Taxes assises sur le chiffre d'affaires
Chapitre 2 :
Principales caractéristiques et mécanisme général de la
TVA
(Version 2006)
Sommaire :
Section 1. La
TVA est un impôt indirect, global et ayant le plus grand rendement
§ 1. La TVA est le
principal impôt indirect sur la consommation
§ 2. La TVA est un
impôt global
Section 2. La TVA est
un impôt proportionnel payé selon le mécanisme des paiements fractionnés
§ 1. Mécanisme général
de la TVA
§ 2. Description du
mécanisme des paiements fractionnés
§ 3. Avantages du
système des paiements fractionnés
Section 3. La TVA est
un impôt territorial
Section 4. La TVA est
un impôt réel
Section 5. La TVA, un
impôt conceptuellement neutre
§ 1. La neutralité
vis-à-vis des circuits
§ 2. La neutralité
vis-à-vis des personnes
§ 3. La neutralité
vis-à-vis des produits
Section 6. Nature de la
TVA dans les rapports contractuels
Section 7. Codification
de la TVA
Section 8. La TVA
devrait-elle être un impôt unique ?
La TVA est un impôt indirect,
global et ayant le plus grand rendement. Elle frappe la valeur ajoutée au fur
et à mesure de sa formation, elle est de ce fait perçue selon un mécanisme de
paiements fractionnés. Le mécanisme général de la TVA fait que chaque
entreprise agit sur ordre et pour le compte de l’Etat et se trouve collecteur
d’impôt en aval de son activité tout en subissant la collecte des impôts par
ses fournisseurs en amont et, éventuellement, la retenue à la source de la TVA
par ses clients. L’imposition à la TVA implique la tenue d’une comptabilité
régulière et fiable et l’imposition à l’impôt sur le revenu des personnes
physiques selon le régime réel pour la catégorie des BIC ou à l’impôt sur les
sociétés.
En revanche, les professions libérales soumises dans la catégorie des
BNC (Bénéfices Non Commerciaux) sont soumises à la TVA selon le régime réel
même en cas d'option pour l'imposition selon le régime dit du forfait
d’assiette. Il en est de même des loyers qui peuvent être soumis à la TVA selon
le régime réel même en cas d'option pour le forfait d'assiette.
La dissociation du régime de TVA et de l'impôt sur le revenu pour les
BNC et les RF illustre la règle selon laquelle l'imposition à la TVA s'applique
abstraction faite de la situation vis-à-vis des autres impôts.
Enfin, la TVA qui est un impôt réel et territorial doit être
conceptuellement neutre.
Section 1. La TVA est un
impôt indirect, global et ayant le plus grand rendement
§ 1. La TVA est le principal impôt
indirect sur la consommation
Elle est répercutée par l’assujetti sur son client et se trouve de ce
fait incorporée dans le prix de vente des produits et services.
Dans le mécanisme de la collecte de la TVA, le vendeur agit du moins,
selon une analyse sommaire, comme un simple collecteur d’impôt. L’assujetti
agit en vertu de la loi fiscale sur ordre et pour le compte de l’Etat.
En réalité, s’il est rare que l’assujetti agissant au profit de l’Etat
tire un avantage de la collecte, il en subit même le plus souvent une charge.
Au nombre de ces charges et coûts cachés supportés par les assujettis, il est
possible de citer :
- le coût administratif de la gestion de la TVA ;
- le coût de trésorerie lorsque la TVA est reversée à
l’Etat avant sa collecte ou en cas de crédit ;
- la TVA versée sur une créance qui se révèle
insolvable, par la suite, ne peut être ni reprise ni récupérée.
De ce fait, la gestion de la TVA et les risques qui lui sont associés
augmentent le coût des transactions.
Mais de tous les inconvénients potentiels de la TVA, l’inconvénient le
plus dangereux est son impact sur la qualité de la concurrence. En effet,
lorsque la TVA s’applique à un secteur où les activités informelles sont
importantes, les biais de droit (régime du forfait par exemple) ([1]) ou de fait (fraude fiscale réelle
c’est-à-dire échappant à la répression fiscale) perturbent le fonctionnement du
marché. Le dysfonctionnement ainsi provoqué par la TVA est proportionnel à
l’importance du taux d’imposition qui agit en rente du fraudeur.
§ 2. La TVA est un impôt global
Dans le sens où elle frappe, sauf exception, l’ensemble des biens et services
vendus en Tunisie quel que soit leur origine : produits tunisiens ou importés.
En revanche, les produits exportés sont exonérés de TVA en Tunisie. Ils
supportent, en principe, la TVA du pays destinataire de l’exportation
tunisienne selon le principe dit de la compensation à la frontière qui exonère
les exportations et impose les importations.
De même, l’entreprise établit son décompte de TVA et liquide sa
situation au regard du fisc de façon globale prenant en compte l’ensemble des
opérations réalisées et non de façon détaillée opération par opération ou
produit par produit.
Le rendement de la TVA place cette taxe en tête des impôts et taxes dans
la nomenclature du système fiscal tunisien.
Avec un rendement annuel de 2,388 milliards de dinars (budget 2005), la
TVA représente à elle seule 31% des recettes fiscales de l’Etat. De même, un
point de TVA rapporterait environ 130 millions de dinars par année budgétaire,
ce qui représente dans le contexte tunisien un très haut rendement fiscal.
Section 2. La TVA est un
impôt proportionnel payé selon le mécanisme des paiements fractionnés
§ 1. Mécanisme général de la TVA
La TVA due par chaque assujetti est déterminée en faisant la différence
entre :
+ La TVA facturée sur les ventes (en aval)
(-) La TVA subie sur les achats (en amont)
= TVA due
Lorsque la TVA récupérable est supérieure à la TVA collectée (facturée),
la position de l’assujetti se trouve en crédit de TVA. Le crédit de TVA d’un
mois est déduit de la TVA collectée du mois suivant, et ainsi de suite d’un
mois à un autre.
La TVA collectée correspond à la TVA sur les ventes aux clients et la
TVA sur les livraisons à soi-même taxables.
La TVA récupérable comprend toutes les TVA facturées par les
fournisseurs assujettis sur l’ensemble des achats de biens, services et
investissements effectués par l’entreprise et rentrant dans son exploitation
ainsi que la TVA sur livraison à soi-même d’immobilisations corporelles.
Néanmoins, la TVA grevant certains biens et services est exclue expressément du
droit à déduction.
§ 2. Description du mécanisme des
paiements fractionnés
À chaque stade de valeur, l’assujetti :
- récupère la TVA subie sur l’ensemble de ses consommations,
- soumet le prix de vente à la TVA,
et ainsi de suite d’un assujetti au suivant dans le circuit économique
jusqu’au consommateur final.
La différence entre la TVA récupérée et la TVA collectée sur les ventes
correspond à la valeur créée ou ajoutée par l’entreprise multipliée par le taux
d’imposition à la TVA.
Ce système de paiement fractionné, où chaque intervenant dans le circuit
ne paie la TVA que sur la fraction de valeur qu’il a créée, aboutit à ce que la
TVA représente toujours le même pourcentage du prix de vente quel que soit le
nombre d’assujettis intervenant dans le circuit du produit vendu.
Ce système se différencie :
- du système à cascade où la taxe est supportée de
nouveau à chaque stade du circuit ;
- du système de paiement au seul stade de la
distribution qui place les stades antérieurs à la distribution en dehors du
champ d’application de la taxe.
§ 3. Avantages du système des
paiements fractionnés
Le paiement fractionné procure les avantages suivants :
(1) Il est un pilier de la neutralité
économique de la TVA vis à vis des circuits. Ainsi, aucune rémanence n’est
supportée par le produit quel que soit le circuit qu’il emprunte jusqu’au
consommateur final pourvu que ce circuit soit constitué exclusivement
d’assujettis à la TVA ;
(2) Il permet la détaxe effective des
produits exportés ;
(3) Il égalise la charge fiscale de TVA
sur les produits importés ;
(4) Il réduit la fraude fiscale en
enchaînant les uns aux autres puisque la collecte de l’un représente une
déduction pour l’autre.
Section 3. La TVA est un
impôt territorial
La TVA est impôt général sur la consommation qui s’applique aux
livraisons de biens faites en Tunisie, aux services utilisés en Tunisie et au
droit cédé ou objet loué exploités en Tunisie.
Les opérations d’exportation sont par conséquent exonérées de TVA à la
vente sans pour autant priver l’exportateur du droit à déduction de la TVA
supportée à raison des achats de biens et services liés à l’exportation.
En revanche, les importations sont passibles de la TVA tunisienne, en
principe, et sauf exceptions, selon les mêmes règles que celles applicables en
droit interne.
Pour les cessions à quai, réalisées de façon régulière, avant le
dédouanement des marchandises, la TVA n’est due que par l’acquéreur qui procède
aux dédouanements de la marchandise. Bien que rare, cette procédure est surtout
utilisée en matière de biens d’équipement.
Section 4. La TVA est un
impôt réel
En tant qu’impôt de consommation, la TVA frappe les biens et les
services à l’occasion des affaires, c’est à dire des transactions.
Monsieur Abdellatif BOUJELBENE rappelle que la classification technique
des impôts distingue l’impôt réel qui est liquidé sur une valeur déterminée
sans aucune considération de la qualité du redevable (TVA) de l’impôt personnel
dont la liquidation tient compte de la situation personnelle du contribuable
(IRPP) ([2]).
La TVA est qualifiée d’impôt réel dans le sens où ce qui est imposée,
c’est la transaction. Il s’ensuit que théoriquement, l’imposition est
déterminée par la nature des opérations ou des produits ou par détermination de
la loi indépendamment de la situation personnelle de l’assujetti ou de son
client et qu’elle est due sur les opérations à titre onéreux.
Le caractère onéreux s’entend comme étant avec contrepartie, généralement,
représentée par une somme d’argent mais la contrepartie peut être aussi en
nature (bien ou service reçu en contrepartie).
Seules les recettes réelles peuvent être soumises à la TVA et il ne peut
être dû de TVA sur des recettes fictives.
Ainsi, sauf exception, la théorie de l’acte anormal de gestion ne
s’applique pas au domaine de la TVA.
Une dérogation qui applique, néanmoins, la théorie de l’acte anormal de
gestion à la TVA est instituée par le dernier alinéa du point 6 du § I de
l’article 6 du code de la TVA qui dispose que même en l’absence de lien de
dépendance entre le vendeur et le revendeur (à notre avis non assujetti),
l’assiette chez le vendeur assujetti est constituée par le prix de vente du
revendeur (non assujetti), lorsque l’assujetti n’apporte pas la preuve qu’il a
agi dans l’intérêt de son entreprise.
Le professeur Habib AYADI rapporte une jurisprudence du conseil d’Etat
français du 2 juillet 1986 qui précise que «la mise à disposition gratuite d’un
immeuble ne constitue pas une opération imposable à la TVA mais que la société
n’était pas en droit de procéder comme elle l’avait fait à la déduction de la
TVA» au titre de cet immeuble ([3]).
Ainsi, au regard de la TVA :
- La fourniture d’un service sans contrepartie
n’entraîne pas réclamation d’une TVA collectée fictive (sauf exception pour
certains dons gratuits) mais la perte de toute TVA déductible à ce titre.
- Quant à la fourniture de biens sans contrepartie,
elle donne lieu à taxation en tant que livraison à soi-même s’il s’agit de livraison
de biens autres qu’immobilisations que les assujettis se font à eux-mêmes pour
leurs propres besoins personnels ou entraîne, dans les autres cas, perte du
droit à déduction grevant les biens donnés sans contrepartie.
Bien entendu, les remises en quantités accordées aux clients dans le
cadre de la politique commerciale de l’entreprise ne constituent pas, en
principe, une livraison sans contrepartie.
C’est aussi la caractéristique d’imposition d’une affaire qui fait que
lorsque le prix facturé ne mentionne pas le montant de la TVA séparément, on
considère le montant facturé TTC pour la détermination de la TVA collectée
selon la formule :
(Montant facturé x Taux de TVA) / (100 + Taux de TVA)
La même règle s’applique à la détermination de la TVA collectée lors
d’un redressement en raison du fait qu’un produit passible de la TVA n’a pas
été effectivement soumis par l’entreprise contrôlée.
En revanche, le caractère onéreux n’est pas exigé pour l’imposition des
importations.
L’imposition de certaines livraisons à soi-même instituée par le code de
la TVA constitue une autre dérogation au caractère onéreux de l’opération.
L’imposition desdites livraisons à soi-même, opérations sans contrepartie
financière, vise à assurer la neutralité de la TVA.
De même, le régime des alcools soumet à la TVA les pertes qui dépassent
le seuil de tolérance quand bien même elles seraient fortuites et n’impliquant
aucune contrepartie.
Section 5. La TVA, un
impôt conceptuellement neutre
Le paragraphe 2 de l’article 1er du code de la TVA annonce le principe
de la neutralité de la TVA en disposant :
La TVA s’applique quels que soient :
- Le statut juridique des personnes qui interviennent
pour la réalisation des opérations imposables ou leur situation au regard de
tous autres impôts ;
- La forme ou la nature de leur intervention et le
caractère habituel ou occasionnel de celle-ci.
Le principe de la neutralité s’applique vis-à-vis des circuits, des
personnes et des produits.
§ 1. La neutralité vis-à-vis des
circuits
Ce principe fait, par le biais de l’imposition à tous les stades et la
récupération systématique de toute TVA amont, quel que soit le circuit emprunté
par le produit, que la TVA correspond toujours à un pourcentage stable de son
prix de vente de telle sorte qu’elle ne frappe qu’une seule fois la valeur
ajoutée d’un produit et exclut toute rémanence fiscale.
L’intervention dans le circuit d’un opérateur qui rompt la chaîne des
déductions (non assujettis et forfaitaires) porte atteinte au principe de
neutralité vis-à-vis des circuits.
§ 2. La neutralité vis-à-vis des
personnes
Ce principe fait que la TVA sera la même quelle que soit la qualité de
la personne intervenante : personne physique ou morale, de droit public ou
privé, tunisienne ou étrangère, résidente ou non résidente.
Le fait que le plus grand nombre de personnes physiques soient soumises
au régime forfaitaire qui les placent en dehors du système de la TVA est une
atteinte au principe de la neutralité vis-à-vis des personnes.
De même, le fait que les loyers professionnels sont toujours assujettis
à la TVA lorsque le propriétaire est une personne morale alors qu’ils ne le
sont pas toujours lorsque le propriétaire est une personne physique ([4])
porte aussi atteinte à la règle de la neutralité vis-à-vis des personnes.
§ 3. La neutralité vis-à-vis des
produits
Ce principe fait que la TVA est un impôt réel qui frappe le même produit
(biens et services) de la même façon quel que soit l’opérateur, son mode
d’opérer ou son statut. Mais cela n’exclut pas le fait que l’on puisse admettre
l’application de taux spécifiques et dérogatoires à certaines activités dès
lors que le régime dérogatoire s’applique de façon similaire à tous les
opérateurs de la même activité. Dans ce sens, aucun principe théorique ne
s’oppose à ce que les ventes de produits et articles destinés à l’industrie
pharmaceutique soient passibles de la TVA au taux de 6% quel que soit le taux
applicable aux clients autres que les industries pharmaceutiques.
En revanche, la dispense de la TVA d’une grande population soumise au
régime du forfait, notamment au stade de la production, affecte le principe de
neutralité vis-à-vis des produits (biens et services). La mise hors du champ
d’application de la TVA des produits agricoles locaux, alors que les mêmes
produits importés sont assujettis à la TVA est un autre exemple d’atteinte au
principe de la neutralité vis-à-vis des produits.
L’atteinte à la neutralité est due à l’octroi d’un régime de faveur
dérogatoire à une catégorie complète de contribuables (les forfaitaires par
exemple) ou à une catégorie professionnelle (les artisans lorsqu’ils sont
soumis au réel) qui sont soumis pour la totalité de leurs produits à la TVA au
taux réduit de 6% au lieu du taux de droit commun applicable aux mêmes produits
fabriqués par les industriels. C’est ainsi qu’un même produit est passible de
deux taux de TVA différents selon qu’il est fabriqué par un artisan ou par un
industriel. Ainsi, un meuble fabriqué par un artisan est soumis à la TVA au
taux de 6% alors que le même meuble est soumis à la TVA au taux de 18% (soit
trois fois le taux de 6%) lorsqu’il est fabriqué par un industriel !
Le respect du principe de neutralité de la TVA est une condition
substantielle pour la qualité de la concurrence.
Section 6. Nature de la
TVA dans les rapports contractuels
La TVA est normalement à la charge de l’acquéreur, l’entreprise vendeuse
étant redevable légal de cette TVA et non redevable réel. Néanmoins, les
parties sont libres de fixer le prix hors TVA ou TVA comprise.
Lorsque le prix est stipulé TTC, la taxe est déterminée selon la formule
:
(Prix TTC x Taxe) / (100 + Taxe) =
TVA collectée
La même formule «trouve également application dans l’hypothèse où le
vendeur ou le prestataire de service croit que l’opération n’est pas passible
de la TVA et la déclare non imposable» ([5]).
Lorsque le prix est stipulé hors TVA, l’acquéreur doit le prix toute
taxe comprise. En cas de changement de taux, dans le cas d’un prix stipulé hors
taxe, l’acquéreur doit le prix déterminé sur la base du nouveau taux applicable
au moment de la réalisation du fait générateur de la TVA.
Dans le cas d’absence de toute indication de la nature du prix ou du
montant facturé, le prix est alors réputé taxe comprise. Le professeur Habib
AYADI rapporte ([6])
une jurisprudence française qui indique en substance que «la TVA est un élément
du prix et non un accessoire du prix. Si le redevable légal de la TVA,
c’est-à-dire le vendeur ou le prestataire de service n’acquitte pas la TVA, la
validité de la vente n’est pas pour autant affectée en particulier, le
transfert de propriété s’opère. Il en résulte que si le redevable a omis
d’inclure dans le prix convenu le montant de la taxe dont il est redevable à
raison de cette opération, il n’est pas fondé à demander à son client le
versement du montant de la TVA puisque cette dernière est considérée comme un
élément du prix».
Section 7. Codification
de la TVA
La TVA a été codifiée lors de son introduction par la loi n° 88-61 du 2
juin 1988, portant promulgation du code de la TVA avec application à compter du
1er juillet 1988 (article 1er du décret n° 88-1109 du 11 juin 1988).
À la date d’aujourd’hui, les textes régissant la TVA sont ceux du code
de la TVA, des textes non incorporés au code et de nombreux autres codes et
lois (code d’incitations aux investissements et textes d’application, code de
l’IRPP et de l’IS etc...). L’éparpillement est tel qu’il est légitime de
s’interroger si la dénomination donnée au code de la TVA est toujours
appropriée.
Section 8. La TVA
devrait-elle être un impôt unique ?
Le concept d’impôt unique peut recevoir deux interprétations :
(1) La première qui vient à l’esprit
est celle d’un seul impôt frappant la consommation. Le système aura alors le
mérite d’une grande transparence des taux, de la simplicité même s’il n’exclut
pas l’existence d’impositions complémentaires pour certains produits
susceptibles de supporter par nature une lourde taxation.
(2) La deuxième conception limite le
caractère unique à l’objectif d’éliminer toute superposition de TVA au sein du
produit par la généralisation effective de la récupération de la TVA supportée
en amont.
En fait, la TVA tunisienne est un impôt qui se cumule pour beaucoup de
produits avec la taxe professionnelle et, pour certains, avec les droits
d’enregistrement ou le droit de consommation.
Le cumul de la TVA et du droit d’enregistrement pour la vente
d’immeubles à usage professionnel ou commercial peut élever la taxation de la
transaction immobilière à une imposition cumulée atteignant 24% du prix de
cession soit : 18% sur le hors TVA et 6% sur le prix TVA comprise.
De même, les transactions effectuées par les marchands de biens portant
sur les immeubles et fonds de commerce sont passibles de façon cumulative des
impositions suivantes dans le cas des immeubles :
1- Droit d’enregistrement proportionnel à l’achat
(allant de 6% à 9%) ;
2- TVA sur la marge à la vente au taux de 18% ;
3- Droit d’enregistrement proportionnel à la vente
(6%).
Ce système d’imposition expliquerait, peut-être, la rareté de ce type de
professionnels identifiés par l’administration fiscale.
Le professeur Ahmed ESSOUSSI conclut que la TVA tunisienne «n’est pas
tout à fait un impôt unique dans la mesure où elle n’est pas le seul impôt
indirect car d’autres impositions subsistent : les droits de douane, diverses
taxes particulières comme le droit compensateur mais surtout les droits de
consommation. S’il est vrai que la nouvelle législation se veut une fédération
de multiples taxes, il n’en reste pas moins exact que les impôts et taxes qui
survivent ou qui ont été créés par la suite ne permettent pas de parler de la
TVA comme un impôt unique» ([7]).
Soulignant le caractère perfectible de tout système de TVA, Mr
Abdellatif BOUJELBENE remarque qu’aucun pays au monde n’a institué une TVA
parfaite dès le premier jour. Il cite l’exemple de la France qui, bien que la
première à avoir institué la TVA en 1954, n’a toujours pas une TVA qui
satisfait à toutes les qualités caractéristiques ([8]).
([1]) L’incohérence de certaines dispositions peut aussi être à l’origine de dysfonctionnement du marché et source de difficultés pour les segments surtaxés par rapport aux activités concurrentes.
([3]) Habib AYADI, Droit fiscal : TVA, droit de consommation et contentieux fiscal - CERP - Tunis 1996, page 92.
([4])
Les loyers d’un immeuble loué à titre professionnel par un propriétaire
personne physique soumise à la TVA au titre d’une autre activité que celle de
la location sont soumis à la TVA au taux de 18% alors que les loyers d’un
immeuble loué à titre professionnel par un propriétaire personne physique non
soumis à la TVA au titre d’une autre activité ne sont pas soumis à la TVA.