Chapitre 12 - Les rémunérations versées aux non résidents
passibles de
retenues à la source
Sommaire :
Section 1. Les traitements
et salaires, pensions et rentes viagères
§
1. Régime fiscal des étrangers employés en Tunisie
§
2. Régime fiscal applicable aux tunisiens expatriés à l'étranger
Section 2.
Honoraires, commissions, courtages, loyers et autres rémunérations non commerciales
§
2. Les commissions et courtages
§
4. Les rémunérations des artistes étrangers
Section 3.
L'impôt sur la plus-value immobilière
§
1. Les cessions d'immeubles faites par les personnes physiques étrangères
§
2. Les cessions d'immeubles faites par des personnes morales étrangères
Section 4.
Retenue à la source au taux de 1,5%
Sous-section 1.
Les redevances proprement dites
§
1. Définition en droit interne
§
2. Définition fournie par les conventions de non double imposition
Sous-section 2.
Les locations d'équipements
Sous-section 3.
Régime fiscal des redevances
Sous-section 4.
Redevances exonérées
§
1. Redevances payées par les entreprises totalement exportatrices
§
2. Redevances payées par les entreprises pétrolières à leur société mère
Section 7. Les
revenus de valeurs mobilières
§
1. Les dividendes et tantièmes (BODI - Texte DGI n° 92/41, Note commune n° 27)
§
3. Rémunérations servies aux gérants majoritaires de SARL non résidents
Section 8. Les
revenus de capitaux mobiliers
§
1. Les revenus de capitaux mobiliers exonérés
§
2. Les revenus de capitaux mobiliers soumis à la retenue à la source
Le régime fiscal des rémunérations
versées et opérations réalisées avec les non résidents est déterminé par :
- Soit les dispositions de droit commun, en l'absence de convention de
non double imposition avec le pays de résidence du non résident ;
- Soit les dispositions de la convention de non double imposition
conjuguées avec les dispositions de droit commun interne lorsqu'il existe une
telle convention.
La
détermination du régime applicable dépend aussi de la qualification de la
rémunération ou de l'opération visée. En effet, le régime fiscal applicable
aussi bien au niveau du champ d'application de l'impôt tunisien (caractère
imposable ou non) qu'au niveau des modalités de l'imposition (régime et taux de
la retenue à la source) sont fonction de la catégorie
de revenus à laquelle se rattache la rémunération ou l'opération.
À titre
d'exemple, il est généralement utile de distinguer entre honoraires et
redevances car certraines conventions accordent une
franchise d'imposition pour les honoraires dans les pays de la source.
À ce sujet,
selon Monsieur Mabrouk MAALAOUI [1], «lorsque les services rendus ou
les activités déployées à titre indépendant par des personnes physiques
relèvent à la fois du domaine d'application des professions indépendantes et
des redevances (travaux d'études, d'ingénierie, assistance technique...), ils
seront soumis au régime fiscal applicable aux redevances» [2].
Il conclut en
émettant la règle d'interprétation suivante [3] : «lorsqu'on est en présence de plus
d'un article qui traite du même revenu, c'est le moins général si non le plus
précis qui s'applique».
Section 1. Les traitements et salaires, pensions
et rentes viagères
§ 1. Régime fiscal des étrangers employés en Tunisie
Le BODI
(Texte DGI n° 90/36, Note commune n° 31, pages 145 et 146) rappelle que les
différentes conventions de non double imposition conclues entre la Tunisie et
d'autres pays précisent que les rémunérations qu'un résident d'un Etat étranger
reçoit au titre d'un emploi salarié exercé en Tunisie sont imposables en
Tunisie.
Cependant,
l'intéressé demeure imposable dans son pays d'origine si les trois
conditions cumulatives suivantes sont remplies :
1-
le bénéficiaire séjourne en Tunisie pendant une période ou des périodes
n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée ; et
2-
les rémunérations sont payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui
n'est pas résident en Tunisie ; et
3-
la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou
une base fixe en Tunisie.
Ainsi, il
suffit que l'une de ces trois conditions ne soit pas remplie pour que toute
personne n'ayant pas une résidence habituelle en Tunisie mais y exerce une
activité salariée supporte l'impôt sur le revenu en Tunisie et non pas dans son
pays d'origine et ce, à raison des seuls revenus de source tunisienne.
Il s'ensuit
que le personnel expatrié qui exerce une activité salariale auprès d'une
entreprise établie en Tunisie doit supporter l'impôt à concurrence de la
rémunération de source tunisienne qui lui est servie.
À cet effet,
les employeurs de personnes n'ayant pas une résidence habituelle en Tunisie
sont tenus d'effectuer la retenue à la source sur toute rémunération servie à
ces personnes quelle que soit la durée de leur séjour en Tunisie.
Il en est de
même des pensions et rentes viagères au titre d'un emploi antérieur versées par
un organisme tunisien à un non résident. Cependant, la plupart des conventions
fiscales attribuent l'imposition des pensions et rentes viagères au pays de
résidence du bénéficiaire et non en Tunisie.
La retenue à
la source sur les traitements, salaires et pensions versés à un non résident ne
prennent pas en compte les déductions pour charges de famille. Dans une prise
de position (courrier n° 1178 du 14 juillet 1998) [4], l'administration fiscale a
considéré que les salariés, qui ne disposent pas du lieu de leur résidence
habituelle en Tunisie et qui ne sont de ce fait soumis à l'impôt sur le revenu
tunisien que sur leurs salaires de source tunisienne, ne peuvent prétendre aux
déductions pour charges de famille.
§ 2. Régime fiscal applicable aux
tunisiens expatriés à l'étranger
Sauf
disposition particulière d'une convention fiscale internationale, lorsqu'un
tunisien est détaché à l'étranger, sa rémunération est passible de la retenue à
la source en Tunisie si les deux conditions suivantes sont remplies :
1)
Le salaire est payé par un employeur tunisien et non rattaché à un
établissement stable à l'étranger.
2)
Il n'est pas soumis à l'impôt à l'étranger dans le pays de la source en raison
de sa rémunération à l'étranger.
Néanmoins,
l'indemnité d'expatriation est exonérée pour certaines activités réalisées à
l'étranger.
Section 2. Honoraires, commissions, courtages,
loyers et autres rémunérations non commerciales
Les
honoraires qui désignent, au sens fiscal, les rémunérations de certaines
activités libérales
sont soumises à une retenue à la source calculée au taux de 15% sur le montant
versé au prestataire non résident, taxe sur la valeur ajoutée comprise.
TVA sur
honoraires versés aux non résidents : La TVA au taux de 10% est soumise à une retenue à la
source pour son montant total.
Retenue
au titre de l'impôt sur le revenu : Les honoraires versées à des personnes physiques sont,
sauf disposition plus favorable résultant d'une convention de non double
imposition, passibles d'une retenue à la source libératoire au taux de
15% calculée sur le montant TVA comprise.
Cas où le
cabinet étranger est résident d'un pays ayant conclu une convention de non
double imposition avec la Tunisie : Certaines conventions de non double imposition n'imposent
les honoraires de source tunisienne versés à des personnes physiques
ressortissant de l'autre Etat que lorsqu'ils sont supérieurs à un certain
montant fixé par la convention :
Conventions |
Montant au delà duquel les
honoraires de source tunisienne sont imposables (En monnaie étrangère ou
l'équivalent en DNT) |
Convention
Tuniso-Belge |
200.000
francs belges |
Convention
Tuniso-Canadienne |
3.000
dollars canadiens |
Convention
Tuniso-Italienne |
7.000
dollars américains |
Convention
Tuniso-Norvégienne |
25.000
couronnes norvégiennes |
Convention
Tuniso-Américaine |
7.500
dollars américains |
Convention
Tuniso-Marocaine |
20.000
dirhams marocains |
Retenue
au titre de l'IS : Les honoraires versés à des
personnes morales non établies ni domiciliées en Tunisie sont, sauf régime plus
favorable prévu par une convention internationale, soumis à une retenue
libératoire au titre de l'impôt sur les sociétés au taux de 15% calculée sur le
montant TVA comprise.
Quant aux
redevances qui désignent notamment les rémunérations au titre des études
techniques ou économiques et d'assistance technique, elles sont aussi soumises
à une retenue à la source au taux de 15% sur leur montant taxe sur la valeur
ajoutée comprise [5].
§ 2. Les commissions et courtages
TVA sur
les commissions et courtages : Les commissions et courtages sont passibles de la TVA au taux
de 18% qui doit faire l'objet d'une retenue à la source au taux de 100% lorsque
le bénéficiaire ne dispose pas d'un établissement stable ou n'est pas établi en
Tunisie.
Retenues
au titre de l'IR et de l'IS
: Qu'ils soient
perçus par une personne physique ou une personne morale, les commissions et
courtages, versés en raison d'opérations d'intermédiation effectuées en dehors
de la Tunisie, sont passibles, sauf disposition plus favorable d'une convention
fiscale internationale, d'une retenue à la source de 15% calculée sur le
montant TVA comprise. A l'exception de la convention Tuniso-roumanie
qui impose les commissions dans le pays de la source au taux de 4%, la plupart
des conventions réservent l'imposition des commissions au pays de résidence.
Pour les
personnes physiques, on distingue entre les loyers non rattachés à une
exploitation en Tunisie et les loyers rattachés à une exploitation commerciale
ou non commerciale en Tunisie :
- Les loyers relevant de la catégorie des revenus fonciers
et les loyers de fonds de commerce non rattachés à une exploitation en Tunisie sont ceux réalisés par une personne
physique non résidente en Tunisie et n'y disposant pas d'une exploitation
professionnelle.
Ils font
l'objet d'une retenue à la source au taux de 15%.
Les loyers
des immeubles appartenant à des personnes physiques non résidentes ne sont pas
assujettis à la TVA. En revanche, les loyers des immeubles à usage commercial
appartenant à des personnes morales sont passibles de la TVA au taux de 18%.
- Les loyers relevant d'une exploitation tunisienne : la retenue à la source de 15% ne
s'applique pas aux personnes physiques non résidentes qui réalisent en Tunisie
des loyers de fonds de commerce ou de propriétés bâties et non bâties faisant
partie d'un actif professionnel d'une entreprise industrielle, commerciale ou
non commerciale du fait qu'elles sont considérées comme établies en Tunisie.
Les loyers qui leurs sont servis à ce titre font partie du résultat de leur
exploitation tunisienne et sont soumis éventuellement à la retenue à la source
au taux de 15% ou au taux de 5% si l'immeuble est un hôtel.
Quant aux
personnes morales étrangères qui réalisent des revenus d'immeubles situés en
Tunisie, la doctrine administrative les considère comme étant établies en
Tunisie du fait de la détention de ces immeubles.
Elles sont
par conséquent traitées comme toute entreprise établie en Tunisie et les loyers
qu'elles réalisent sont soumis à une retenue à la
source au taux de 15% ou au taux de 5% si l'immeuble est un hôtel. Lorsqu'il
s'agit de loyers professionnels, ils sont aussi passibles de TVA au taux de
18%.
§ 4. Les rémunérations des artistes étrangers
Ces
rémunérations sont passibles de la taxe sur les contrats conclus avec les
artistes étrangers engagés pour animer les spectacles publics à caractère
commercial à l'exception des contrats portant sur les spectacles à caractère
culturel et agréés par le ministère de la culture.
La taxe est
due au taux de 25% sur le montant total revenant à l'artiste y compris les
avantages en nature.
En outre,
sauf disposition plus favorable d'une convention fiscale, les rémunérations des
artistes étrangers (chanteurs, musiciens, compositeurs, artistes de cinéma, de
théâtre, etc...) sont soumises à une retenue à la
source au taux de 15% au titre de l'impôt sur le revenu.
Sauf
disposition plus favorable d'une convention fiscale, les rémunérations versées
à des sportifs sont soumises à une retenue à la source au taux de 15% au titre
de l'impôt sur le revenu.
Section 3. L'impôt sur la plus-value immobilière
§ 1. Les cessions d'immeubles faites par les personnes physiques
étrangères
Les cessions
d'immeubles faites par les personnes physiques non résidentes à des personnes
et organismes soumis à l'obligation de retenue à la source sont soumises à une
retenue à la source au taux de 2,5% du prix d'acquisition déclaré dans l'acte
lorsque la cession de l'immeuble est soumise à l'impôt sur la plus-value
immobilière.
L'impôt sur
la plus-value immobilière sera dû au taux de 5% ou 10% selon que l'immeuble est
détenu depuis plus ou moins de 10 ans sur la base d'une déclaration faite par
le cédant.
Toutefois, la
Note commune n° 11/96 précise que la retenue à la source ne s'applique pas aux
cessions d'immeubles dont le résultat éventuel ne relève pas des revenus
fonciers tels que les cessions d'immeubles faites par des personnes physiques
non résidentes lorsque lesdits immeubles font partie d'un actif professionnel
d'une entreprise que le cédant exploite en Tunisie.
Lorsque la
cession de l'immeuble, dont le propriétaire est un non résident, est faite à un
acquéreur non tenu d'effectuer la retenue à la source au taux de 2,5% du prix
de cession, elle est, sauf les cas d'exonération, légalement soumise à l'impôt
tunisien sur la base d'une déclaration du cédant. Dans ce cas, l'impôt sur la plus-value sera
dû au taux de 5% ou de 10% selon que l'immeuble est détenu depuis plus ou moins
10 ans. Cet impôt sera dû sur la base de la différence entre le prix de cession
et le coût d'acquisition indexé au taux de 10% par année de détention.
§ 2. Les cessions d'immeubles faites par des personnes morales
étrangères
Toute
personne morale étrangère possédant un immeuble en Tunisie est de ce fait
établie en Tunisie.
Toutefois,
l'impôt sur les sociétés dû par une personne morale étrangère sur la plus-value
provenant de la cession d'immeubles sis en Tunisie ou des droits y relatifs ou
de droits sociaux dans les sociétés civiles immobilières et non rattachés à des
établissements situés en Tunisie est déterminé par la différence entre le prix
de cession de l'immeuble et son prix de revient ou d'acquisition.
Lorsque la
cession de l'immeuble est faite au profit de l'Etat, les collectivités locales,
les sociétés ou les personnes physiques soumises à l'impôt sur le revenu selon
le régime réel, elle fait l'objet d'une retenue à la source au taux de 15% du
prix de cession.
La personne
morale étrangère peut opter pour le caractère libératoire de la retenue à la
source de 15% sur le prix de cession comme elle peut opter pour la liquidation
de l'IS au taux de 35% sur la plus-value déterminée
par la différence entre le prix de cession et le coût de revient ou
d'acquisition de l'immeuble cédé. Dans ce dernier cas, la retenue à la source,
subie au taux de 15% sur le prix de cession, est imputable sur l'IS dû. Tout excédent peut faire l'objet de restitution sur
demande de la personne morale intéressée.
Section 4. Retenue à la source au taux de 1,5%
Les marchés
conclus par les établissements stables avec les personnes morales autres que
publiques ou les personnes physiques soumises au régime réel ainsi que les
sommes versées par l'Etat, les collectivités locales, les entreprises et
établissements publics dont le montant est égal ou supérieur à 1000 D TTC sont
passibles d'une retenue à la source au taux de 1,5%.
En revanche,
lorsque le marché conclu avec des personnes morales autres que publiques ou les
personnes physiques soumises au régime réel ou les sommes versées par l'Etat,
les collectivités locales, les entreprises et établissements publics dont le
montant est égal ou supérieur à 1,000 D TTC porte sur des prestations fournies
par un fournisseur non résident et non établi en Tunisie, il donne lieu :
- à une retenue à la source à 100% du montant de la TVA.
- à une retenue à la source au taux de 15% s'il s'agit d'honoraires, de
commissions, de courtages, de redevances ou de toutes autres prestations non
commerciales sauf disposition plus favorable d'une convention de non double
imposition.
Les marchés
conclus par les établissements stables d'entreprises étrangères établies en
Tunisie avec les personnes morales autres que publiques ou les personnes
physiques soumises au régime réel ou les sommes versées par l'Etat, les
collectivités locales, les entreprises et établissements publics aux personnes
ayant un établissement stable en Tunisie sont passibles de la retenue à la
source au taux de 1,5% ou à un taux plus élevé lorsque la prestation est
passible d'une retenue à la source au taux de 5% ou de 15%.
En revanche,
pour les marchés conclus avec les personnes morales autres que publiques ou les
personnes physiques soumises au régime réel ou les sommes versées par l'Etat,
les collectivités locales, les entreprises et établissements publics portant
sur la fourniture de biens corporels par une entreprise non établie ni
domiciliée en Tunisie, les bénéfices d'une telle opération n'étant pas soumis à
l'impôt sur les bénéfices tunisien, ils se trouvent en dehors du champ
d'application de la retenue à la source de 1,5%.
Section 5. Les travaux de construction, de
montage ou les activités de surveillance et les associés des sociétés de
personnes et assimilées
Les personnes
physiques ou morales qui réalisent en Tunisie des travaux de construction, des
opérations de montage ou des activités de surveillance s'y rattachant ainsi que
les associés ou les membres non résidents des sociétés du personnes et
assimilées dont la durée n'excéde pas six mois sont
soumises à l'IR ou à l'IS
par voie de retenue à la source libératoire au taux suivants :
- 5% du montant brut des rémunérations pour les travaux de
construction,
- 10% du montant brut des rémunérations pour les opérations
de montage,
- 15% du montant brut des rémunérations pour les activités
de surveillance ainsi que pour toutes les autres activités et services réalisés
par les associés ou membres de sociétés de personnes ou assimilées.
Les personnes
physiques ou les personnes morales concernées par la retenue à la source
libératoire peuvent opter pour le paiement de l'impôt sur le revenu ou de
l'impôt sur les sociétés sur la base des revenus ou bénéfices nets réalisés au
titre des travaux, opérations, activités et services susmentionnés. Les revenus
ou bénéfices nets sont déterminés, dans ce cas, selon le régime réel.
L'option pour
l'imposition sur la base des revenus ou bénéfices nets réalisés est exercée par
voie d'une demande qui doit être déposée par les personnes concernées auprès du
bureau du contrôle des impôts compétent lors du dépôt de la déclaration
d'existence.
A défaut de
production de la demande d'option visée par les services du contrôle fiscal, le
débiteur des sommes est tenu d'effectuer la retenue à la source au taux de 5%,
10% ou 15% selon le cas.
En cas
d'option pour le paiement de l'IR ou de l'IS sur la base des revenus ou bénéfices nets réalisés, et
du non respect des obligations fiscales et comptables prévues par le code de
l'IRPP et de l'IS, l'impôt sur le revenu ou l'impôt
sur les sociétés dû ne peut être inférieur au montant de l'impôt caclulé sur la base de la retenue à la source libératoire
prévue ci-dessus.
Les
redevances visées par le troisième tiret du deuxième § de l'article 3 du code
de l'IRPP et de l'IS englobent deux catégories
distinctes de rémunérations :
- Les redevances proprement dites (sous-section 1).
- Les locations d'équipement (sous-section 2).
Après avoir
présenté le régime fiscal des redevances (sous-section 3), nous étudierons les
redevances exonérées de retenue à la source (sous-section 4) et les
conséquences de la prise en charge par l'entreprise tunisienne de l'impôt sur
les redevances versées à un non résident (sous-section 5).
Sous-section 1. Les redevances proprement dites
Après avoir
défini les redevances en droit interne (§1), nous examinerons la définition (ou
plutôt les définitions) qui en sont faites dans les conventions de non double
imposition (§2).
§ 1. Définition en droit interne
Aux termes du
troisième tiret du deuxième § de l'article 3 du code de l'IRPP et de l'IS, relèvent des redevances au sens propre, les
rémunérations au titre :
(1) Des droits d'auteur (création littéraire, artistique, scientifique,
informatique, etc...).
(2) De l'usage, de la concession de l'usage ou de la cession d'un brevet, d'une marque
de fabrique ou de commerce, d'un dessin ou d'un modèle de plan, d'une formule
ou d'un procédé de fabrication, y compris les films cinématographiques ou de
télévision.
(3) Des informations ayant trait à une expérience acquise
dans le domaine industriel, commercial ou scientifique : Il s'agit de la communication d'un
savoir faire ou know-how c'est-à-dire des informations techniques non
divulguées au public et qui sont nécessaires pour la production industrielle.
Selon
Monsieur Mabrouk MAALAOUI [6] «le contrat de la communication
d'informations ne comprend pas les contrats de prestations de services
techniques où une personne s'oblige envers une autre à exécuter un travail
déterminé à l'aide des connaissances usuelles de sa profession qui sont dues à
un niveau d'instruction donné, voire même à une simple expérience
(consultations données par un ingénieur, un avocat ou un expert-comptable,
services après-vente)».
(4) Des études techniques ou économiques : Selon Monsieur Mabrouk
MAALAOUI [7] «une étude technique ou économique
est identifiée par un objet et des besoins généralement exprimés par un cahier
de charges et suppose de la part de la personne qui l'exécute successivement
une constatation, une analyse et une conclusion qui doivent être contenues dans
un rapport qui devient la propriété exclusive de la personne qui la commande.
À ce titre,
constituent des études techniques ou économiques :
- La
conception des plans de construction de routes, de ponts, d'immeubles...,
d'aménagement de zones, de pose, de conduites et d'installation de réseaux, les
plans d'agencement et d'organisation du travail,...
- Les études
de rentabilité des projets, de marketing,...».
§ 2. Définition fournie par les conventions de non double imposition
Selon les
commentaires du modèle de la convention de l'OCDE, les redevances proviennent
en général des biens ou droits relevant des différentes formes de propriété
littéraire et artistique, des éléments de propriété intellectuelle ainsi que
les informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine
industriel, commercial ou scientifique. La définition s'applique aux
rémunérations payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit qui y
est mentionné, que ce droit ait fait ou non l'objet ou soit susceptible ou non
de faire l'objet d'un dépôt ou d'une inscription publique. La définition
comprend aussi bien les paiements faits en exécution d'un contrat de licence
que les indemnités qu'une personne serait obligée de verser pour contrefaçon ou
violation du droit.
Les droits de
location pour la concession de films cinématographiques sont également traités
comme des redevances, que ces films soient projetés dans des salles de
spectacles ou à la télévision.
Les
informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel,
commercial ou scientifique vise la notion de
"Know-how".
Sous-section 2. Les locations d'équipements
Les
redevances ou loyers payés à des non résidents en rémunération de l'usage ou de
la concession de l'usage d'un équipement industriel, commercial, agricole, portuaire
ou scientifique sont imposables en Tunisie selon les règles de droit interne au
taux de 15% du montant TVA comprise.
Néanmoins,
certaines conventions classent de tels revenus dans la catégorie des bénéfices
industriels et commerciaux et non dans la catégorie des redevances. D'autres
conventions ne retiennent pour imposables dans le pays de la source que
certaines catégories d'équipements parmi les différentes catégories retenues en
droit commun.
Sous-section 3. Régime fiscal des redevances
Les redevances
versées à des non résidents sont passibles en droit interne d'une retenue à la
source libératoire de 15% du montant TVA comprise de la redevance
[8].
Quant aux
conventions fiscales, elles prévoient généralement des taux différenciés par
nature de prestation ou de redevance. Ces taux différenciés varient d'une
convention à une autre. Certaines prestations se trouvent même, en application
de certaines conventions, affranchies de toute imposition en Tunisie.
C'est ainsi
que certaines conventions n'incluent pas dans la définition du terme
"redevances" l'assistance technique (convention Tuniso-Française)
ou les études techniques (convention Tuniso-Belge) ce
qui place lesdites prestations en dehors du champ d'imposition en Tunisie.
La
conjugaison du droit interne avec les dispositions des conventions fiscales
détermine le taux de la retenue à la source à opérer au titre des redevances
(BODI, Texte DGI n° 92/41, Note commune n° 27-V : Conditions et tarifs
d'imposition). Ainsi, le taux à appliquer est :
- celui prévu par la convention de non double imposition dans la mesure
où ce taux est inférieur à 15%,
- et 15% dans le cas où le taux prévu par la convention y est supérieur.
Sous-section 4. Redevances exonérées
§ 1. Redevances payées par les entreprises totalement exportatrices
Le versement
à une personne physique ou morale non établie ni domiciliée en Tunisie par une
entreprise totalement exportatrice de l'une des rémunérations suivantes est
exonéré d'impôt et par voie de conséquence de toute retenue à la source :
1-
des droits d'auteur ;
2-
de l'usage ou de la concession de l'usage ou de la cession d'un brevet, d'une
marque de fabrique ou de commerce, d'un dessin ou d'un modèle, d'un plan, d'une
formule ou d'un procédé de fabrication, y compris les films cinématographiques
et de télévision ;
3-
de l'usage ou de la concession de l'usage d'un équipement industriel,
commercial, agricole, portuaire ou scientifique,
4-
des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel,
commercial ou scientifique ;
5-
des études techniques ou économiques, ou pour une assistance technique.
L'article 10
du code d'incitations aux investissements considère comme entreprises
totalement exportatrices :
- les entreprises dont la production est destinée totalement à
l'étranger, ou
- les entreprises dont les prestations de services sont réalisées
totalement à l'étranger.
Le même article considère également comme entreprises totalement
exportatrices :
- les entreprises travaillant exclusivement avec :
• les entreprises dont la production est
totalement destinée à l'étranger ou dont les prestations de services sont
réalisées totalement à l'étranger ;
• les entreprises établies dans les parcs
d'activités économiques prévues par la loi n° 92-81 du 3 août 1992 telle que
modifiée par les lois subséquentes ;
• les organismes financiers et bancaires
travaillant essentiellement avec les non résidents prévus par la loi n° 85-108
du 6 décembre 1985.
Sont aussi considérées
comme entreprises totalement exportatrices :
- les sociétés de commerce international totalement exportatrices
prévues par la loi n° 94-42 du 7 mars 1994 telle que modifiée et complétée par
les lois subséquentes ;
- les entreprises établies dans les parcs d'activités économiques
prévues par la loi n° 92-81 du 3 août 1992 telle que modifiée et complétée par
les lois subséquentes.
Dans une
prise de position (619) du 20 avril 2000, la DGELF a précisé que l’exonération
des redevances payées par les entreprises totalement exportatrices s’applique
abstraction faite des liens qui lient les deux parties.
§ 2. Redevances payées par les entreprises pétrolières à leur société
mère
Aux termes de
l'article 104 de la loi n° 99-93 du 17 août 1999 portant promulgation du code
des hydrocarbures, les redevances payées par les sociétés de production et
d'exploitation des hydrocarbures à leur société mère établie à l'étranger au
titre des études et de l'assistance technique ne sont pas soumis à l'impôt sur
les sociétés et ne font pas l'objet de retenue à la source.
§ 3. Redevances payées en contrepartie de l'affrètement de navires ou
d'aéronefs affectés au trafic international
Les
redevances payées par les entreprises établies en Tunisie au profit d'autres
entreprises non établies ni domiciliées en Tunisie au titre de l'affrètement de
navires ou d'aéronefs exploités en trafic international sont exonérées d'impôt
sur le revenu et d'impôt sur les sociétés et sont, par conséquent, exonérées de
retenue à la source.
On entend par
trafic international, le transport de personnes ou de marchandises d'un point
situé à l'étranger vers un point situé en Tunisie et vice-versa. En revanche,
tout affrètement pour un trafic assuré entre deux points situés en Tunisie
relève du trafic national et se trouve par conséquent exclu de l'exonération.
Sous-section 5. Caractère non déductible de l'impôt sur les
redevances pris en charge par l'entreprise tunisienne
Aux termes du
point 2 de l'article 14 du code de l'IRPP et de l'IS,
ne sont pas déductibles pour la détermination de l'assiette imposable : les
retenues à la source supportées aux lieu et place des personnes non résidentes
ni établies en Tunisie au titre des rémunérations visées au troisième tiret du
§ 2 de l'article 3 dudit code que l'on qualifie usuellement de redevances.
Monsieur Mabrouk MAALAOUI [9] rapporte que «dans le cas d'une
redevance financée et payée à partir de l'étranger par une personne ou un
organisme non établi ni domicilié en Tunisie, l'administration fiscale a retenu
(courrier n° 1165 du 22 octobre 1997) que lorsque le prêt contracté à
l'étranger, le don..., prend en considération le coût global des services, y
compris donc l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés, le bénéficiaire
des services, en tant que débiteur réel des redevances, donnera l'ordre au
débiteur établi à l'étranger de payer au fournisseur des services le montant
des redevances net de la retenue à la source et de lui transférer cette
dernière, à charge pour lui de la reverser au trésor et qu'en cas
d'inobservation de cette procédure, l'impôt sera considéré comme étant à la
charge du bénéficiaire des services».
Section 7. Les revenus de valeurs mobilières
On
distinguera entre les dividendes et tantièmes, les jetons de présence et les
rémunérations servies aux gérants majoritaires de SARL.
§ 1. Les dividendes et tantièmes (BODI - Texte DGI n° 92/41, Note
commune n° 27)
Le terme
"dividendes" désigne généralement les revenus provenant d'actions de
capital ou de jouissance, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à
l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales
assimilés aux revenus d'actions par la législation fiscale tunisienne.
Le droit
d'imposition des dividendes revient au pays de la résidence du bénéficiaire.
Toutefois, la plupart des conventions conclues par la Tunisie reconnaissent à
la Tunisie le droit d'imposer les dividendes dans la mesure où la législation
interne prévoit une telle imposition. Dans ce dernier cas, l'imposition a lieu
soit au taux de droit commun, soit à un taux maximum fixé par chaque
convention.
Compte tenu
de l'exonération des distributions des bénéfices en Tunisie à partir du 1er
janvier 1990, une telle clause conventionnelle n'a plus d'effet fiscal en ce
qui concerne la Tunisie. De ce fait, les dividendes distribués par toute
société établie en Tunisie à des non résidents sont exempts de toute imposition
et par conséquent de toute retenue à la source. Il en est de même des
plus-values sur les actions et parts sociales réalisées par les particuliers
non résidents en Tunisie.
Les
plus-values de cession des valeurs mobilières réalisées par les personnes
physiques et les personnes morales non établies ni domiciliées en Tunisie et ne
faisant pas partie de l'actif d'un établissement stable ou d'une base fixe,
sont exonérés de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.
Dans une
prise de position (607) du 11 avril 2001, la DGELF a précisé que les dividendes
ne sont exonérés que sous la double condition :
1-
ils doivent être décidés par l’AGO ; et
2-
ils doivent être distribués en fonction des parts revenant à chacun des
associés.
Les jetons de
présence sont passibles en droit interne d'une retenue à la source au taux de 20%.
Ainsi, sauf disposition plus favorable d'une convention fiscale internationale,
les jetons de présence versés à un non résident, personne physique ou morale,
sont passibles d'une retenue à la source libératoire au taux de 20%.
§ 3. Rémunérations servies aux gérants majoritaires de SARL non
résidents
Les
rémunérations servies aux gérants majoritaires de SARL non résidents ni établis
en Tunisie sont passibles d'une retenue à la source au taux de 15% de leur
montant brut. La retenue à la source est dans ce cas libératoire de l'impôt sur
le revenu.
Etant
précisé, par ailleurs, que lesdites rémunérations restent non déductibles pour
la détermination du bénéfice imposable de la société établie en Tunisie.
Section 8. Les revenus de capitaux mobiliers
Nous distinguerons
entre les revenus de capitaux mobiliers exonérés (§ 1) et les revenus de
capitaux mobiliers passibles d'une retenue à la source (§ 2).
§ 1. Les revenus de capitaux mobiliers exonérés
A) Les intérêts des dépôts et titres en devises ou en dinars
convertibles payés aux personnes physiques
Aux termes de
l'alinéa 8 de l'article 38 du code de l'IRPP et de l'IS,
les intérêts de dépôts et de titres en devises ou en dinars convertibles versés
aux personnes physiques sont exonérés d'impôt sur le revenu et sont de ce fait
exempts de toute retenue à la source.
B) Les intérêts des dépôts et titres en devises ou en dinars
convertibles payés aux personnes morales non établies ni domiciliées en Tunisie
Les personnes
morales étrangères non établies ni domiciliées en Tunisie ne sont pas
imposables au titre des prêts et titres en devises ou en dinars convertibles
(article 45.II du code de l'IRPP et de l'IS) et de ce
fait, lesdits intérêts ne sont passibles d'aucune retenue à la source.
§ 2. Les revenus de capitaux mobiliers soumis à la retenue à la source
A) Intérêts revenant aux établissements tunisiens des
sociétés étrangères
Les intérêts
exonérés de tout impôt tunisien sont ceux des dépôts et titres en devises ou en
dinars convertibles quelqu'en soit le bénéficiaire.
En revanche,
les intérêts de capitaux mobiliers en dinars revenant aux établissements
tunisiens des entreprises étrangères constituent des revenus qui sont
imputables à ces établissements et sont de ce fait soumis au régime fiscal de
droit commun dont notamment la retenue à la source aux taux prévus par la
législation interne.
B) Intérêts des autres capitaux mobiliers
Les intérêts
autres que ceux des dépôts et titres en devises ou en dinars
convertibles versés aux personnes physiques non résidentes ainsi qu'aux
personnes morales non établies ni domiciliées en Tunisie sont passibles de la
retenue au taux de 20% sous réserve de dispositions plus favorables des
conventions fiscales internationales.
Néanmoins,
aux termes du point e du § I de l'article 52 du code de l'IRPP et de l'IS, le taux de droit commun de la retenue à la source n'est
que de 2,5% au titre des intérêts des prêts payés aux établissements
bancaires non établis en Tunisie.
[1] In Conventions de non double imposition et droit commun tunisien en matière d'IRPP et d'IS - PriceWaterhouseCoopers 1998 - page 124.
[2] Il en est de même des services d'architectes et de formation.
[3] Op. cit, page 20.
[4] Rapportée par Monsieur Mabrouk MAALAOUI in Conventions de non double imposition et droit commun tunisien en matière d'IRPP et d'IS - Edition PriceWaterhouseCoopers, 1998, page 143.
[5]
À l'exception des
redevances versées par les entreprises totalement exportatrices bénéficiaires
de l'un des régimes d'incitations aux investissements.
[6] Selon Monsieur Mabrouk MAALAOUI, in Conventions fiscales et droit commun tunisien en matière d'IRPP et d'IS.
[7] Op.cit.
[8] À l'exception des rémunérations payées à des non-résidents par les entreprises totalement exportatrices bénéficiaires de l'un des régimes d'avantages fiscaux.
[9] Selon Monsieur Mabrouk MAALAOUI, in Conventions fiscales et droit commun tunisien en matière d'IRPP et d'IS.