Taxes assises sur le chiffre d'affaires
Chapitre 1 :
Présentation générale du système de taxation du chiffre
d’affaire en Tunisie
(Version 2006)
Sommaire :
§ 1. Les
différentes impositions sur la consommation
§ 2. Mécanismes des
taxes sur le chiffre d’affaires
§ 3. Typologie des
taxes assises sur le chiffre d’affaires
§ 4. Définitions de
certains termes clefs
Le chiffre d’affaires
constitue la principale base d’imposition dans le système fiscal tunisien.
En plus des taxes indirectes, le chiffre d’affaires sert de base aux
impositions parafiscales mais aussi aux impôts locaux pour les activités
commerciales, libérales et touristiques, à la détermination du bénéfice
imposable selon le régime du forfait d’assiette pour les professions libérales
et les revenus fonciers. Il sert aussi de base de détermination de l’impôt dû
pour les entreprises déficitaires soumises au minimum d’impôt et la
détermination du forfait BIC en plus des
retenues à la source au titre de l’impôt sur les revenus et de l’impôt sur les
sociétés et, bien entendu, la TVA.
Parmi les impositions sur le chiffre d’affaires, la TVA représente la
part du lion.
La taxe sur la valeur ajoutée tunisienne présente la particularité de se
cumuler avec les taxes parafiscales et, pour un certain nombre de produits,
avec le droit de consommation.
Cette superposition de taxes indirectes fait du système des taxes sur le
chiffre d’affaires en Tunisie un système à plusieurs composantes avec des
applications en cascade.
Simple en apparence avec un code composé uniquement de 17 articles, la
TVA tunisienne comporte des volets complexes qui suscitent des incertitudes
difficiles à arbitrer.
§ 1. Les différentes impositions sur
la consommation
L’examen de la structure des recettes fiscales tunisiennes montre que
les prélèvements fiscaux sont essentiellement déterminés sur la base du chiffre
d’affaires.
Outre les droits de douanes, les impositions indirectes sur la
consommation se composent essentiellement de la TVA, du droit de consommation
et des taxes de compétitivité.
La TVA est un impôt général sur la dépense. Elle constitue la principale
imposition du système fiscal tunisien avec des recettes s’élevant à 2,388
milliards de dinars représentant 31% du total des recettes fiscales
prévisionnelles de l’Etat pour l’année budgétaire 2005.
Le droit de consommation est un impôt perçu, sauf régimes spéciaux, aux
stades de l’importation et de la production pour certains produits fixés
limitativement. L’imposition au droit de consommation relève fortement le poids
des impôts indirects puisque la TVA est assise sur une base incluant le droit
de consommation. Le droit de consommation constitue la troisième source fiscale
de l’Etat avec un montant prévisionnel pour l’année 2004 de 1,266 milliards de
dinars représentant 17% du total des recettes fiscales de l’Etat.
Exemple : Soit un produit soumis au droit de consommation au taux de
30% et à la TVA au taux de 18%, le calcul des impositions s’établit comme suit
:
Base hors taxes |
100 |
Droit de consommation
|
30 |
Assiette de la TVA |
130 |
TVA 18% |
23,400 |
Montant TTC |
153,400 |
Les taxes de compétitivité dites aussi taxes professionnelles sont instituées
dans un but d’ordre économique et professionnel au profit de personnes morales
de droit public autres que l’Etat : les fonds de compétitivité. Elles servent
essentiellement au financement du programme de mise à niveau. Elles font partie
de l’assiette soumise à la TVA.
Exemple : Soit un produit soumis au FODEC au taux de 1% et à la TVA
au taux de 18% :
Base hors taxes |
100 |
FODEC 1% |
1 |
Assiette de la TVA |
101 |
TVA 18% |
18,180 |
Montant TTC |
119,180 |
§ 2. Mécanismes des taxes sur le
chiffre d’affaires
Alors que les taxes parafiscales perçues aux seuls stades de la production
et de l’importation sont dues selon un mécanisme de cascade (sans déduction),
la TVA et (dans une moindre mesure) le droit de consommation fonctionnent selon
le mécanisme des paiements fractionnés entraînant la collecte (en aval) et la
déduction (de l’amont) :
- La collecte consiste dans la taxation du prix
de vente lors de la réalisation du fait générateur ; la taxe ainsi ajoutée au
prix du produit vendu est collectée pour le compte de l’Etat. Par conséquent,
elle ne fait pas partie des produits de l’entreprise au sens comptable.
- La déduction consiste à considérer les taxes
incluses dans le prix des achats de biens et services comme une avance faite au
trésor qui doit être imputée sur le montant de la taxe collectée ; les taxes
ainsi déductibles ne font pas partie des coûts réels de l’entreprise.
Ces mécanismes font que l’entreprise assujettie tient un compte courant
ouvert au nom de l’Etat. Ce compte reçoit à son crédit les taxes collectées et
à son débit les taxes avancées aux fournisseurs dites récupérables ou ayant
fait l’objet d’une retenue à la source par les clients. Mensuellement, le solde
de ce compte est arrêté : lorsqu’il est créditeur, l’entreprise verse le solde
au trésor au comptant ; lorsqu’il est
débiteur, le solde est reporté. Néanmoins, la TVA peut, à certaines conditions,
être restituée partiellement ou totalement.
§ 3. Typologie des taxes assises sur
le chiffre d’affaires
Le système de taxation assise sur le chiffre d’affaires repose sur
plusieurs impositions qui peuvent se superposer selon les produits :
1) La TVA qui est un impôt à étendue très large.
2) Le droit de consommation qui est un impôt
additionnel pour un nombre réduit de produits aux stades de la fabrication et
de l’importation et exceptionnellement au stade de la distribution.
3) Les taxes professionnelles, diversifiées et
spécifiques, dues aux stades de la production, de l’importation, sur les
activités hôtelières et sur les produits agricoles sont à large étendue.
Ces différentes taxes, qui peuvent suivre des mécanismes proches,
connaissent un cloisonnement total.
Cinq traits caractéristiques distinguent les différentes taxations
assises sur le chiffre d’affaires :
1) L’imposition au droit de consommation suppose
l’imposition à la TVA alors que l’inverse n’est pas vrai. En effet, le champ
d’application de la TVA est très large alors que le droit de consommation
frappe un nombre réduit de produits soumis à la TVA aux différents taux.
2) Le droit de consommation est assis sur le prix hors
TVA et hors droit de consommation en régime intérieur, la TVA est assise sur le
prix hors TVA mais droit de consommation et taxe professionnelle inclus alors
que les taxes parafiscales sont assises sur le prix hors TVA.
3) Le droit de consommation (sauf exceptions) et la
taxe professionnelle ne frappent les produits qu’au stade de la fabrication ou
de l’importation. Par conséquent, les produits échappent à l’imposition au
droit de consommation (sauf exceptions) et à la taxe professionnelle au stade
du commerce intérieur (de gros et de détail) et ce, même si le commerçant a la
qualité d’assujetti à la TVA obligatoire ou par option.
4) La récupération du droit de consommation subi sur
les achats auprès d’assujettis est beaucoup plus restrictive que la
récupération de la TVA qui est quasi-générale.
5) La taxe professionnelle subie sur les intrants n’est
pas récupérable et suit un mécanisme de collecte en cascade.
Après avoir défini certains termes clefs, seront étudiés les impôts et
taxes suivants ayant pour caractéristique commune d’être assis sur le chiffre
d’affaires, même si l’assiette diffère d’une taxe à une autre :
- La taxe sur la valeur ajoutée ;
- Le droit de consommation ;
- Les taxes professionnelles de compétitivité ;
- Les taxes locales.
§ 4. Définitions de certains termes
clefs
Assujetti : Personne physique ou morale dont l’activité ou les
opérations entrent dans le champ d’application de la TVA. Un assujetti peut
avoir une activité ou réaliser des opérations taxables et/ou exonérées de TVA. Lorsqu’un assujetti
réalise à la fois des opérations taxables et des opérations exonérées ou se
situant hors du champ d’application de la TVA, il est dit assujetti partiel.
Assujetti partiel : Personne physique ou morale dont une partie uniquement de
l’activité ou des opérations entre dans le champ d’application de la TVA alors
que l’autre partie de l’activité ou des opérations se situe hors du champ
d’application de la TVA ou est exonérée de TVA. Un assujetti partiel organise
généralement ses comptes au regard de la TVA en trois secteurs : le secteur
assujetti, le secteur non assujetti et le secteur commun.
Redevable de la TVA : Personne se trouvant dans le champ d’application de la TVA
et qui en supporte légalement le paiement effectif.
Champ d’application de la TVA : Le champ d’application désigne les
domaines d’assujettissement à la TVA c’est-à-dire les produits, prestations,
opérations et leurs stades d’imposition.
Le champ d’application de la TVA fait l’objet du chapitre premier du
code de la TVA qui traite des opérations imposables et des assujettis.
Le champ d’application de la TVA regroupe les opérations imposables par
nature, les opérations imposables par détermination de la loi et les opérations
imposées par option.
Collecte de la TVA : Il s’agit de la TVA facturée aux clients sur les ventes et
prestations de l’entreprise.
Distinction entre assujetti, redevable et contribuable : L’acception de redevable de la TVA
diffère de celle d’assujetti. En effet, un assujetti, bien qu’effectuant des
opérations qui se situent dans le champ d’application de la TVA, peut n’être
redevable d’aucune TVA si ses ventes sont composées intégralement de produits
ou opérations exonérés alors qu’un non assujetti qui facture la TVA, par
erreur, est redevable de cette TVA, bien qu’il ne soit pas assujetti ([1]).
Néanmoins, sauf le cas de la facturation de la TVA par erreur par un non
assujetti, l’acception d’assujetti est plus large que celle de redevable.
Déduction de la TVA : La TVA repose sur un principe fondamental selon lequel la
taxe qui a grevé les éléments du prix de revient d’une opération taxable vient
en déduction de celle exigible au titre de cette opération.
La déduction des taxes sur les achats de biens et services s’effectue
globalement pour l’ensemble des opérations réalisées au cours d’une même
période d’imposition.
Prorata de déduction : Un assujetti partiel dispose du droit de récupérer
la TVA grevant les éléments utilisés par le secteur assujetti : opérations
taxables et assimilées (exportations et ventes en suspension) alors que les
éléments utilisés pour les besoins du secteur non assujetti n’ouvrent droit à
aucune déduction.
Les éléments utilisés par les deux secteurs en commun ainsi que les
éléments dont la destination ne peut être déterminée par secteur ne donnent
droit à déduction qu’à concurrence du pourcentage des recettes soumises à la
TVA et des opérations assimilées sur le total des recettes de l’entreprise. Ce
pourcentage est dit prorata de déduction.
Fait générateur : Le fait générateur est l’événement qui fait naître une
créance fiscale au profit du trésor. Il peut coïncider ou non avec la date
d’exigibilité de la TVA.
Lorsque la date d’exigibilité est dissociée de celle du fait générateur,
la date du fait générateur est toujours antérieure à la date d’exigibilité.
La notion de fait générateur est utile pour déterminer, en cas de
changement de législation (taux ou assiette notamment), le régime applicable.
Date d’exigibilité : L’exigibilité correspond à la date à partir de laquelle le
fisc est en droit de réclamer le montant d’un impôt ou d’une taxe auprès du
redevable.
En matière de TVA, la TVA due sur les opérations dont le montant est
égal ou supérieur à 1000 D TTC conclues avec l’Etat, les collectivités
publiques locales, les entreprises et les établissements publics ne devient
exigible que lors de l’encaissement alors que son fait générateur est
constitué, selon le cas, par la livraison ou par la réalisation des services ou
des travaux.
Ainsi, alors que le fait générateur se confond avec l’exigibilité pour
les opérations autres que celles conclues avec l’Etat, les collectivités,
entreprises et établissements publics, les deux notions ne se confondent pas
nécessairement dans le cas où la TVA est exigible à l’encaissement sur les
opérations dont le montant est égal ou supérieur à 1000 D TTC conclues avec
l'Etat et organismes assimilés. Dans ce dernier cas, sauf paiement au comptant
ou avance sur marché, la date d’exigibilité à l’encaissement est toujours
postérieure à la date du fait générateur.
Exonération : L’exonération est l’exemption ou la dispense de TVA. Il
existe deux types d’exonération :
1) l’exonération de droit commun qui prive du droit à
déduction,
2) et l’exonération à l’export qui est assimilée à une
opération taxée et préserve le droit à déduction et permet même la restitution totale
et accélérée du crédit de taxe.
Régime suspensif : Régime permettant le report de l’exigibilité de la TVA
suspendue. Ce régime qui s’applique sur la base d’autorisation administrative
n’entraîne pas de limitations quant à l’exercice du droit à déduction pour
l’assujetti qui vend en suspension de taxe.
Livraison à soi-même : Terme désignant en matière de TVA, l’opération par
laquelle un assujetti obtient, seul ou avec le concours d’un tiers, un bien, à
partir d’éléments ou de moyens lui appartenant.
Sont à ce titre soumises à la TVA :
1) Les livraisons à soi-même d’immobilisations
corporelles par les assujettis (partiels ou totaux) abstraction faite du
caractère récupérable ou non récupérable de la TVA collectée sur
l’immobilisation livrée à soi-même.
2) Les livraisons de biens autres que les
immobilisations corporelles que les assujettis se font à eux mêmes pour
leurs propres besoins ou ceux de leurs diverses exploitations, dans la mesure
où ces biens ne concourent pas à la réalisation d’opérations passibles de la
taxe sur la valeur ajoutée et qu’ils ne sont pas admis au bénéfice du droit à
déduction, ce qui exclut du régime des livraisons à soi-même les biens autres
que les immobilisations corporelles qu’un assujetti se livre à lui-même dans la
mesure où ces biens concourent à la réalisation d’opérations taxables et
ouvrent droit à déduction.
Seules les livraisons à soi-même de biens autres qu’immobilisations
corporelles sont passibles de TVA ; ce qui exclut les prestations de services
livrées à soi-même de toute imposition.
Rémanence fiscale : Le Petit Robert définit la rémanence comme étant la
persistance partielle d’un phénomène après disparition de sa cause.
Au sens fiscal, la rémanence signifie la persistance d’une taxe qui
aurait dû être éliminée du coût d’un produit et qui, de ce fait, entraîne le
maintien d’une taxe qui n’aurait pas dû l’être ou l’accumulation en cascade de
la même taxe dans le même produit.