Droits d'enregistrement
et de timbre
(Version 2006)
Chapitre 2 - Quelques
principes et théories applicables au droit d’enregistrement
Sommaire :
Section 1. Principe
d’interprétation
Section 2. Influence de
l’existence d’une condition sur l’exigibilité des droits dus
Section 3. Théorie des
nullités
Section 4. Dispositions
dépendantes, dispositions indépendantes
§ 2. Dispositions
indépendantes
§ 3. Non cumul des
droits fixes sur le même acte
Section 5. Théorie de
la propriété apparente
Section 6. La règle non
bis In Idem
Section 7. La théorie
de la mutation conditionnelle
§ 1. Historique de la
théorie de la mutation conditionnelle
§ 2. Définition de la théorie
de la mutation conditionnelle
Section 8. Valeur de la
nue-propriété et de l’usufruit
Section 9. La règle de
solidarité pour le paiement des droits
§ 1. Responsabilité des
intervenants à l’acte
§ 2. La règle de la
solidarité
Section 10.
L’obligation faite aux receveurs d’accomplir la formalité de l’enregistrement
Sont successivement étudiés :
- Le principe d'interprétation ;
- L'influence de l'existence d'une condition sur
l'exigibilité des droits dus ;
- La théorie des nullités ;
- Les dispositions dépendantes et les dispositions indépendantes ;
- La théorie de la propriété apparente ;
- La règle non bis in idem ;
- La théorie de la mutation conditionnelle ;
- La valeur de la nue-propriété et de l'usufruit ;
- La règle de solidarité pour le paiement des droits, et
- L'obligation faite aux receveurs d'accomplir la formalité de
l'enregistrement.
Section 1. Principe
d’interprétation
L’interprétation des actes par l’administration repose sur leurs
caractères apparents sans qu’elle ait à rechercher ni leur validité juridique, ni
les intentions secrètes des parties. Néanmoins, l’administration n’est pas
tenue par la qualification que donne les parties au contrat (principe de
réalisme du droit fiscal) ; elle peut donc requalifier un acte ou refixer sa
date de conclusion.
De même, un contrat apparemment imparfait au sens fiscal n’est pas
traité comme contrat passible du droit de mutation, il s’enregistre au droit
fixe des actes innomés.
Selon REFALO, (cours d’enregistrement, pages 44 à 49) : «Les actes
présentés à la formalité ne révèlent pas toujours par eux-mêmes les conventions
qu’ils referment. Leur rédaction est parfois obscure et ambiguë. Pour arriver à
une exacte application du tarif, il est nécessaire de les interpréter. Pour
cela il faut suivre les règles tracées par les articles 513 à 531 du C.O.C».
Convention simulée :
«La qualification que les parties donnent elles-mêmes aux actes ne lie
l’administration que si elle est sincère et exacte. Dans le cas de simulation,
par contre, l’administration a le droit de restituer aux actes leur véritable
caractère et de percevoir l’impôt en conséquence. Elle a également le droit de
choisir entre l’acte apparent et l’acte secret».
«Ce droit de l’administration lui a toujours été reconnu par la doctrine
et la jurisprudence. Sa justification théorique réside dans la conception
suivant laquelle l’administration est un tiers vis-à-vis des redevables. Or les
tiers sont fondés à établir la simulation et ont le droit de choisir entre
l’acte ostensible et la convention occulte (article 26 du C.O.C)».
«Il est donc incontestable que l’administration est fondée à établir,
par tous les moyens compatibles avec la procédure écrite, la simulation dont se
trouve entaché l’acte soumis à la formalité».
Néanmoins, il convient d’observer que rien n’interdit aux parties de
choisir parmi plusieurs procédés juridiques aboutissant au même résultat, le
procédé le moins onéreux fiscalement, pourvu que ce procédé soit réellement
employé et non simulé.
Application :
«L’administration est fondée à établir :
1) qu’une vente déguise une donation, ou qu’une
donation déguise une vente,
2) que le contrat de gérance d’un fonds de commerce
dissimule une vente de fonds de commerce».
L’acte imparfait :
Lorsqu’un acte ne constitue pas le titre apparent d’une opération
juridique, il est dit en droit fiscal «imparfait». Il ne peut alors être
assujetti à aucun droit déterminé et supporte seulement le droit fixe des actes
innomés. L’acte imparfait est celui auquel manque soit le consentement des
parties soit l’une des formalités exigées par la loi :
a) Consentement des parties : constituent par exemple des actes
imparfaits la donation non acceptée par le donataire, ou la vente ne réalisant
pas l’accord des parties.
b) Formalités exigées par la loi : doivent être considérés comme actes
imparfaits :
1) les actes administratifs sujets à approbation et non
approuvés ;
2) l’acte sous seing privé non signé par tous les
contractants. Mais il suffit qu’il porte les signatures des parties autres que
celles entre les mains desquelles il se trouve pour qu’il soit traité comme un
acte parfait à l’égard de l’enregistrement.
Section 2. Influence
de l’existence d’une condition sur l’exigibilité des droits dus
Certaines conventions sont conditionnelles. Une obligation est
conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain.
Elle est dite suspensive lorsque l’obligation est suspendue jusqu’à ce que
l’événement arrive. Elle est résolutoire lorsque l’obligation est résiliée si
l’événement résolutoire arrive.
Les actes affectés d’une condition suspensive n’entraînent mutation que
lorsque la condition se réalise. Ils sont par conséquent passibles initialement
au tarif des actes innomés. La condition suspensive suspend l’application du
droit proportionnel ; le jour où la condition suspensive se réalise, le droit
proportionnel devient exigible sur la base du tarif et de la valeur du bien
à la date de réalisation de la condition. En effet, aux termes de l’article
17 du code des droits d’enregistrement, les tarifs applicables et les valeurs
imposables pour les mutations et conventions assorties d’une condition
suspensive sont déterminés en se plaçant à la date de la réalisation de la condition.
Mais si la condition suspensive ne se réalise pas, le droit fixe des
actes innomés qui a été acquitté sur l’acte lors de sa présentation à
l’enregistrement ne sera jamais restitué parce que l’impôt a été réclamé à
titre de droit de formalité.
En matière fiscale, la condition résolutoire est sans influence sur
l’impôt puisqu’elle ne suspend pas l’effet de la convention mais la rend
simplement annulable.
La condition résolutoire est sans influence sur la perception des droits
lesquels ne peuvent être restitués si la condition résolutoire se réalise. En
effet, l’article 74-II du code des droits d’enregistrement dispose : «Ne sont
pas restituables, les droits régulièrement perçus sur les actes et contrats
révoqués ou résolus par l’effet d’une condition résolutoire ou conventionnelle,
expresse ou tacite».
Pire encore, si l’enregistrement de la résiliation n’intervient pas
dans les 3 jours qui suivent la date de l’acte notarié ou dans le cas d’un
acte sous seing privé depuis qu’il ait acquis date certaine [1], la résiliation pure et simple
(c’est-à-dire non judiciaire) est considérée, selon la doctrine de
l’administration fiscale (BODI,
Texte DGI 96/58, note commune n° 33) comme une opération de revente soumise par sa nature de
nouveau au droit d’enregistrement dû sur les ventes.
Section 3. Théorie des
nullités [2]
Selon REFALO, «l’administration n’est point juge de la validité des
actes. Dès lors, il importe peu que l’opération juridique constatée dans un
acte soit entachée de nullité ; le droit édicté pour cette opération juridique
est exigible comme si elle était valable. À cet égard, il n’y a aucune
distinction à faire suivant qu’il s’agit d’actes nuls de plein droit ou d’actes
simplement annulables».
Ainsi, contrairement à l’acte imparfait passible du seul droit fixe de
15 D par page, l’acte nul est passible du droit selon le tarif applicable à
l’opération.
REFALO donne le critère de distinction suivant entre l’acte imparfait et
l’acte nul : «l’acte imparfait est celui auquel il manque un élément qui y fait
défaut ; l’acte nul au contraire, est un acte qui est complet par lui-même et
qui serait susceptible de porter tous ses effets, si la nullité n’était pas
invoquée».
Section 4.
Dispositions dépendantes, dispositions indépendantes
Aux termes de l’article 18 du code des droits d’enregistrement,
lorsqu’un acte renferme plusieurs dispositions tarifées différemment, mais qui,
en raison de leur corrélation, ne sont pas de nature à donner ouverture à
la pluralité des droits, le droit d’enregistrement est liquidé sur la base de
la disposition soumise au tarif le plus élevé.
Les dispositions corrélées ou corrélatives sont des dispositions
dépendantes dont la réunion constitue le contrat dans son ensemble, par
exemple, la vente et l’obligation de payer le prix.
§ 2. Dispositions indépendantes
Aux termes de l’alinéa I de l’article 19 du code des droits
d’enregistrement, lorsqu’un acte renferme des dispositions indépendantes ou ne
dérivant pas nécessairement les unes des autres, le droit d’enregistrement est
liquidé au tarif correspondant à chacune d’elles.
À titre d’exemple de dispositions indépendantes dans un même acte, la
vente d’un immeuble et la location d’un autre immeuble. Dans cet exemple, les droits
d’enregistrement se cumulent au tarif de chacune des deux dispositions.
§ 3. Non cumul des droits fixes sur
le même acte
Aux termes de l’alinéa II de l’article 19 du code des droits
d’enregistrement, il ne peut être perçu cumulativement sur un même acte
plusieurs droits fixes.
Lorsqu’un acte contient plusieurs dispositions susceptibles d’être
tarifées aux droits fixes, il y a lieu de percevoir celui de ces droits qui
est le plus élevé.
Section 5. Théorie de
la propriété apparente
La théorie de la propriété apparente s’applique aux mutations.
Cette théorie permet à l’administration de considérer comme véritable
propriétaire d’un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers en vertu
des clauses formelles contenues dans un acte translatif de propriété en dépit
des conventions secrètes pouvant exister entre les parties ou les causes de
nullité dont l’acte pourrait être entaché.
Tout acte qui opère un changement dans la propriété apparente donne
ouverture au droit de mutation sans qu’il y ait à se préoccuper du point de
savoir si ce changement correspond à une transmission réelle de propriété, les
contractants ne pouvant être admis à prétendre que le contenu formel des actes
ne traduit pas leur véritable intention.
Il résulte de cette théorie :
1- Que la vente consentie à un acquéreur ou au profit
de toute personne qu’il lui plaira de substituer, donne ouverture à un premier
droit de mutation sur la tête de l’acquéreur et à un second sur la tête de la
personne substituée sauf le cas de déclaration de command dans les
conditions définies par le numéro 2 de l’alinéa I de l’article 23 du code des
droits d’enregistrement en vertu duquel sont enregistrées au droit fixe de 15
dinars par page, les déclarations ou élections de command, par suite d’adjudication
ou contrat de vente de biens immeubles, lorsque la faculté d’élire un command a
été réservée dans l’acte d’adjudication ou le contrat de vente, et que la
déclaration est faite par acte public et notifiée à la Recette des Finances
compétente dans les 24 heures de l’adjudication ou du contrat de vente.
L’élection de command, qui constitue une dérogation à la théorie de la propriété
apparente, est le droit, qui doit être prévu au contrat ou réservé dans l’acte
d’adjudication, et que se réserve l’acquéreur de désigner par acte public, dans
les 24 heures de la vente, la personne qui prendra sa place au contrat.
2- Qu’en cas d’acquisition par un prête-nom, la
mutation apparente qui s’opère au profit de l’acquéreur définitif est soumise
au droit de mutation.
3- Que la vente fictive effectuée en vue d’organiser
l’insolvabilité apparente du prétendu vendeur est soumise au droit de mutation
ainsi que la rétrocession ultérieure du même bien. Néanmoins, en cas d’annulation
judiciaire de la vente simulée pour organiser l’insolvabilité (généralement par
le biais d’une action oblique), les droits de mutation sont restituables
(Article 74-II du code des droits d’enregistrement) dans les conditions prévues
par le code des droits et procédures fiscaux.
Quelques applications de la théorie de la propriété
apparente [3] :
Acte déclarant un ou plusieurs individus copropriétaires de
l’immeuble acquis par un tiers : Lorsqu’un immeuble est acquis par une personne, tout autre acte
reconnaissant ensuite qu’il a été acquis pour le compte de plusieurs produit un
changement dans l’état de propriété apparente, et le droit de mutation est
exigible sur la valeur de la part dont la propriété est reconnue aux autres que
l’acquéreur visé à l’actif primitif.
Immeuble acquis en commun et attribué à un seul : Dans ce cas, il y a changement dans
la propriété apparente et, par suite, mutation passible du droit proportionnel
que l’immeuble acquis en commun devienne la propriété exclusive de l’une
d’elles seule en vertu d’un jugement ou par l’effet de l’accord des parties.
Partage inégal d’une acquisition indivise : Lorsqu’un immeuble acquis
indivisement, par plusieurs personnes, sans expression de part, est
ultérieurement partagé entre elles dans des proportions inégales, il s’opère au
profit des copartageants lotis au-delà de leur part virile, une mutation
imposable pour ce qui excède cette part.
Section 6. La règle
non bis In Idem
La règle «non bis in idem» est définie par la doctrine administrative (BODI, texte DGI n° 116/83) comme un principe qui consiste à
ne taxer qu’une seule fois une même somme à un même impôt au profit de la même
collectivité.
Selon REFALO «il est de principe qu’une même opération juridique ne peut
donner ouverture qu’à un seul droit quel que soit le nombre des actes qui la
constatent. C’est l’application de la maxime «non bis in idem». Cette
règle, disent Messieurs Rigand et Championnière, est un axiome en matière
d’impôt. L’objet qui a payé le droit ne doit plus le payer ; la dette est
acquittée, le débiteur libéré» [4].
Bien que non toujours observée avec la même constance, cette règle, qui
participe à l’équité fiscale, sert de fondement à certaines solutions admises
par la doctrine administrative.
Dans ce sens, la DGI (texte 58/96, note commune n° 33) retient la solution suivante pour les actes refaits : «Le
fait de refaire un acte déterminé pour cause de nullité ou pour corriger une
erreur matérielle ou pour d’autres causes, comporte en lui-même une annulation
implicite du contrat original en le remplaçant par un deuxième acte. Et pour
qu’il n’y ait pas double perception des droits d’enregistrement en application
de la règle générale selon laquelle on ne peut asseoir doublement les droits
d’enregistrement sur le même acte ou la même opération règle non bis in idem,
la législation en vigueur permet aux contractants d’enregistrer les actes
refaits au droit fixe (15 dinars par page de chaque copie présentée à la
formalité) si les conditions suivantes sont remplies :
- obligation de rédiger un premier acte et de
l’enregistrer à la recette des finances ;
- ne pas toucher aux éléments essentiels du contrat
original (les parties, le prix, l’objet...) et à la nature de l’opération ;
- le premier acte ne doit pas avoir cessé d’exister
et ne doit pas être annulé.
Exemple : Une personne a vendu à une autre un immeuble suivant acte
rédigé contrairement aux dispositions de l’article 377 bis du code des droits
réels, enregistré au droit proportionnel.
Pour éviter ce vice de nullité, les deux contractants ont refait l’acte
par un avocat sans toucher à ses éléments essentiels (le prix, l’objet, les
parties). Dans ce cas, ledit acte est enregistré au droit fixe : 15 dinars par
page de chaque copie présentée à la formalité de l’enregistrement.
Suivant ce qui précède, la doctrine administrative conclut ce qui suit :
- si le contrat original a été refait en modifiant
l’objet de la vente (sa superficie, sa nature) ou en modifiant le prix ou en remplaçant
l’une des parties par une autre, on considère que l’acte refait constitue une
deuxième vente soumise par sa nature au droit d’enregistrement proportionnel ;
- un acte refait et non enregistré à la recette des
finances, demeure soumis au droit d’enregistrement proportionnel même si on n’a
pas touché à ses éléments essentiels.
- si l’acte à remplacer est soumis par sa nature au
droit d’enregistrement fixe, tel est le cas d’une acquisition d’un logement
auprès d’un promoteur immobilier, l’acte refait nécessite dans tous les cas la
perception d’un droit d’enregistrement fixe de 15 dinars par page de chaque
copie du contrat présentée à la formalité de l’enregistrement à condition de ne
pas toucher aux clauses du contrat, autrement l’acte refait constitue une
deuxième opération de vente soumise au droit proportionnel et ne peut être
enregistré au droit fixe parce que l’avantage prévu par l’article 58 du code
d’incitations aux investissements relatif aux acquisitions d'immeubles auprès
des promoteurs immobiliers ne concerne que la première acquisition».
Un deuxième exemple est donné par REFALO [5] «dans le cas de vente d’un immeuble
par une personne qui n’en était pas propriétaire, si un second acte de vente
intervient de la part du véritable propriétaire au profit du même acquéreur et
moyennant le même prix, le nouvel acte n’est soumis qu’au droit fixe de 15 D
par page. Mais si un supplément de prix est stipulé, le droit de vente
proportionnel frappe ce supplément de prix».
Il en est de même des actes rédigés en vue d’interpréter une disposition
antérieure ou de rectifier une erreur (dits actes de précision) qui ne sont
passibles que du droit fixe des actes innomés de 15 D par page.
Un autre exemple d’application du principe est fourni par le régime
institué par l’alinéa II de l’article 29 du code des droits d’enregistrement.
En effet, dans le cas où une cession d’actions ou de parts représentatives
d’immeubles a donné lieu à l’application du droit proportionnel
d’enregistrement, l’attribution des biens représentés par ces titres au moment
de la dissolution de la société ne donne ouverture au droit d’enregistrement
que si cette attribution est faite à une personne autre que le cessionnaire.
Section 7. La théorie
de la mutation conditionnelle
La théorie de la mutation conditionnelle est une théorie empruntée au
droit fiscal français.
§ 1. Historique de la théorie de la
mutation conditionnelle
Historiquement et jusqu’à l’année 1965, «il n’était jamais tenu compte,
en droit français, en matière de droits d’enregistrement du caractère
translatif des apports purs et simples de corps certains, c’est-à-dire de biens
identifiables (individualisables) tels que les immeubles, les machines, les
voitures, le fonds de commerce, etc... La mutation était considérée comme
soumise à la condition suspensive de l’attribution du bien apporté (corps
certain) à un autre que l’apporteur lors du partage de la société. Aussi, aucun
droit de mutation n’était-il perçu lors de l’apport, mais les droits de
mutation (de vente) devenaient exigibles, lors du partage, si le bien apporté
était attribué à un autre que l’apporteur. Cette règle doctrinale est connue
sous le nom de «théorie de la mutation conditionnelle des apports» [6].
Le champ d’application de la règle fût limité en France depuis
1965 aux sociétés de personnes. En revanche, la règle continue à être reconnue
en Tunisie pour toute forme de société.
§ 2. Définition de la théorie de la
mutation conditionnelle
Lorsque les biens sont apportés à titre pur et simple à une société lors
de sa constitution ou par voie d’augmentation de capital, la transmission qui
s’opère du patrimoine de l’apporteur dans celui de la personne morale est
réputé n’opérer la mutation du bien apporté que sous la condition suspensive de
son attribution à un associé autre que l’apporteur (ou ses héritiers) lors du
partage de la société.
Si le bien est attribué à un associé autre que l’apporteur, les droits
de mutation à titre onéreux deviennent exigibles.
Si au contraire, le bien apporté est repris par l’apporteur, celui-ci
est réputé n’avoir jamais cessé d’en être propriétaire au point de vue fiscal
et cette attribution ne donne ouverture ni au droit de mutation, ni au droit
de partage.
La théorie de la mutation conditionnelle ne s’applique qu’aux apports
purs et simples qui constituent des corps certains et non aux choses fongibles
qui sont assimilées à des acquêts sociaux.
Section 8. Valeur de
la nue-propriété et de l’usufruit
En cas de transmission de droits de propriété (lors du démembrement ou
lors d’une mutation) à titre gratuit (donation ou succession), la valeur
respective de l’usufruit et celle de la nue-propriété est déterminée par une
quotité de la valeur de la propriété entière conformément au barème suivant :
Age de l’usufruitier |
Valeur de l’usufruit |
Valeur de la nue propriété |
Moins de 20 ans révolus |
7/10 |
3/10 |
Moins de 30 ans révolus |
6/10 |
4/10 |
Moins de 40 ans révolus |
5/10 |
5/10 |
Moins de 50 ans révolus |
4/10 |
6/10 |
Moins de 60 ans révolus |
3/10 |
7/10 |
Moins de 70 ans révolus |
2/10 |
8/10 |
Plus de 70 ans révolus |
1/10 |
9/10 |
Les actes et déclarations d’usufruit ou de nue-propriété à titre gratuit
doivent comporter la date et le lieu de naissance de l’usufruitier. Si la naissance
est survenue hors de Tunisie, il est nécessairement justifié de cette date
avant l’enregistrement. À défaut de quoi, les droits qui pourraient être dus au
trésor sont perçus aux taux les plus élevés.
Le trop perçu est restituable, si l’acte de naissance, au cas où cette
dernière a lieu hors de Tunisie, est présenté dans les deux ans qui suivent la
date de l’enregistrement.
Bien entendu, les démembrements de la propriété à titre onéreux sont
enregistrés sur la base du prix dans les conditions de droit commun.
Section 9. La règle de
solidarité pour le paiement des droits
Le droit d’enregistrement se caractérise par la recherche d’une multitude
de dispositifs de sécurité pour assurer le recouvrement de l’impôt.
Ainsi, limitant les effets des dispositions de l’article 605 du code des
obligations et des contrats, qui dispose que les droits d’enregistrement sont,
sauf usage ou stipulation contraire, à la charge de l’acheteur, aux seuls
rapports entre parties, le code des droits d’enregistrement institue souvent une
responsabilisation de certains intervenants et une solidarité entre les
différentes parties intervenantes à l’opération assujettie. De même, aux
termes de l’article 63 du code des droits d'enregistrement et de timbre, les
personnes qui sont au regard du trésor solidaires pour le paiement des droits
sont solidaires pour le paiement des amendes.
Selon REFALO, «La solidarité existe, lorsque l’acte n’est pas encore
enregistré, pour le paiement des droits dus sur toutes les dispositions
distinctes de cet acte, car la formalité est indivisible. Toutefois, pour le
paiement des suppléments de droit dont l’exigibilité est reconnue après
l’enregistrement, on doit admettre que la solidarité s’applique seulement aux
personnes intéressées par la disposition de l’acte faisant l’objet de la
réclamation» [7].
§ 1. Responsabilité des intervenants
à l’acte
Le code des droits d’enregistrement rend responsable du droit dû sur
certains actes et mutations notamment les intervenants suivants :
- les notaires,
- les huissiers-notaires,
- les greffiers, etc...
La responsabilité des tiers intervenants peut être engagée du simple
fait de leur intervention aux actes ou en raison du manquement aux obligations
mises à leur charge.
§ 2. La règle de la solidarité
Aux termes de l’article 174 du C.O.C, la solidarité résulte expressément
du titre constitutif de l’obligation ou de la loi.
Il y a solidarité, aux termes de l’article 176 du C.O.C, entre les
débiteurs lorsque chacun d’eux est personnellement tenu de la totalité de la
dette, et le créancier peut contraindre chacun des débiteurs à l’accomplir en
totalité ou en partie, mais n’a droit à cet accomplissement qu’une seule fois.
Sauf exception, le code des droits d’enregistrement institue la
solidarité des intervenants aux contrats et mutations pour le paiement des
droits en principal et pénalités.
Section 10.
L’obligation faite aux receveurs d’accomplir la formalité de l’enregistrement
Aux termes de l’article 67 du code des droits d’enregistrement, «les
receveurs des finances ne peuvent, sous aucun motif que ce soit, différer
l’enregistrement des actes et mutations dont les droits ont été payés
conformément à la loi, et ce même dans le cas d’un éventuel recours à la
procédure de l’expertise.
Pour les besoins de la liquidation des droits dus, les Receveurs des
Finances peuvent exiger une copie certifiée conforme des actes qui leur sont
présentés. En cas de refus, ils peuvent conserver l’acte pendant 24 heures pour
s’en procurer une copie certifiée conforme et les frais encourus à ce titre
sont remboursés au Receveur des Finances en même temps que le paiement des
droits d’enregistrement».
Selon REFALO, «tous les actes présentés pour recevoir la formalité
doivent être enregistrés, même ceux qui en sont exempts. Mais, dans ce dernier
cas, les receveurs doivent signaler aux parties l’exemption dont bénéficie
l’acte, et ne donner la formalité que s’ils en sont expressément requis» [8].
[1] D’après REFALO, cours
d’enregistrement, pages 66 et 67.
[2] D’après REFALO, cours
d’enregistrement, page 59.
[3]
D’après REFALO, cours d’enregistrement, page 60.
[4]
D’après Lamy fiscal - 1989 - page 547.
[5]
D’après REFALO, cours d’enregistrement, page 28.
[6]
D’après REFALO, cours d’enregistrement, page 22.
[7]
Il convient de rappeler que les contrats de mutation de fonds de
commerce ne peuvent, sous peine de nullité absolue, être rédigés que par les
avocats.
[8] D’après REFALO, cours
d’enregistrement, pages 76 à 78.