Il est possible de s'interroger si la
doctrine administrative traduit fidèlement les objectifs économiques
visés par les dispositions de l'article 11 du code de la TVA d'autant
que cette doctrine ne semble pas coller à la lettre du texte1.
La
discrimination dans ce cadre se traduit par le traitement différent de
deux entreprises ayant le même statut juridique et effectuant des
activités semblables sans avoir la même ancienneté.
c.
L'abandon du régime d'assujettie :
L'abandon du régime
d'assujettie oblige le contribuable de reverser la TVA déjà déduite sur
les stocks des marchandises.
L'assiette de cette
TVA ne serait pas la même pour les stocks de biens acquis localement
auprès des assujettis que celle des stocks des biens importés. Alors que
la TVA de ces derniers est reversée avec majoration de 25%, celle des
premiers est reversée sans majoration. L'application de ce
régime privilégie ceux ayant abandonné l'assujettissement par rapport
aux autres non assujettis. Ces derniers, supportent la TVA sur les
intrants avec majoration de 25% qu'ils soient acquis localement, auprès
des assujettis, où importés (sauf les exceptions prévus par la loi).
2- Les contribuables qui exercent la même activité:
Il existe une autre
forme d'inégalité où des contribuables qui exercent la même activité
n'ont pas forcément la même situation juridique. Les exemples de cette
forme de discrimination sont nombreux.
a.
Les loyers :
L'incomplétude du N°30
du tableau "A" relatif à l'exonération des loyers est aussi source
d'incohérence affectant le principe d'égalité. Il en résulte une
discrimination entre propriétaire personne morale ou personne physique
assujettie à la TVA au titre d'une autre activité d'une part et d'autre
part personne physique non assujettie au titre d'une autre activité.
b.
Les forfaitaires:
La libération des
forfaitaires qui réalisent des bénéfices industriels et commerciaux de
la TVA, aux termes d'une disposition du code de IRPP et l'IS, les place
dans un statut imprécis. D'une part ces derniers exercent des activités
qui entrent dans le champ d'application de la TVA, et d'autre part ils
sont libérés de cette taxe. La situation des forfaits BIC les
différencie par apport aux autres contribuables qui exercent la même
activité et qui sont soumis au titres des dites activités.
c.
Les avantages fiscaux:
Le régime fiscal
privilégié en matière de TVA accordé par l'article 52 du Code
d'Incitation aux Investissements (CII) affecte l'égalité devant
l'impôt. Il arrive que deux personnes exercent la même activité alors
que l'une bénéficie de ce privilège et l'autre non. L'article 52 du CII
suppose un traitement individuel où l'avantage est accordé aux
personnes nommément désignées et non à tout demandeur.
d.
Le
régime d'imposition des importations
« Sauf exonération
expresse de la loi, la TVA est exigible dès lors qu'une marchandise ou
produit importé franchit la frontière».
L'importation des
biens implique donc l'application de la TVA même s'il existe des
produits similaires locaux non soumis tels que les produits agricoles
qui sont hors champ d'application de la TVA en régime intérieur.
L'imposition à
l'importation des produits agricoles comporte deux entorses aux
principes qui gouvernent la TVA : La première porte atteinte au principe
d'égalité puisque la commercialisation du même produit est soumise à
deux régimes d'imposition distincts; et la seconde entrave la liberté de
la concurrence internationale. Dans un univers de libre échange avec
l'union européenne (le premier producteur des produits agricoles), cette
dernière limite peut être une source de difficulté pour l'harmonisation
fiscale avec l'Europe.
Sous-section 1 : Définition
L'équité est la pierre
angulaire de tout l'édifice fiscal nécessaire à toute société moderne et
démocratique. Le principe d'équité fiscale est un principe
constitutionnel. L'article 16 de la constitution dispose que le paiement
de l'impôt et la contribution aux charges publiques, sur la base de
l'équité, constituent un devoir pour chaque personne. Ce principe
implique que la contribution commune doit être répartie de façon
équitable entre les contribuables en fonction de leurs facultés
contributives.
Sous-section 2 : Les atteintes au principe d'équité
A l'instar du principe
d'égalité, l'application du principe d'équité n'est pas absolue. Il
existe des dérogations qui portent atteintes à ce principe et qui sont
relatives à la TVA déductible, collectée ou reversée.
1. Iniquité relative à la TVA déductible :
a.
Les conditions de
récupération de la TVA pour les biens amortissables:
Pour la récupération
de la TVA grevant les biens amortissables, il faut tenir une
comptabilité régulière. Cette condition suscite une violation du
principe d'équité : les forfaitaires d'assiette peuvent récupérer la TVA
sur les biens et services par l'établissement d'un simple livre d'achat
sans tenir une comptabilité régulière, et ne peuvent pas le faire pour
les biens amortissables qui nécessitent la tenue d'une comptabilité
régulière.
Le régime accordé aux
forfaitaires d'assiette parait inéquitable. Le contribuable, dans ce
cas, renonce à son droit de déduction relatif à la TVA grevant les biens
amortissables pour échapper à l'obligation de tenir une comptabilité
régulière.
b.
La règle du prorata:
La règle de prorata
de déduction applicable à la TVA grevant les achats de biens, y compris
les investissements et les services, utilisés communément par les deux
secteurs de l'entreprise (soumis et non soumis) est dégagée d'après les
opérations réalisées au cours de l'année précédente ou d'après les
comptabilité prévisionnelle en cas d'entreprise nouvellement installée
ou nouvellement assujettie. Le calcul de cette règle qui est basé sur
les données de l'exercice précédent ou prévisionnel sera définitif et
non révisible. Toutefois, le §II de l'article 9 a prévu la
régularisation du prorata de déduction pour les biens amortissables dans
le cas où le pourcentage de déduction au cours de la dite année varie de
plus ou moins de 5%. Néanmoins, « régir un exercice de façon définitive
sur la base des données de l'activité de l'exercice précédent peut se
révéler inéquitable aussi bien pour le contribuable que pour le trésor
surtout lorsque la structure des activités varie fortement d'un exercice
à un autre » tel le cas de la promotion immobilière. «Aussi serait il
souhaitable que l'on introduise l'obligation de régularisation en fin
d'exercice pour tous les achats concernés par le prorata selon
les données réelles et définitives de l'exercice d'autant qu'une telle
régularisation, déjà appliquée aux immobilisations, ne présente aucune
difficulté technique.».
c.
La restitution du
crédit de TVA:
L'article 15 du code
de la TVA subordonne la restitution au respect de deux conditions :
D'une part, elle ne concerne que le crédit de taxe constaté pendant une
période de six mois; d'autre part, elle se fait dans la limite de 50% de
son montant avec paiement d'une avance de 15% de son montant global sans
vérification préalable. Toutefois, la restitution est totale si le
crédit de taxe provient des opérations d'exportation et de vente en
régime suspensif de TVA et de retenue à la source relative aux marchés
publics ainsi que lors de la cessation d'activité. Elle se fait à 75% du
montant de la taxe sur la valeur ajoutée si le crédit de TVA provient
des investissement de mise à niveau réalisés dans le cadre d’un
programme de mise à niveau approuvé par la comité de pilotage du
programme de mise à niveau.
La restitution du
crédit de la TVA est une autre source d'iniquité. En effet, les
conditions de bénéfice de ce droit (la restitution est un droit attribué
à chaque créditeur de TVA) dépendent de l'origine du crédit de la TVA
objet de la restitution.
La différence entre
les délais de restitution engendre une autre incohérence au niveau de
cette disposition. En effet, dans le but de fixer les procédures de
restitution, l'instruction de la Direction Générale de Contrôle Fiscale
"467" précise que la restitution du crédit de TVA provenant des
opérations d'exportation ou des services utilisés ou exploités hors de
Tunisie ou de vente en suspension et des retenues à la source sur les
marchés publics, est effectuée directement par l'intermédiaire du
receveur des finances sur la base de la demande visée par le chef du
centre de contrôle des impôts compétent. Quant au crédit de TVA ayant
d’autres origines la note commune N°11(BODI, Texte DGI n°99/24) fixe
deux étapes pour restituer 50% du crédit de TVA :
1ère
étape :
paiement d'une avance égale à 15% du montant du crédit sans contrôle
approfondi préalable.
2ème
étape :
paiement du reliquat du crédit après vérification approfondie. Pour la
restitution lors de la cession d'activité, le remboursement est précédé
d'un contrôle fiscal approfondi. L'administration fiscale n'est tenue
par aucun délai limite de réponse à la demande de restitution.
d.
Le gel de crédit de
TVA
La loi de finances
n°98-111 du 28/12/1998a prévu que : «Les entreprises qui dégagent un
crédit de TVA au 31/12/1998 ne provenant pas d'opérations d'exportation
et de vente en régime suspensif de la TVA, de retenue à la source
relative aux marchés publics ainsi que des opérations d'investissement
de création et de mise à niveau ont vu leur crédit au 3112/1998 gelé. Le
gel du crédit de TVA rend ce crédit non imputable sur la taxe collectée
à compter du 1er janvier 1999. ».
« Les entreprises qui
ne présentent pas de demande de remboursement de leur crédit au plus
tard le 30/6/1999 pour éviter un contrôle fiscal, renoncent
définitivement au dit crédit ce qui entraîne la déchéance du droit au
remboursement du crédit et la déchéance du droit de déduction de la TVA
due au titre de IR et de l’IS. ».
Cette disposition rend
le droit fiscal un droit confiscant. En effet le crédit de TVA est
similaire à un "effet commercial" établi entre le contribuable et l'Etat
où ce dernier est débiteur. Dans une situation pareille, le débiteur ne
peut pas annulé ou gelé l'effet. Normalement, l'Etat doit acquitter,
obligatoirement, la TVA objet du crédit. Par conséquent, le gel
représente une forme d'iniquité fiscale.
e.
L'exonération de
quelques importations
Seuls sont exonérés à
l'importation les produits exonérés par la loi de façon absolue et
générale ou, dans le cas le plus fréquent, par une disposition
spécifiant expressément l'exonération à l'importation lorsque
l'exonération de la TVA est définie par opération et non par produit1. « La
conséquence la plus dangereuse de l'exonération par disposition de la
loi est qu'elle favorise l'importation au détriment de la production
locale. En effet, un produit importé en exonération est un produit
totalement détaxé aussi bien dans le pays d'origine qu'en Tunisie alors
que le même produit fabriqué localement reste grevé de la TVA sur les
intrants non récupérables en raison de la seule exonération à la vente.
Cet inconvénient majeur devrait amener le législateur à réfléchir quant
à la validité même du régime d'exonération1 ».
2. Iniquité relative à la TVA collectée:
La discrimination
affecte aussi la TVA collectée sous plusieurs formes à savoir la
fixation des taux d’imposition, la TVA sur créances insolvables, la TVA
facturée à tort et la méthode de ventilation du chiffre d'affaire sur la
base des achats.
a.
La soumission des
produits artisanaux au taux de 6%
Le §III-2 du tableau
"B" soumet les produits de l'artisanat local au taux de 6%. L'atteinte à
l'équité est due à l'octroi d'un régime de faveur dérogatoire à une
catégorie professionnelle. Les artisans par exemple sont soumis pour la
totalité de leurs produits à la TVA au taux réduit de 6% au lieu du taux
de droit commun applicable aux mêmes produits fabriqués par les
industriels. C'est ainsi qu'un même produit est passible de deux taux de
TVA différents selon qu'il est fabriqué par un artisan ou par un
industriel (par exemple: un meuble fabriqué par un artisan est soumis à
la TVA au taux de 18% "soit trois fois le taux de 6%" lorsqu'il est
fabriqué par un industriel!).
b.
La TVA sur créances
insolvables:
En l'absence d'un
texte permettant la restitution de la TVA relative aux créances brûlées,
la doctrine administrative interdit la reprise de la TVA payée sur une
vente qui ne sera jamais encaissée en raison de l'insolvabilité du
client.
« Cette doctrine qui
semble trop sévère et inéquitable fait peser sur l'entreprise une
convention implicite de ducroire. Ainsi d'un simple collecteur de TVA,
l'assujetti se transforme en véritable redevable réel qui la supporte à
la place de son client défaillant »1. Cette doctrine
administrative est confirmée par le point 4 de l'article 12 du code de
l'IRPP et de l'IS qui dispose que les charges d'exploitation comprennent
: «Les provisions pour créances douteuses, y compris les impôts
indirects qu'elles ont subis, pour lesquels une action en justice est
engagée, les provisions pour dépréciation des stocks destinés à la vente
et pour dépréciation des actions cotées en bourse, et ce, dans la limite
30% du bénéfice imposable ».
« Mr Salah
AMAMOU apporte le commentaire suivant : « Ce défaut de récupération est
contraire au principe de neutralité de la TVA puisque l'assujetti prend
ici en charge la TVA qu'il a avancée et qu'il n'a pu récupérer auprès de
ses clients. Ainsi, non seulement l'entreprise avance sur sa propre
trésorerie la TVA collectée sur les ventes faites à crédit mais, en
plus, elle doit la TVA ainsi avancée en cas d'irrécouvrabilité de la
créance provenant de la vente1 ».
Enfin, le sort de la
TVA sur les créances insolvables constitue un traitement inéquitable du
contribuable lorsque ce dernier acquitte la TVA sur les débits
c'est-à-dire avant de l'avoir encaissé par rapport à un autre
contribuable qui acquitte la TVA sur les encaissements.
c.
Le régime de la TVA
facturée à tort
Les assujettis par
erreur, sont des personnes qui mentionnent, par erreur, la taxe sur la
valeur ajoutée sur les factures ou tout document, et ce du seul fait de
sa facturation même à tort.
D'après l'alinéa 2-§II
de l'article 2 du code de TVA «sont considérés comme assujettis et sont,
à ce titre, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes
physiques ou morales qui mentionnent la taxe sur la valeur ajoutée sur
leurs factures ou tout autre document en tenant lieu de ce, du seul fait
de sa facturation. Toutefois, ces personnes ne sont redevables que la
taxe ayant fait l'objet d'une mention ou d'une facturation».
D'abord, il parait
très important de définir le statut assujetti : c'est toute personne
physique ou morale dont l'activité ou les opérations entrent dans le
champ d'application de la TVA. En d'autres termes, celle-ci a le droit
de récupérer la TVA sur les intrants et doit la collecter sur les ventes
de manière qu'il ne supporte légalement que le paiement de la TVA
collectée sur autrui.
Ensuite, accorder la
qualité assujetti au titre d'une opération à quelqu'un qui ne bénéficie
pas de la déduction de la TVA parait inéquitable. Normalement, le
principe retenu pour rendre la TVA facturée à tort due devrait
permettre, à raison de cette facturation, un droit de récupération de la
TVA subie sur les achats.
d.
La méthode de
ventilation du chiffre d'affaire sur la base des achats pour les
commerçants détaillants
«Aux termes du §11 de
l'article 6 du code de la TVA les ventes réalisées par les commerçants
détaillants assujettis à la TVA sont ventilés par taux d'imposition
selon les règles suivantes:
-
Sur la base
du chiffre d'affaire mensuel provenant des ventes pour lesquelles des
factures ont été délivrées;
-
Sur la base
d'une assiette résultant de l'application du pourcentage au chiffre
d'affaire relatif aux ventes pour lesquelles il a été délivré des
factures globales. Ces pourcentages sont fixés sur la base des achats
soumis à chaque taux par rapport au montant global des achats mensuels».
Sur la base de ces
dispositions, la ventilation s'effectue, selon la note commune n°19/96
(Texte DGI 96/35), en appliquant au chiffre d'affaire mensuel, ayant
fait l'objet de facture globale, un coefficient résultant du rapport
suivant :
-
Au
numérateur : le montant hors TVA des achats du mois portant sur des
produits destinés à la revente en l'état soumis à l'un des taux de la
TVA.
-
Au
dénominateur : le montant total des achats de marchandises du même mois
hors TVA.
Ensuite, les ventes du
mois concerné ayant fait l'objet de facturation globale sont ventilées
en appliquant les différents coefficients dégagés à leur montant total.
«Le mode de
ventilation par taux retenu comporte deux insuffisances :
1.
La
répartition du chiffre d'affaire résiduel (factures globales) se fait
sur la base des achats totaux. Pour être cohérente, la méthode doit
répartir le chiffre d'affaires total duquel on déduit après répartition
les ventes des factures individuelles.
2.
Le critère
de répartition retenu, les achats du mois, considère que les ventes du
mois se répartissent selon les mêmes proportions que les achats du même
mois, ce qui n'est pas du tout évident.
La méthode est
d'autant plus critiquable qu'aucune régularisation n'est prévue sur
l'année. ».
Mr Raouf
YAICH propose que : « Le seul mode de répartition de répartition du
chiffre d'affaire total par taux, qui soit rationnel, est la répartition
selon la proportion des achats consommés
Achats consommés =
stock initial + achats- stock final, le tout ventilé par taux
d'imposition
Aussi, est-il
nécessaire que la réglementation soit rationalisée par l'institution
d'une régularisation annuelle basée sur la répartition par taux du coût
d'achat des marchandises vendues ».
3. Iniquité relative à la TVA reversée:
La TVA initialement
déduite sur les marchandises et les biens ainsi que les immobilisations
amortissables est reversée à la survenance de certains évènements
(disparition injustifiée, changement d'affectation d'un secteur
assujetti à un secteur non assujetti ou un emploi n'ouvrant droit à
déduction, perte ou abandon de la qualité d'assujetti…).
Aux termes du §IV-2 de
l'article 9 du code de la TVA, à la survenance de l'un des évènements
entraînants un reversement de la TVA, le montant à reverser est égal au
montant de la taxe déduite ou celle qui aurait du être payée et déduite,
diminuée d'un cinquième par année civile ou fraction d'année civile de
détention s'il s'agit de biens d'équipements ou de matériels, ou d'un
dixième par année civile ou fraction d'année civile de détention s'il
s'agit de bâtiment.
Par conséquent, la
régularisation implique des obligations pour l'entreprise qui l'opère
et, éventuellement, produit des conséquences sur l’entreprise qui reçoit
le bien objet de la régularisation1.
L'acquéreur peut donc,
s'il est assujetti, récupérer dans les conditions ordinaires la TVA
reversée par le cédant sous la condition que cette TVA est mentionnée
sur la facture de vente.
Le point 3 du §III de
l'article 9 dudit code dispose que : «Le montant de la taxe objet de la
régularisation doit être mentionné sur la facture de vente ou le
document d'apport et ce quelle que soit la valeur de cession du bien ou
de l'apport.». La lettre du texte n’est pas conforme à l'esprit
d'équité car, dans le cas où la TVA reversé par le vendeur de
l'immobilisation tient compte de son prorata de déduction, l'acheteur
acquiert un droit de déduction sur la base de la TVA effectivement
reversée et non pas sur la base d'un calcul de régularisation prenant
compte la TVA ayant grevé l'immobilisation lors de son acquisition par
le cédant.
Chapitre 2 : Les entorses à la sécurité juridique du contribuable
Le doyen CORNU note
que la sécurité juridique est «dans un sens abstrait, toute garantie,
tout système juridique de protection tendant à assurer, sans surprise,
la bonne exécution des obligations, à exclure ou au moins à réduire
l'incertitude dans la réalisation du droit».
La sécurité juridique
ne figure pas expressément parmi les principes généraux du droit fiscal.
Toutefois, l'ensemble de la doctrine reconnaît plusieurs principes
généreux du droit fiscal se rattachant à l'idée de la sécurité
juridique. Il s'agit du respect du principe de légalité et du principe
de l'intelligibilité des textes.
Sous-section 1 : Définition
Le principe de
légalité de l'impôt signifie que l'impôt est une matière réservée au
législateur. « Aux termes de l'article 34 de la constitution, sont pris
sous forme de lois les textes relatifs à l'assiette, aux taux et aux
procédures de recouvrement des impôts. Cette règle consacrant le
principe de consentement à l'impôt signifie que l'intervention du
législateur est nécessaire pour instituer, apporter une modification ou
supprimer une imposition ».
Le principe de
légalité n’est pas toujours strictement respecté par certains décrets
ou la doctrine administrative.
Sous-section 2 : les atteintes au principe de légalité
Les problèmes
d’atteinte à la légalité peuvent résulter des règlement ou de la
doctrine administrative.
1. Les atteintes ayant pour origine des décrets:
a.
La légalité des
conditions prévues par certains décrets:
Les décrets pris en
application des différents codes accordant l'avantage de la suspension
ou de l’exonération interdisent l'aliénation des équipements importés
bénéficiant du régime fiscal privilégié pendant 5 ans à partir de la
date d'importation. Pour assurer le respect de cette condition, les
décrets obligent l'entreprise concernée de souscrire, lors de chaque
importation, un engagement de ne pas céder, à titre onéreux ou gratuit,
les équipements importés bénéficiant du régime fiscal privilégié.
« Certes, la condition
ajoutée peut être justifiée par le souci d'éviter un détournement de
l'avantage fiscal »1, mais on peut se demander si une telle
disposition ne relève pas du pouvoir du législateur qui aurait dû
prévoir cette condition pour éviter tout détournement de l'avantage
accordé.
b.
La légalité de la
promulgation des décrets:
L'alinéa b du point 47
du tableau "A" annexé au code de la TVA pose un problème
d'inconstitutionnalité. Le texte d'habilitation législative a accordé au
Ministre des finances une délégation pour fixer la liste des matériels
et équipements destinés au nettoiement des villes, au ramassage et
traitement des ordures, aux travaux de voirie et à la protection de
l'environnement. Dans cet article, la loi a donné compétence au Ministre
des finances non seulement pour fixer la liste des matériels et
équipements bénéficiant de l'exonération mais également pour fixer les
conditions de son octroi. Cependant, il semble que l’on ait pris
conscience de l'inconstitutionnalité de l'acte de délégation. Les
règlements ont, par conséquent, été établis par décret n°91-626 du
10/04/1995 qui a été modifié successivement par le décret n°99-1164 du
24/05/1999 et le décret n°99-2230 du 04/10/1999).
Face à cette
situation, le problème posé est celui de la légalité desdits décrets. En
réalité, il s'agit de décrets illégaux mais conformes aux dispositions
de la constitution.
Bien entendu, ce point
reste d’un intérêt théorique puisqu’il s’agit d’une réglementation
intéressant les collectivités publiques.
2. Les atteintes ayant pour origine la doctrine administrative:
La spécifié du droit
fiscal, et notamment la TVA, « rend sa compréhension difficile aux
usagers et le besoin d'en expliquer les termes a conduit
l'administration fiscale à se faire pédagogue. Cette attitude de
l'administration s'explique par un souci d'information, mais traduit
aussi une préoccupation plus dominatrice d'imposer la signification des
dispositions fiscales qu'elle souhaite faire prévaloir au delà de cette
interprétation ».
a.
La promotion
immobilière:
A travers la note
commune n°19/2000 (voir CHA I), l'administration fiscale a débordé son
rôle simplement interprétatif pour exiger la TVA sur les ventes des
locaux à usage professionnel.
En effet, cette note
commune décide sous le régime des dispositions législatives promulguées
en 1988 (code de la TVA) que «les opérations de vente d'immeubles bâtis
à usage commercial, administratif ou professionnel effectuées par les
promoteurs immobiliers constituent des opérations commerciales autres
que les ventes et sont soumises à la TVA.». En contrepartie, une
interprétation stricte des termes du code aboutit à l'exclusion du
secteur de la promotion immobilière du champ d'application de la TVA. Il
en résulte, donc, que la note commune n°19/2000 est dépourvue, selon
certains auteurs, de toute base légale dans la mesure où l'article 1er
du code de TVA est explicite en ce qui concerne le non assujettissement
des ventes des locaux à la TVA (seule la vente des lots de terrain est
soumise).
Afin de valider la
nouvelle doctrine administrative, la loi de finances pour l'année 2001 a
prévu dans son article 63 que «Est ajouté au tableau "A" annexé au code
de la taxe sur la valeur ajoutée un numéro 50 ainsi libellé: la vente
des immeubles bâtis à usage exclusif d'habitation, réalisée par les
promoteurs immobiliers. ». Les dispositions de cet article valident
l’esprit de la doctrine administrative dans la mesure où les deux
démarches aboutissent à la non imposition au titre de la TVA les ventes
des locaux à usage d'habitation.
b.
La TVA du transport
international des marchandises:
En fixant le régime de
TVA applicable au transport international routier dont une partie est
réalisée en Tunisie, le BODI n°89/71 du 11 octobre 1989, a autorisé,
pour le transporteur qui exécute le service de transport pour le compte
d'un exportateur situé en Tunisie, depuis le domicile de ce dernier vers
l'étranger, l'exécution de ce service en suspension de la TVA selon une
attestation délivrée à l'exportateur par le centre du contrôle dont il
dépend.
Cette doctrine
administrative qui conditionne le régime suspensif à une autorisation
administrative est critiquable puisqu'elle a substitué implicitement le
critère du lieu d'exécution au lieu d'utilisation retenu par l'article 3
du code de la TVA, ce qui prive la dite doctrine de base légale,.
Sous-section 1 : Définition du principe
L'existence des textes
fiscaux clairs, explicites et respectueux des principes fondamentaux du
droit et des instructions administratives conformes aux textes
réglementaires et facilement accessibles pour tous, est de nature à
accroître le sentiment de sécurité et d'équité fiscale.
« Le professeur
Bernard PLAGNET soutient que l'impératif d'intelligibilité du droit est
un objectif à valeur constitutionnelle, il précise qu’il est essentiel
que le contribuable connaisse parfaitement ses droits ».
Sous-section 2 :L'imprécision des textes fiscaux
«En plus des
complications, qui résultent du caractère pléthorique de la légalisation
fiscale et ses subtilités, il existe une série d'autres complications
dont notamment l'imprécision de rédaction des textes fiscaux.».
Les imprécisions en matière de TVA proviennent de l'absence des
définitions des concepts, de la confusion terminologique et de
l'ambiguïté des méthodes de certaines règles d’arithmétique.
1. L'absence des définitions des concepts:
Certaines dispositions
législatives manquent de définitions des concepts. L'absence des
définitions concerne notamment les termes suivants: «Concentration»
(alinéa4 § IV de l'article 9); «Objet d'exploitation» (§I l'article 10);
« Les affaires résiliées ou annulées» (alinéa 5 § IV de l'article 9) ;
ainsi que «La territorialité des services» (alinéa 2 § I de l'article
3).
a.
La concentration:
D'après le § IV alinéa
4 de l'article 9 du code : «En cas de concentration, fusion ou
transformation de la forme juridique d'une entreprise, la taxe ou le
reliquat de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des biens et valeurs
ouvrant droit à déduction, est transféré sur la nouvelle entreprise.»
D'après ces termes, la
concentration, la fusion et la transformation de la forme juridique
d'une entreprise aboutissent à l'apparition d'une nouvelle entreprise.
En se référant au
droit fiscal, les notions de "fusion" et de "transformation de la forme
juridique" sont biens définis, tandis que la notion de concentration est
inconnue. Qu'est ce qu'on entend donc par concentration?
b.
Les affaires résiliées
ou annulées
Le concept des
affaires résiliées ou annulées manque de précision.
Qu'est ce qu'une
affaire résiliée?
L'inexistence d'une
définition concrète de ce concept pose un problème d'interprétation. En
effet, «Les dispositions relatives aux affaires résiliées ou annulées
sont insérées avec celles régissant la déduction (l'article 6 du code de
TVA). Ce classement de l'annulation de la TVA non collectée et non "collectable"
en raison de la résiliation ou de l'annulation de l'affaire parmi les
dispositions relatives à la déduction fait penser à une opération de
déduction alors que l'opération correspond à une reprise sur la TVA
collectée.».
En outre, pour
bénéficier de la reprise de la TVA relative aux affaires résiliées ou
annulées les assujettis doivent joindre à leur déclaration mensuelle un
état de ces affaires. « Néanmoins, cette obligation de forme a été
jusqu'à une date récente largement ignorée en pratique. »1.
D'ailleurs « aucun imprimé administratif n'a été conçu pour formaliser
l'état des affaires résiliées ou annulées. L'imprimé de la déclaration
de TVA ne rappelle nullement, du moins en renvoi, l'obligation de
joindre ledit état »1.
c.
Les voitures de
tourisme objet d'exploitation
La nécessité que
l’opération soit effectuée dans le cadre de l’objet de l’entreprise
(objet d'exploitation) est une condition essentielle permettant de
qualifier les opérations ouvrant droit à déduction en matière de TVA.
La notion « objet
d'exploitation » est la notion pivot du droit à déduction de la TVA, sa
définition a des conséquences importantes sur le droit à déduction des
opérateurs. Cependant, une définition claire de cette notion manque
cruellement en droit fiscal.
d.
La territorialité des
services :
« Les règles de
territorialité applicables à la TVA prennent une importance accrue dans
une économie mondialisée ».
Dans ce contexte, il est nécessaire de définir aussi simplement que
possible le lieu d'imposition.
La détermination du
lieu d'imposition des prestations de services suppose fréquemment de
rechercher dans quel le service est utilisé.
L'absence d'une telle
définition est un facteur de complication du régime d'imposition des
services exportés. L'administration précise qu’: «Il en découle que la
notion de territorialité en matière de TVA est étroitement liée non pas
au lieu où le service est rendu mais à celui où il est utilisé.» (Note
commune N°24 textes DGI N° 91/28).
Or certaines
interprétations administratives ont substitué le critère du lieu
d'exécution au critère de lieu d'utilisation édicté par l'article 3 du
code.
2. La confusion terminologique:
Le législateur utilise
souvent les appellations les plus diverses pour désigner des notions
différentes entraînant une certaine confusion du langage.
a.
"fait générateur" et
"date d'exigibilité"
Le fait générateur est
l'événement qui fait naître une créance au profit du fisc. A la date
d'exigibilité cette créance sera exigible.
L'identification et la
reconnaissance du fait générateur permettent de déterminer le régime de
taxation applicable à l'opération (taux et modalité de détermination de
l'assiette), ce qui est important notamment en cas de changement de
législation.
L'exigibilité
détermine, de sa part, le mois au titre duquel l'opération imposable
doit être déclarée.
La distinction entre
ces deux notions est confuse au sein du code, le §V - a de l'article 5
du code dispose que pour les travaux immobiliers:
« La constatation du
fait générateur ne peut être postérieure à la facturation totale.
L'établissement des décomptes provisoires, de mémoires ou factures
partielles rend exigible la taxe sur la valeur ajoutée». Cette
disposition concerne l'identification du fait générateur relatif aux
travaux immobiliers. Néanmoins le législateur s'autorise à utiliser le
terme "exigible".Certes, le législateur a visé par ce terme: «le fait
générateur» mais l'existence d'une confusion entre ces deux notions
risque de nuire l'intelligibilité des textes.
b.
La notion
d'exonération
Il arrive parfois que
la qualification "exonéré" soit employée dans un sens hors champ (voir
chapitre I, section 1er) ou encore à la place du régime
suspensif (voir chapitre I, section 1er). La confusion
relative à cette notion se trouve surtout à travers le tableau "A"
annexé au dit code.
3. L'ambiguïté des méthodes:
Outre l'absence des
définitions et la confusion terminologique, l'ambiguïté des méthodes
d’arithmétique constitue un obstacle lors de l’application des textes
fiscaux. Plusieurs dispositions édictées par le législateur prévoient
des méthodes de calcul de l'impôt ou de détermination de l'assiette qui
sont ni claires ni interprétées par l'administration fiscale.
Les exemples les plus
illustratifs de l'ambiguïté des méthodes d’arithmétique sont : la
conjugaison du droit de consommation, FODEC et TVA; les modalités de
répartition du crédit de TVA et la déduction de la TVA.
a.
La conjugaison de la
TVA, droit de consommation et FODEC[49]
Le FODEC est une taxe
qui se superpose à la TVA et vient d'augmenter le taux réel des
impositions indirectes. Néanmoins, cette taxe provoque une incertitude
au niveau de la détermination de l'assiette imposable.
Contrairement à la
définition de l'assiette de la TVA qui, aux termes de l'article 6 du
code de TVA, comprend le prix, à l'exclusion de la TVA et la définition
de l'assiette du droit de consommation qui, aux termes de l'article 4 de
la loi n° 88-62 du 2 juin 1988, est constitué par le prix de vente à
l'exclusion du droit de consommation et de la TVA, l'article 37 de la
loi de finances n°99-101 du 31 décembre 1999 définit l'assiette du FODEC
comme étant constitué par le chiffre d'affaire hors TVA, mais sans
préciser et hors FODEC.
L'incertitude relative
à la détermination de la base imposable au FODEC est probablement due au
fait que la législation n'a pas envisagée la question de savoir si la
taxe professionnelle est facturée à la clientèle ou supportée par
l'entreprise.
Le BODI n°2000/16
(Note commune n°14/2000) donne un exemple de calcul qui retient comme
assiette pour le FODEC le montant hors TVA sans préciser et hors FODEC
lui-même:
Soit une entreprise
industrielle qui fabrique exclusivement des machines à laver relevant de
la position tarifaire 84-50.
Supposons que cette
entreprise réalise au cours du mois de janvier 2000 un chiffre d'affaire
global hors TVA de 100.000 dinars dont 30.000 dinars provenant
d'opérations d'exportation.
*liquidation de la
taxe due par cette entreprise au profit du fond de développement de la
compétitivité industrielle :
Chiffre d'affaires
locales hors TVA × Taux. Soit :(100.000 D – 30.000 D) ×1% = 70.000 D ×1%
= 700 D
Liquidation de la TVA
: (70.000 D + 700 D) ×18% = 12.726 D
Le droit de
consommation est dû en régime intérieur sur la base du prix de ventes
tous frais, droits et taxes compris à l'exclusion du droit de
consommation et de la TVA c'est-à-dire FODEC compris.
Ainsi, pour un produit
soumis à la TVA au taux de 18%, un FODEC de 1% et un droit de
consommation au taux de 30%, on obtient les impositions suivantes :
Base hors de
toutes les taxes |
|
100.000 D |
Droit de
consommation de 30% assis sur le prix FODEC inclus |
|
30.391 D |
FODEC de 1%
assis sur le prix de droit de consommation inclus |
|
1.304 D |
Base de la TVA |
|
131.695 D |
TVA au taux
de 18% |
|
23.705 D |
Montant toutes
taxes comprises |
|
155.400 D |
Dans l'hypothèse où
l'on considère que le FODEC doit aussi être assis sur lui-même, la
taxation deviendrait la suivante :
Base hors de
toutes les taxes |
|
100.000 D |
Droit de
consommation de 30% |
|
30.395 D |
FODEC de 1% |
|
1.317 D |
Assiette de la
TVA |
|
131.712 D |
TVA au taux
de 18% |
|
23.708 D |
Montant toutes
taxes comprises |
|
155.420 D |
On remarque que le
montant de la TVA résultant des deux méthodes n'est pas le même bien que
cette différence soit faible.
b.
La déduction de la TVA
L'article 57 de la loi
de finances pour la gestion 1999 a ouvert la possibilité d'opter pour
l'assujettissement à la TVA aux personnes qui approvisionnent des
assujettis en produits et services exonérés. Cette nouvelle mesure ne
manque pas d'incertitude quoiqu'elle constitue un pas en faveur des
contribuables.
Dans le cas d’une
option partielle pour l’assujettissement d’un produit exonéré, le
caractère imposable de l’opération ne sera connu que lorsque la qualité
de l’acquéreur aura été connue au moment de la vente à un assujetti pour
procéder à la déduction. Lorsqu’on attend la date de la vente pour
savoir s’il convient de récupérer, la limite du délai de reprise
s’applique t-elle à ce cas ? Une réponse affirmative est inéquitable.
Une réponse négative risque de buter à l’intransigeance des textes !
c.
Les modalités de
répartitions du crédit de TVA
Aux termes du §I de
l'article 15 du code de TVA, lorsque la TVA déductible ne peut être
entièrement imputée sur la TVA collectée, la fraction non précomptée
peut être remboursée sur demande déposée au centre de contrôle des
impôts compétent appuyée des justifications nécessaire.
La doctrine
administrative a bien déterminé les procédures de restitution, mais elle
n'a donné aucune règle de répartition de ce crédit. Comment distinguer,
donc, le montant de crédit de chaque catégorie édictée par cet article?
(La retenue à la source, l'exportation, la vente en suspension, et le
crédit restituable à 50% ou à 75%).
A partir de cette
étude, on constate que certaines incohérences existent entre les
dispositions qui régissent la TVA. Ces incohérences ont trait au corps
qu’à l’esprit des textes. Elles sont dans le plupart des cas, le
résultat d’une absence d’harmonisation entre des textes promulgués à
différentes dates et de l’absence des revendications notamment des
organisations représentatives des entreprises.
D’autres incohérences
ont pour origine des entorses aux principes généraux du droit fiscal.
Elles peuvent affecter la neutralité de la TVA d’une part et la sécurité
juridique des contribuables d’autre part. le manquement à la neutralité
peut entraver la qualité de la concurrence et influencer négativement
les décisions des contribuables. La persistance de ces incohérences ne
résulte pas d’une simple inattention du législateur. Elle traduit la
priorité donnée au pragmatisme fiscal sur le respect des principes
théoriques.
Finalement, il est
utile de s’interroger si ces incohérences sont limitées aux dispositions
régissant la TVA ou si elles concernent l’ensemble du système fiscal
tunisien. D’autres recherches pourraient suivre la même démarche pour
soumettre à l’analyse des textes régissant les autres branches du droit
fiscal tunisien.
Ouvrages tunisiens :
§
Habib AYADI, «
Droit fiscal », CERP, Tunis, 1989.
§
Habib AYADI,
« Droit fiscal : taxe sur la valeur ajoutée, droit de consommation et
contentieux fiscal », CERP, Tunis, 1996.
§
Leïla
CHIKHAOUI, « Pour une stratégie de la réforme fiscale », Centre de
Recherche et d’Etudes Administratives, Tunis.
§
Mohamed
Mokded Mastouri, « Droit fiscal de l'entreprise », Editions CLE, 1ère
édition, Tunis, 2000.
§
Raouf Yaïch,
« Fiscal 2002 », éditions Raouf YAÏCH, Sfax, 2002.
§
Raouf Yaïch, « Théorie
fiscale », éditions Raouf YAÏCH, Sfax, 2002.
§
Raouf Yaïch,
« Les impôts en Tunisie : les taxes assises sur le chiffre.
d’affaires », éditions Raouf YAÏCH, Sfax, 2001.
Ouvrages étrangers
§
Frederic
DOUET, « Contribution à l’étude de la sécurité juridique en droit fiscal
interne français », éditions LGDJ, Paris, 1997.
§
Jean
Baptiste GEFFROY, « Grands problèmes fiscaux contemporains », éditions
Presses Universitaires de France, 1ère Edition, Paris, 1993.
§
Philippe
MARCHESSOU, « L’interprétation des textes fiscaux », éditions Economica,
Paris, 1980.
§
Philippe
LOSAPPIO, « Essai sur les difficultés d’application du droit fiscal
français : la vraisemblance et l’équité », L.G.D.J.
§
Bernard
PLAGNET, « La TVA », Paris, 1990, page 54.
Mémoires
§
Sawsen
JAMMOUSSI, « Les décrets en matière fiscale » : Mémoire en DEA en droit
public et financier, Fac. de Droit de Sfax, 2000.
§
Khaled Krid,
« Les exonérations en matière de taxe sur la valeur ajoutée »: mémoire
de DEA en droit des affaires, Fac. De Droit de Sfax, 1998.
Articles et revues
§
Najla
Abddayem, « La TVA sur la promotion immobilière », article en cours de
publication, 2002.
§
Néji
BACCOUCHE, «Le nouveau code de la TVA tunisienne », Revue Etudes
Juridiques, Fac. de Droit de Sfax, n° 1, 1991.
§
Michel
GUICHARD, « "L’esprit des lois" communautaires en matière de TVA : Du
principe de neutralité », Revue de Droit Fiscal, n° 36, 2001.
§
G.MORANGE,
« L'exercice du pouvoir réglementaire en matière fiscale », R.S.L.F,
1953.
§
Conseil des
impôts, « La taxe sur la valeur ajoutée : 19e rapport du conseil des
impôts », Revue de Droit Fiscal, n° 29, 2000
Adresses Internet
NOTES COMMUNES