Section 2.
Primauté relative des conventions internationales sur le droit interne
Section 3.
Le principe de non discrimination
Section 4.
La règle de non aggravation
§ 1. Les fondements juridiques de la règle de non
aggravation en fiscalité internationale
§ 2. Mise en œuvre de la règle
Section 5.
Modalités d'imposition des établissements stables
Les non
résidents sont soumis en Tunisie à une obligation fiscale dite limitée. En
effet, ils ne sont imposables en Tunisie qu'en raison de leurs revenus de
source tunisienne, généralement sous la forme de retenue à la source
libératoire.
Lorsque le
non résident est un ressortissant d'un pays qui a conclu avec la Tunisie une
convention de non double imposition, il est fait application, pour déterminer
les taux et les modalités d'imposition des revenus de source tunisienne de deux
principes : le principe de non discrimination et le principe de non
aggravation.
Pour qu'un
revenu d'un non résident ne soit pas imposable en Tunisie, il faut que sa non
imposition soit expressément prévue soit par une disposition légale de droit
interne soit par une disposition de la convention fiscale de non double
imposition lorsqu'une telle convention existe entre la Tunisie et le pays de résidence
du bénéficiaire (Section 1). Les conventions fiscales internationales ratifiées
par une loi bénéficient d'un statut supérieur aux lois internes (Section 2).
Lorsque le bénéficiaire de la rémunération est un ressortissant d'un pays avec
lequel la Tunisie a conclu une convention de non double imposition, le régime
fiscal qui lui est applicable est en outre régie par le principe de non
discrimination (Section 3) et la règle de non aggravation (Section 4). Enfin,
nous examinerons les aménagements apportés aux règles d'imposition des
étrangers qui disposent du statut d'établissement stable (Section 5).
Pour qu'un
revenu de source tunisienne au profit d'un non résident ne soit pas imposable
en Tunisie, il faut que cette dispense de l'impôt soit prévue par une
disposition légale de droit commun ou par la convention fiscale de non double
imposition conclue avec le pays de résidence du bénéficiaire.
Personnes
physiques :
L'article 3 du code de l'IRPP et de l'IS traitant des
revenus des personnes physiques dispose : «L'impôt est également dû par les
personnes physiques non résidentes qui réalisent des revenus de source
tunisienne ou qui réalisent la plus-value prévue au paragraphe 2 de l'article
27 du code de l'IRPP et de l'IS mais à raison des
seuls revenus ou plus-value.
Toutefois,
l'impôt n'est pas dû sur :
- les intérêts des dépôts et des titres en devises ou en dinars
convertibles ;
- les revenus distribués au sens de l'alinéa "a" du paragraphe
II et du paragraphe II bis de l'article 29 du code de l'IRPP et de l'IS et les tantièmes attribués aux membres du conseil
d'administration visés au paragraphe 3 de l'article 30 du code de l'IRPP et de
l'IS et les revenus visés à l'article 31 du même code
;
- les rémunérations payées par les entreprises totalement exportatrices
telles que définies par la législation en vigueur, au titre :
• des droits d'auteur ;
• de l'usage, de la concession de l'usage ou de la cession d'un brevet,
d'une marque de fabrique ou de commerce, d'un dessin ou d'un modèle, d'un plan,
d'une formule ou d'un procédé de fabrication, y compris les films
cinématographiques ou de télévision ;
• de l'usage ou de la concession de l'usage
d'un équipement industriel, commercial, agricole, portuaire ou scientifique ;
• des informations ayant trait à une expérience
acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique ;
• des études techniques ou économiques, ou
d'une assistance technique ;
- les rémunérations pour affrètement de navires ou d'aéronefs affectés
au trafic international ;
- la plus-value de cession des valeurs mobilières».
Personnes
morales : Les
personnes morales non résidentes sont soumises, aux termes du paragraphe II de
l'article 45 du code de l'IRPP et de l'IS, à l'impôt
sur les sociétés lorsqu'elles perçoivent des rémunérations ou réalisent des
revenus de source tunisienne ou une plus-value provenant de la cession
d'immeubles sis en Tunisie.
Néanmoins,
les exonérations instituées par l'article 3 du code de l'IRPP et de l'IS sont étendues aux personnes morales non résidentes.
Section 2. Primauté
relative des conventions internationales sur le droit interne
Aux termes de
l'article 32 de la constitution, les conventions fiscales dûment ratifiées par
une loi ont une autorité supérieure à celle des lois internes sous réserve,
dispose la constitution, de leur application par l'autre partie.
La nouvelle
réserve formulée de façon pertinente par la constitution depuis la loi
constitutionnelle du 27/10/1997 est conforme à une pratique généralement admise
en matière de fiscalité internationale.
En effet, la
primauté des conventions internationales sur le droit interne n'est réellement
opérante que lorsqu'elle est effectivement respectée par les deux parties
contractantes.
Après sa
ratification par une loi, une convention fiscale internationale acquiert une
autorité supérieure à celle des lois internes dès lors qu'elle est appliquée
réciproquement.
Ceci a pour
conséquence que les dispositions de la convention qui se révèlent contraires à
la loi interne l'emportent sur la loi interne. Néanmoins, selon la règle de non
aggravation reconnue par la doctrine de l'administration fiscale, lorsque
l'imposition instituée par la loi interne est plus favorable au contribuable
non résident que l'imposition qui résulte de la convention, c'est la loi
interne qui s'applique.
Cette règle
de non aggravation appliquée par la Tunisie n'est pas observée par tous les
pays dans le monde. Il est même possible d'affirmer qu'au plan international,
cette branche particulière du droit fiscal est celle qui connaît le plus
d'arbitraire et d'interprétation administrative tendancieuse et chauvine.
Section 3. Le principe de
non discrimination
Toutes les
conventions de non double imposition contiennent une disposition de non
discrimination.
Le principe
de non discrimination interdit toute discrimination fondée sur la nationalité
en matière fiscale et stipule que, sous condition de réciprocité, à
situation égale, les ressortissants d'un Etat signataire de la convention ne
peuvent être traités moins favorablement que les nationaux.
Ce principe
signifie que l'impôt appliqué aux nationaux et aux étrangers se trouvant dans
une situation identique doit revêtir la même forme, que ses modalités
d'assiette et de liquidation doivent être semblables, son taux égal et, enfin,
que les formalités relatives à l'imposition (déclaration, paiement, délais, etc...) ne peuvent être plus onéreuses pour les étrangers
que pour les nationaux.
La règle de
non discrimination n'interdit toutefois pas par principe qu'il soit établi une
distinction entre les résidents pour l'octroi d'avantages relatifs à leurs
charges familiales et les non résidents en réservant les déductions pour
charges de famille aux seuls résidents.
La règle de
non discrimination n'interdit pas, non plus, qu'un Etat réserve des avantages
fiscaux à ses propres organismes publics ou services publics ou à des
établissements privés n'ayant pas un but lucratif et dont l'activité s'exerce
pour des fins d'utilité publique.
En revanche,
le principe de non discrimination s'applique pour les avantages fiscaux
applicables aux personnes morales de droit public exploitant des entreprises à
caractère économique dès lors qu'elles sont assimilables à des entreprises
industrielles et commerciales de droit privé.
La
disposition de non discrimination est formulée sous une forme négative du type
: «Les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat
contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus
lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de
cet autre Etat se trouvant dans la même situation». (Article 6-1 de la
convention Franco-Tunisienne).
C'est à
dessein que la disposition est rédigée sous la forme négative. En effet, une
telle formulation vise à proscrire que les étrangers soient traités de façon
défavorable par rapport aux nationaux mais pas l'inverse. Rien ne s'oppose, en
effet, à ce qu'un Etat accorde certains aménagements ou facilités à des
personnes étrangères et dont ne profitent pas les nationaux.
La règle de
non discrimination s'applique aux impôts et taxes visés par la convention. La
question se pose alors de savoir s'il est juridiquement acceptable qu'un Etat
institue une imposition spécifique aux revenus versés à des étrangers comme
c'est le cas de la taxe sur la valeur des contrats conclus avec les artistes
étrangers ?
Section 4. La règle de
non aggravation
§ 1. Les fondements juridiques de la
règle de non aggravation en fiscalité internationale
a) La
règle : La règle de
non aggravation implique que les dispositions d’une convention fiscale de non
double imposition ne doivent pas faire obstacle à l’application des
dispositions fiscales de droit commun, qui peuvent être des dispositions de
droit interne spécifiques à l’imposition des non-résidents, lorsqu’elles sont
plus favorables au contribuable.
b) Ses
fondements juridiques : Les conventions fiscales conclues en vue d’éviter les doubles
impositions ne permettent pas, par elles-mêmes, de prélever l’impôt. Elles ne
peuvent donc donner un fondement autonome à une imposition. Leur objet est
seulement, comme leur nom l’indique, de faire éventuellement obstacle à une
imposition prévue par le droit interne et ne peuvent, à contrario, jamais
aggraver une telle imposition interne.
Autrement
dit, un Etat qui conclut une convention internationale de non double imposition
se borne à abandonner une partie du droit d’imposition qu’il tient du droit
interne.
Ainsi, les
conventions internationales de non double imposition ont comme particularité de
présenter un caractère subsidiaire. L’autorité supérieure à celle des lois
internes que l’article 32 de la constitution confère à tout engagement
international ne peut jouer en matière fiscale que pour autant que la loi
est d’abord susceptible de trouver application en droit interne.
Ainsi, une
convention fiscale internationale n’a jamais pour objet de permettre à un Etat
d’établir une imposition, mais seulement de régler les cas de conflits en
retirant à un Etat le droit de taxer qu’il tire de son droit interne.
Lorsque le
droit interne exonère un revenu par exemple, ce revenu ne peut être imposé par
le pays concerné en vertu d’une disposition d’une convention fiscale internationale. De même, lorsque le droit interne soumet un
revenu à une imposition plus douce que celle résultant d’une convention fiscale
de non double imposition, c’est cette imposition plus douce qui s’applique.
C’est la
raison pour laquelle, l’article 52 du code de l’IRPP et de l’IS prévoit une disposition spécifique relative au taux de
la retenue à la source applicable à certains revenus versés à des bénéficiaires
non domiciliés ni établis en Tunisie.
En
conclusion, en matière de fiscalité internationale, il est établi une priorité,
qui ne signifie pas une primauté du droit interne sur les dispositions de la
convention internationale de non double imposition qui ne peut avoir de portée
autre que celle d’alléger l’imposition dans un pays et d’éviter l’aggravation
de l’imposition d’un revenu que deux pays se partagent par rapport à l’ensemble
de l’imposition du même revenu imposé dans un seul pays.
§ 2. Mise en œuvre de la règle
La règle de
non aggravation découle du principe de non discrimination et implique que les
dispositions d'une convention fiscale de non double imposition ne doivent pas
faire obstacle à l'application des dispositions fiscales de droit commun, qui
peuvent être des dispositions de droit interne spécifiques à l'imposition des
non-résidents, lorsqu'elles sont plus favorables au contribuable.
Cette règle
est reconnue par la doctrine de l'administration fiscale tunisienne (BODI,
Texte DGI n° 92/41, Note commune n° 27, pages 145 et 148).
Ainsi, il est
fait application des règles suivantes pour qu'une rémunération versée à un non
résident ou une opération réalisée avec un non résident soit passible de
l'impôt tunisien :
- Il faut que le droit commun ou interne permette son imposition, et
- Qu'une telle imposition soit prévue ou soit compatible avec les
dispositions de la convention de non double imposition applicable.
De même,
il est fait application des règles suivantes pour la détermination du taux
d'imposition en présence d'une convention de non double imposition :
(1) Lorsque le taux prévu par la convention bilatérale est inférieur au
taux tunisien de droit interne, le taux de la convention est applicable de
plein droit du seul fait que la convention prime sur la loi interne.
(2) Lorsque le taux de la convention bilatérale est supérieur au taux
tunisien de droit commun, c'est le taux de droit commun qui s'applique
puisqu'il constitue un taux maximum ne pouvant être dépassé.
À ce titre,
les dividendes de source tunisienne sont totalement exonérés d'impôt et ce
nonobstant toute disposition contraire des conventions fiscales.
Cependant, la
règle de non aggravation ne fait pas l'objet d'un consensus international.
Ainsi, tirant les conséquences de la primauté de la convention fiscale sur le
droit interne, l'administration fiscale française, par exemple, considère que
les dispositions conventionnelles peuvent restreindre ou, au contraire,
aggraver les obligations des contribuables.
De même,
certains pays instituent des impôts spécifiques applicables aux étrangers, ce
qui est de nature à contourner l'obligation de non discrimination et de non
aggravation applicable aux impôts visés par les conventions. C'est le cas de la
taxe sur les artistes étrangers instituée par certains pays (dont la Tunisie).
Section 5. Modalités
d'imposition des établissements stables
Le régime
applicable aux rémunérations versées aux entreprises étrangères est largement dépendant :
- de leurs statuts en Tunisie selon qu'elles disposent ou qu'elles doivent
disposer ou non d'un établissement stable en Tunisie,
- selon que l'opération est rattachée ou rattachable ou au contraire
dissociable et non rattachée audit établissement.
- et selon qu'il s'agit ou non des travaux de construction, des
opérations de montage ou des activités de surveillance s'y rattachant ainsi que
les associés et les membres non résidents des sociétés de personnes et
assimilées, dont la durée n'excède pas 6 mois. En effet, l'article 70 de la loi
n° 2003-80 du 29 décembre 2003 portant loi de finances pour l'année 2004 a
prévu la possibilité pour lesdits établissements d'être dispensés de la tenue
d'une comptabilité et d'être imposés par voie de retenue à la source
libératoire avec la possibilité de dépôt de déclaration sur la base des revenus
ou bénéfices nets réalisés.
Aux termes de
l'article 47 du code de l'IRPP et de l'IS, «Les
bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont ceux réalisés dans le
cadre d'établissements situés en Tunisie et ceux dont l'imposition est
attribuée à la Tunisie par une convention fiscale de non double imposition».
Dans les
conventions internationales, il est généralement inséré la disposition suivante
: si l'entreprise exerce son activité par l'intermédiaire d'un établissement
stable, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'Etat où se trouve
ledit établissement mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables
audit établissement stable [1].
Selon les
commentaires de l'OCDE, cela revient à dire que les activités d'une entreprise
étrangère qui dispose d'un établissement stable en Tunisie peuvent comporter
deux branches : la branche des activités qui se rattachent à l'établissement
stable et la branche des activités dissociées (lorsqu'elles sont dissociables).
Ainsi, les
activités rattachées à l'établissement stable sont soumises à l'impôt selon le
régime du droit interne alors que les activités dissociées sont régies par le régime conventionnel et généralement imposées selon la
technique de la retenue à la source libératoire.
[1] Néanmoins, selon l'article 7 de la convention tuniso-canadienne : «si l’entreprise exerce ou a exercé son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables :
a) audit établissement stable, ou
b) aux ventes de marchandises de même nature que celles qui sont vendues par l’entremise de l’établissement stable ou de nature analogue, ou bien à d’autres activités commerciales de même nature que celles qui sont exercées par l’établissement stable ou de nature analogue».